Cursus scolaires différents, parcours professionnels différents, tempéraments différents pour beaucoup, le seul point commun entre Sy Kadiatou Sow et Sacko Aminata Kane, hormis le fait d’être femmes, est le fait d’avoir été les seules à occuper le poste de Gouverneur du District de Bamako, réputée ville à problèmes. La première a su imposer ses réformes là où la deuxième est en train de réussir ce que bon nombre de ces prédécesseurs hommes n’ont pas pu. En ce mois de mars, mois de la femme, c’est l’occasion de jeter un coup de projecteur sur ces deux personnages qui font honneur à la femme malienne et au-delà aux femmes d’Afrique et du monde.
Bamako, avec ses plus de 2.000.000 d’Habitants n’est pas une capitale facile à gérer. Elle connait le phénomène d’urbanisation galopante qui se manifeste par un exode rural massif. Envahie et dépassée, la ville peine à contenir tout ce beau monde. Place à l’anarchie. Les problèmes d’assainissement et d’occupation illicite de l’espace public sont entre autres conséquences de ce phénomène. Dans un pays où le social est érigé en bouclier du laisser aller, il faut des hommes de poigne pour y rétablir l’ordre. Et puisque dans notre subconscient et même dans notre société (même si on a du mal à l’admettre) la poigne et la fermeté seraient des caractéristiques propres à l’homme, Bamako a toujours eu des Gouverneurs hommes à l’exception de deux femmes. Il s’agit de Sy Kadiatou Sow et de l’actuel Gouverneur, Sacko Aminata Kane « Ami Kane ». Ironie du sort, c’est sous ces deux femmes qu’il y a eu des changements visibles et notables à Bamako.
Femme politique, Présidente d’associations féminines, plusieurs fois Ministres (Affaires étrangères, Maliens de l’Extérieur, Urbanisme), si le nom de Mme Sy Kadiatou Sow évoque un bel souvenir chez chaque Malien et chaque Malienne, c’est moins pour ses engagements et ses fonctions de Ministres que pour son passage à la tête du Gouvernorat du District de Bamako entre avril 1993 et février 1994. L’Histoire retiendra qu’elle fut la première femme à être Gouverneur du District de Bamako. C’était à l’époque où il y avait une forte symbolique. Elle fera de cette symbolique un atout pour la promotion de la femme. Loin de se contenter d’être Gouverneur, elle surprendra plus d’un et en un laps de temps. Si Beaucoup savent que Bamako est la vt, cependant, que cela est à mettre au crédit de Mme Sy Kadiatou Sow. La dynamique de jumelage-coopération entre des villes du Mali et d’Europe, c’est elle. Son expérience de Gestionnaire des Ressources humaines de 1982 à 1990 à la Compagnie Malienne de Développement du Textile (CMDT) lui aura servi une fois au Gouvernorat.
En effet, elle a réussi à impliquer les populations dans la protection et la salubrité de leur environnement en général et, en particulier, la collecte des ordures ménagères. Voilà d’où est partie l’idée de création des Groupements d’Intérêts Economiques (GIE). Son projet de développement dit « Programme Spécial Sauvons notre Quartier » mis en œuvre à partir de 1993 et qui visait à renforcer la sécurité foncière des Habitants et d’améliorer leurs conditions de vie a fini par convaincre les plus sceptiques sur la femme de vision qu’elle est. Malgré ces résultats éloquents obtenus, il a fallu attendre 23 ans pour voir une autre femme nommée à la tête du Gouvernorat.
« Il a fallu qu’une femme soit à ce poste pour voir Bamako assaini », propos du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta
C’est le 8 juin 2016 que le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, plaçait sa confiance en Mme Sacko Aminata Kane dite « Amy Kane » en la nommant au poste de Gouverneur du District de Bamako. Contrairement à Mme Sy Kadiatou Sow, Ami Kane s’était déjà fait un nom lors de son passage à la Brigade des Mœurs avant d’atterrir au Gouvernorat. Celle qui a intégré les rangs de la police en 1977 accédait au Grade de Commissaire en 1993, l’année à laquelle Mme Sy Kadiatou Sow quittait le Gouvernorat. Les mots justes pour qualifier sa nomination, c’est certainement le Procureur du Tribunal de la Commune IV, Boniface Sanou, qui les a eu en ces termes : «En vous nommant Gouverneur du District de Bamako, le Président de la République a, sans doute, étonné ceux d’entre nous qui, malgré tout, imaginent difficilement de telles responsabilités entre les mains d’une femme, surtout quand elle a été appelée en dehors de la maison». Cette surprise s’est estompée depuis donnant raison au choix présidentiel. Face au tollé soulevé dans l’opinion suite au lancement de son opération de déguerpissement de l’espace public, elle est restée droite dans ses bottes là où beaucoup de ses prédécesseurs ont fait marche arrière. «Je suis d’accord pour le dialogue, mais engager le bras de fer avec le pouvoir met en péril l’autorité de l’Etat. Cela ne va pas m’intimider. Je ne profère pas de menaces, mais disons nous la vérité : il faut respecter la loi sinon on met la survie de l’Etat en danger. Je compte sur la collaboration de tout le monde ». Ces propos tenus le 1er août au cours d’une réunion avec les commerçants détaillants mécontents, ont fait frémir pas mal d’hommes. Un sentiment de peur de leur part qui était mêlé à de l’admiration face à la bravoure et la poigne de cette Dame. Cerise sur le gâteau, en disant « il a fallu qu’une femme soit à ce poste pour voir Bamako assaini ». Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, renvoie dans leurs petits souliers tous ceux qui croient que la place de la femme se trouve derrière les hommes.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT