Pour apaiser le climat sociopolitique au Mali, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a recommandé l’organisation d’élections partielles là où la Cour constitutionnelle a invalidé des résultats, a précisé aujourd’hui le communiqué final de la mission de médiation de cette organisation sous-régionale qui a séjourné dans notre capitale la semaine dernière.
Cette délégation est conduite à Bamako par M. Kalla Ankouaro, ministre nigérien des Affaires étrangères, de la Coopération, de l’Intégration africaine et des Nigériens de l’Extérieur, président du Conseil des ministres de la Cédéao. Elle a tour à tour rencontré le Premier ministre malien, l’Imam Mahmoud Dicko, la classe politique (majorité et opposition), le Cadre d’action, de médiation et de veille des confessions religieuses et des organisations de la société civile, et le président Ibrahim Boubacar Kéita.
La mission a rappelé «l’importance du respect des Institutions de la République, notamment des voies constitutionnelles pour l’accession au pouvoir». Elle a invité le gouvernement à «reconsidérer les résultats de toutes les circonscriptions ayant fait l’objet de révision de l’arrêt de la cour constitutionnelle» à l’issue du second tour des élections législatives organisées le 19 avril 2020.
Ainsi, la Cédéao a recommandé «de nouvelles élections partielles pour les circonscriptions concernées devraient être organisées dans les meilleurs délais». Rappelons que la Commune V du district de Bamako, où l’actuel président de l’Assemblée nationale (Moussa Timbiné) a été «repêché», est l’une de ses circonscriptions litigeuses. Et il faut aussi rappeler que cette décision de la cour constitutionnelle a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la contestation sociopolitique dans notre pays qui traverse une crise multidimensionnelle depuis 2012.
Les médiateurs de la Cédéao ont également recommandé la mise en place d’un «gouvernement consensuel» d’union nationale tenant compte des recommandations du Dialogue national inclusif (DNI).
La mission a aussi insisté sur, entre autres, le rétablissement d’un climat de confiance entre les parties maliennes ; éviter la violence comme moyen de règlement de la crise et de privilégier le dialogue ; préserver les institutions de la République afin de maintenir la stabilité du pays et éviter le chaos institutionnel aux «conséquences imprévisibles et désastreuses» pour la paix et la stabilité du Mali et de la sous-région…
La Cédéao a déclaré être disposée à se porter garant des décisions et recommandations qui viennent de sanctionner cette mission de médiation au Mali. C’est ainsi qu’un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des dites décisions et recommandations sera mis en place avec la participation de la Commission de la Cédéao.
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a affirmé son «soutien aux efforts engagés par la Cédéao» en invitant également «les différentes parties à privilégier le dialogue». Il a lancé un appel au «calme et à la retenue» en précisant suivre de «près l’évolution de la situation politique» de notre pays. Et de conclure en exhortant tous les dirigeants politiques à demander à «leurs partisans de s’abstenir de toute action susceptible d’alimenter les tensions».
Les propositions de la CEDEAO rejetées par le M5-RFP
Après que des émissaires des forces patriotiques eurent été empêchés vendredi dernier (vendredi 19 juin 2020 à l’issue du Meeting du M5-RFP) par les forces de l’ordre d’accéder au palais présidentiel pour remettre au président Kéita leur demande de démission, l’Imam Mahmoud Dicko a demandé «aux manifestants de rentrer à la maison sans faire de violence». Toutefois, il a pris à témoin la Cédéao en laissant «la balle dans le camp» des médiateurs.
Et pourtant, dans une déclaration rendue publique le samedi 20 juin 2020, le Mouvement a rejeté les propositions de la Cédéao. Pour le M5-RFP,«l’idée d’élections partielles proposée, outre sa totale illégalité, occulte la teneur des conclusions du 18 octobre 2018 de la CEDEAO elle-même qui indiquait : Prenant acte de la prolongation de la législature actuelle selon l’avis de la Cour constitutionnelle et au regard des dysfonctionnements largement reconnus et évoqués par tous les interlocuteurs lors du scrutin présidentiel passé, il est impératif que le Gouvernement et tous les acteurs sociopolitiques conviennent, de manière consensuelle, d’entreprendre des réformes courageuses des cadres légaux, y compris la Constitution de février 1992, et du système électoral avant de s’engager dans les prochaines échéances électorales que compte mener le pays». Les contestataires rappellent que le gouvernement du régime IBK n’a pas tenu compte de ces conclusions.
Le M5-RFP réfute également toute participation à un gouvernement d’union nationale car, précise-t-il, cette option «ne saurait résoudre les problèmes du Mali». Ce qui fait qu’il maintient sa principale revendication : la démission du président Ibrahim Boubacar Keita ! Et pour ce faire, le mouvement se dit déterminé «à mettre en œuvre tous les moyens légaux et légitimes pour l’atteinte de cet objectif qui seul peut aujourd’hui sauver le Mali».
Ce qui fait dire à des observateurs que le point de non-retour semble atteint entre IBK er ses opposants de la classe politique et de la société civile. Les prochains jours seront alors édifiants.
Moussa Bolly