En 2019, deux hélicoptères français ont péri dans un crash dans les confins. Ce crash qui avait tué 13 soldats, est lié principalement à une communication défaillante au cours de l’opération, selon le rapport du Bureau enquête accident pour la sécurité de l’aéronautique d’État (BEA-E). « Les équipages n’ont pas détecté la présence de l’autre aéronef. Leurs consciences respectives de la situation étaient erronées. Les causes relèvent exclusivement du domaine des facteurs organisationnels et humains », selon le rapport publié samedi dernier.
« La communication entre les équipages est presque la seule barrière permettant d’empêcher l’accident », explique-t-il. « La situation est par nature fragile et donc peu tolérante à l’erreur. Or, plusieurs défaillances ont été repérées dans la communication, entraînant et maintenant une conscience erronée de la situation par les équipages ». Les deux aéronefs, un hélicoptère de combat Tigre et un Cougar servant au transport de commandos volaient à très basse altitude par une nuit noire, alors qu’ils appuyaient des commandos au sol. Aucun des occupants n’a survécu. Le BEA-E décrit une mission tendue, marquée par des divergences d’analyse du terrain entre les équipes au sol et en vol, une « charge mentale » très importante pesant sur les militaires et des modes de communication défaillants. « L’écoute des échanges radio entre les aéronefs dans les minutes précédant l’évènement révèle une communication de sécurité désordonnée et dégradée », selon le rapport. Obnubilés par ce qui se passait au sol, les équipages en ont négligé certaines règles de sécurité. Le rapport décrit un « déséquilibre de priorisation entre l’implication dans les objectifs opérationnels de la mission d’une part, et les impératifs de sécurité et de la gestion du risque d’abordage d’autre part ». Les enquêteurs énumèrent une accumulation de mauvais choix et de petites défaillances, alors que le nombre d’appareils en vol (deux Gazelles, deux Tigres et un Cougar) exigeait de prioriser leur sécurité collective.- « Culte de la mission » -Venus de deux bases différentes (Gao et Ménaka), les appareils qui se sont heurtés n’avaient pas reçu de briefing de sécurité commun. Des messages indispensables ont été omis sous le coup du stress, le vocabulaire employé s’est révélé imprécis et un nombre trop important de canaux de communication a été activé. « Aucun membre d’équipage n’a pu être en mesure d’acquérir et de maintenir une vision globale de la situation aérienne conforme à la réalité », constate le BEA-E. Le rapport se garde pourtant d’accabler les militaires concernés, soulignant les « compromis cognitifs » effectués dans des conditions extrêmes. « Si, a posteriori, ces décisions peuvent être parfois considérées comme non optimales par un observateur extérieur, elles restent néanmoins la solution retenue par l’opérateur pour gérer au mieux les objectifs souvent contradictoires qu’il a à atteindre et les risques auxquels il doit faire face », constatent les auteurs. Tout juste pointe-t-il une tendance « dans la culture de l’armée de Terre » à favoriser le sol « au détriment de la gestion du risque aérien ». Selon les enquêteurs, « on y observe un certain +culte de la mission+ qui, s’il est positif à bien des égards, peut parfois inciter à sous-évaluer certaines autres considérations, dont l’impératif de sécurité, lorsque la charge mentale des équipages est déjà importante ». Le crash a constitué l’un des plus lourds bilans humains essuyés par l’armée française depuis l’attentat du Drakkar au Liban en 1983. Outre cette attaque au camion-suicide contre le QG des forces françaises à Beyrouth (58 morts), 19 militaires avaient été tués à Djibouti en 1986 dans le crash d’un Breguet Atlantic (appareil de patrouille maritime).
Bourama Kéïta