«Pour le Mali, le Sahel et l’Afrique de l’ouest, le plus important aujourd’hui n’est pas de savoir ce que le départ de Barkhane signifie pour la France et son influence en Afrique, mais ce que cela ouvre comme perspectives à court et à moyen terme pour la sécurité et la stabilité dans toute l’Afrique de l’ouest». Telle est la conviction de Gilles Yabi de «WATHI» (Le think tank citoyen WATHI est l’émanation de l’association portant le même nom légalement constituée en décembre 2014 à Dakar, au Sénégal) qui anime la chronique «Ça fait débat» de RFI les samedis. Une conviction que nous partageons bien évidemment. Aujourd’hui, il faut que les responsables de la Cédéao comprennent que les actes posés par les autorités de la transition vont dans le sens des aspirations du peuple et que personne n’a intérêt à vouloir isoler le Mali sur les plans diplomatique et économiques au risque de voir les effets collatéraux impacter négativement toute la sous-région.
Et cela d’autant plus, a-t-il judicieusement rappelé, la stabilisation de notre pays est «une condition sine qua non pour la sécurité régionale et pour la préservation des acquis de l’intégration régionale». D’ailleurs, ils sont nombreux les observateurs qui trouvent que la crise multidimensionnelle à laquelle nous sommes confrontés depuis plus de deux décennies, «menace la dynamique déjà fragile de l’intégration régionale ouest-africaine sur les plans politique, sécuritaire et économique».
Et M. Yabi a aussi raison de rappeler que «les déclarations peu courtoises de certaines autorités de pays voisins du Mali sont de nature à rendre difficile la coopération qui est et restera indispensable pour la sécurité régionale. L’excès de confiance de chacun dans la justesse de ses positions et la confrontation des egos peuvent ainsi créer des dégâts considérables». Heureusement que la dernière mission du médiateur de la Cédéao pour le Mali, le Nigérian Goodluck Jonathan, a envoyé aux uns et aux autres des signaux encourageants d’une décrispation du climat de dialogue entre notre pays et l’organisation sous-régionale qui semble ne plus s’inscrire dans les menaces et les invectives. Il est clair qu’on ne parviendra pas à un consensus que dans un climat serein et convivial.
La Cédéao est désormais dans la logique de ne pas vouloir coûte que coûte imposer un délai au Mali aux dépens de la forte demande de changement exprimée par les Maliens. Et cela parce que ses dirigeants ont visiblement pris conscience que les sanctions économiques n’atteignent manifestement pas leurs objectifs politiques. C’est donc le moment propice pour nos autorités de transition de sortir du populisme et du dilatoire en faisant réellement montre de plus de bonne volonté pour parvenir rapidement à un consensus.
Continuer à défendre que 5 ans comme durée de la transition est une proposition des Assises souveraines de la refondation (ANR) est une fuite en avant parce qu’il n’y a pas eu consensus sur un délais précis. En effet, les recommandations font ressortir une période transitoire de 6 mois à 5 ans. Les participants ont visiblement voulu laisser une marge de manœuvre aux autorités de transition face à la pression sous-régionale et internationale. Toutefois, ce n’est pas une raison valable de continuer à imposer les épreuves des sanctions aux Maliens. Et surtout que nous sommes à quelques semaines du début du mois de Ramadan.
A notre avis, il faut prioriser les réformes puisque la mise en œuvre intégrale des recommandations des ANR va prendre aux moins plusieurs années. Qu’est-ce qu’on peut faire en 12 et 16 mois pour éviter au Mali tout retour à la case-départ dans quelques années encore ? Voilà la question qui doit guider les experts de la Cédéao et le gouvernement malien qui peut aussi raisonnablement demander 24 mois (à partir de dimanche dernier, 27 février 2022, marquant symboliquement la fin des 18 mois préalablement fixés).
Nous ne pensons pas que les dirigeants de la Cédéao vont accepter de prolonger les souffrances du peuple malien à cause seulement de 8 mois de différence entre leur proposition et celle du gouvernement malien. Tout projet au-delà des 24 mois, sera difficile à défendre car pouvant être interprété comme une mauvaise volonté, un refus de faire des concessions pour faire bouger les lignes en faveur d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel !
Moussa Bolly LE MATIN