Avec l’annonce faite il y a de cela quelques semaines de la mise en place prochaine d’un nouveau cadre de concertation pour une gestion efficiente de la question foncière au Mali, les autorités maliennes ignoraient peut-être que la CPI allait élargir son champ d’actions à ce domaine ô combien sensible. Mais, le nouvel état de fait selon lequel la juridiction internationale est désormais apte à juger les crimes liés à l’appropriation illicite des terres donne une image de Prophétie aux nouvelles dispositions en passe d’être prises pour la gestion du foncier au Mali.
La CPI n’est plus d’avis que l’exploitation illicite des ressources naturelles et l’appropriation illicite des terres, deux phénomènes bien connus au Mali, soient une banalité. Elle s’érige désormais en gendarme contre ces illégalités en élargissant ses prérogatives au-delà des crimes contre l’humanité et des crimes environnementaux qu’on lui connaissait déjà. L’annonce de cette nouvelle donne a été faite le 15 septembre dernier par la Procureur Générale, la Gambienne Fatou Ben Souda, histoire de dissuader les Chefs d’entreprises et fonctionnaires véreux, les Politiciens complices et les Juges corrompus dans leurs virées d’enrichissement illicite via le foncier.
Du coup, c’est le Président Ibrahim Boubacar Kéïta qui se retrouve en droit de s’enorgueillir pour avoir été un homme prudent voyant venir un mal de loin. En effet, à la veille de cette annonce faite par la CPI, il avait fait une sortie médiatique dans laquelle il affirmait sur les ondes de l’ORTM qu’ «il est temps que les règles de gestion foncière et le respect du code foncier soient revus et corrigés. Qu’une discipline rigoureuse soit désormais de mise dans la gestion foncière au Mali. On ne pourra pas aller loin sans cela ».
Etait-ce là la preuve qu’il avait déjà les échos venant de La Haye et selon lesquels cette Cour de la justice internationale songerait à lorgner notre pays pour y poser ses tentacules afin d’y formuler ses premières accusations de crime foncier ? On ne saurait le dire. Mais, cependant, force est de reconnaître qu’il y a une odeur de pressentiment dans les comportements du gouvernement malien sur la question financière. Pour preuve, il y a eu, en amont de la sortie du Chef de l’Etat, un travail abattu par les Ministres Garde des Sceaux ; des Domaines de l’Etat et des Affaires Foncières pour éviter au domaine sensible qu’est le foncier d’altérer la cohésion sociale dans notre pays. Ces Ministres ont, en effet, tenu « une séance de travail le jeudi 7 août 2016 sur la problématique de la gestion foncière, préoccupation majeure du moment ». Le Ministre Maître Mamadou Ismaïla Konaté et son collègue Maître Mohamed Ali Bathily ont déblayé le terrain en présence des membres de leurs cabinets respectifs ainsi que les principaux Responsables des services techniques du secteur. Les Chefs de Département avaient souligné à cette occasion l’impérieuse nécessité de mettre en place un cadre de concertation et d’actions concrètes pour une meilleure prise en charge des dossiers et procédures relatifs aux litiges et contentieux du domaine foncier.
Qu’il soit anodin ou prémédité, chacun de ces actes posés par ces deux Ministères et ensuite par le Chef de l’Etat, pose d’office les bases d’un bouclier protecteur ou d’alerte aux Maliens qui s’adonnent au vol dans le domaine foncier. Et, pour cause, ceux-ci peuvent être désormais assignés en justice à la Haye, aux côtés de criminels de guerre et de dictateurs.
Par ailleurs, le Mali, pays minier par excellence, est désormais contraint de revoir sa législation ou, du moins, d’appliquer rigoureusement les textes régissant la protection de l’environnement dans la mesure où «l’exploitation illicite des ressources naturelles» ainsi que la «déforestation» s’avèrent désormais des crimes aux yeux de la CPI.
Il va s’en dire aussi que les victimes d’expropriations des terres y compris de la part de l’Etat savent désormais à quel saint se vouer: la Cour Pénale Internationale. Probablement un ouf de soulagement chez les expropriés de Souleymanebougou, Sirakoro, …
Katito WADADA : LE COMBAT