L’accord de paix et de réconciliation nationale dont la mise en œuvre connaît déjà des difficultés de part la lenteur qui la caractérise semble désormais condamné à connaître des lendemains pires. Des nouvelles donnes qui font état d’une nouvelle suspension de la CMA au Comité de Suivi de l’Accord (CSA) et du risque d’insuffisance du Budget alloué au processus du DDR, sont de nature à assener un coup d’arrêt définitif à l’application du document signé en mai et juin 2015 par les acteurs de la crise malienne.
Le sujet a beau être supplanté par l’actualité relative au fameux accord de réadmission objet d’une motion de censure introduite à l’Assemblée Nationale, mais ses derniers rebondissements suscitent inquiétude pour les esprits épris de paix au Mali au point d’attirer l’attention de nos décideurs là dessus. L’accord d’Alger, puisque c’est de lui qu’il s’agit bel et bien ici, est fortement menacé par ces temps où il est relégué au second rang dans les préoccupations des autorités en charge de sa mise en œuvre.
En effet, l’annonce faite, certes pour la énième fois du genre, par la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) de sa suspension du CSA, n’augure en rien une bonne marche vers le bout du tunnel. Par cette décision rendue publique par le truchement d’un communiqué aux sceaux du Président en exercice de la CMA, Alghabass Ag Intalla, les ex-rebelles justifient cette nouvelle posture par la hausse des violences et l’absence de progrès en matière de réformes de la part du gouvernement malien. La Coordination estime que 18 mois après la signature, aucun des points inscrits dans la période intérimaire n’a été opéré de façon concertée entre les parties. La CMA dénonce également les actes de violations répétitives, selon elle, du cessez-le-feu, les atteintes aux droits humains et le déplacement forcé des populations. Les Responsables de la Coordination mettent en cause, par ailleurs, la prolifération des groupes armés encouragés et entretenus, selon eux, par le gouvernement dans le but d’entraver la mise en œuvre de l’accord. Enfin, la CMA pointe la difficulté pour la médiation internationale à encadrer et faire respecter les engagements pris. Toutefois, la CMA signe que cette suspension ne pourrait être que temporaire. Le communiqué appelle de ses vœux une rencontre de haut niveau avec les médiateurs, afin «de sauver l’accord et de préserver la crédibilité du processus en cours». La chute de ce communiqué laisse, donc, entrevoir que cette nouvelle suspension constitue une entorse à drainer la mise en œuvre de l’accord dans le temps. Mais, force est de constater que cette entorse, ajoutée au son de cloche qui résonne actuellement au niveau du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) en cours fait profiler une impasse à l’horizon. Cette impasse serait inévitable au cas où les vœux de rencontre de haut niveau formulés par la CMA n’auraient pas reçu d’échos favorables et que les caisses du DDR ne se seraient pas renflouées par de devises supplémentaires que ce programme requiert sur son parcours.
Chemin faisant effectivement, le programme DDR s’est retrouvé dans sa lenteur à un accroissement de ses effectifs de façon exponentielle. Alors qu’il était censé être bénéfique à moins de 10.000 combattants, on évoque désormais au sein de la Commission Nationale de DDR qui vient de faire son QG à la Cité du Niger, une fourchette de 12.000 à 15.000 Hommes. Les groupes armés signataires de l’accord de paix, ayant vu leurs effectifs gonflés par des jeunes désœuvrés venus tous les coins et recoins du Mali, qui espéraient ainsi profiter de la crise pour se tailler une place de choix via la réinsertion sociale, c’est l’addition qui est devenue salée pour Bamako obligé de revoir le Budget à la hausse. Puisque les 50 millions de dollars (sur lesquels les autorités avaient tablé pour la prise en charge totale de ce programme) risquent fort de s’avérer insuffisants. Il va, donc, s’en dire que la mise en œuvre définitive de l’accord de paix et de réconciliation nationale dans notre pays n’est pas pour demain. Elle s’achemine, au contraire, vers un non-lieu, dans la mesure où les maux qui la gangrènent auront du mal à trouver de remèdes appropriés.
Katito WADADA : LE COMBAT