Pour sa deuxième prise de parole en 48 heures, Ibrahim Boubacar Keïta s’est adressé hier mardi 16 juin, au C.I.C.B. à ses proches et partisans. À y regarder de près, le cadre était trompeusement solennel, occupé par des affidés qui ne constituent plus qu’une minorité.
Mais il arrive que des épreuves politiques fassent perdre la tramontane à des hommes expérimentés, on l’a noté dans l’histoire. Sinon, comment comprendre que l’on annonce que Ibrahim Boubacar Keïta va rencontrer les Forces vives de la nation ou qu’il invitait tous les membres du cadre d’actions, de médiation et de veille des confessions religieuses et les organisations de la société ? C’était comme se regarder soi-même dans un miroir brisé pour se brosser les dents, mettre ses maquillages ou se raser. Triste déconvenue lorsque l’on perd carrément le nord et que l’oncontinue malgré tout à marcher dans la nuit regardant les étoiles qui filent trop vite pour ne point être propices à un bon guidage.
Cadre d’actions…? Un de ces machins trompeurs qui donnent l’illusion d’un conclave d’experts alors que c’est son inutilité qui est plus évidente. Parler aujourd’hui de Forces vives de la nation ou même de société civile en dehors du M5-RFP est une incroyable étourderie. En effet, pendant que les rangs des partisans sincères ou courtisans flagorneurs, du président IBK se rétrécissent comme des peaux de chagrin, ceux du M5-RFP sont régulièrement nourris par l’adhésion de nouvelles légions hier inattendues. Qu’à cela ne tienne, après sa péroraison de la nuit du 14 juin considérée par les populations comme un ennuyeux monologue auquel personne ne veut apporter de l’importance, IBK, flanqué de Boubou Cissé, s’est rendu le lendemain, 15 juin, chez l’ancien président Moussa Traoré afin de rencontrer le Cheikh Mahmoud Dicko accompagné de Dr. Choguel Kokalla Maïga de l’aile politique du M5-RFP. L’entretien a tourné court puisqu’il ne s’agissait pas, en réalité, de négociations pour une improbable sortie de crise. Malgré tout, d’évidence acculé dans ses derniers retranchements, Ibrahim Boubacar Keïta a souhaité rencontrer le lendemain, mardi 16, les responsables du directoire du M5-RFP, qui lui répondront par refus catégorique, un niet qui est allé jusqu’à le désigner « ancien président de la République ».
C’est alors que la rencontre au C.I.C.B. a été décidée à la hâte avec de supposées Forces vives de la nation. Les défenseurs du Président IBK ont alors tôt fait de se gargariser en annonçant sans précautions que leur Champion va annoncer la dissolution de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle, de même que la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, pour ensuite prendre langue avec les acteurs politiques ligués contre lui. La montagne aura accouché d’une souris. L’homme IBK, comme toujours imprévisible et ô combien porté par l’orgueil, annoncera plutôt qu’il a décidé d’appliquer immédiatement l’article 39 de la loi n° 2018-007 du 16 janvier 2018 portant statut du personnel enseignant et de former un gouvernement d’union nationale. « Il nous a dribblés », s’écrit un membre de l’EMP (Ensemble Pour le Mali), regroupement politique dit de la majorité présidentielle. Son ami, près de lui, commente en sirotant son thé : » Ah bon ? Il vous a dribblés ? C’est donc un dribble à la GARRINCHA, ce virtuose brésilien du ballon rond du temps du légendaire Pélé. Tu sais, mon ami, IBK est donc Garrincha. Tu ne sais pas ? GARRINCHA était virevoltant dans ses dribbles. Il a pu dribbler tous ses adversaires, ensuite tous ses partenaires ; puis, il est allé dans la rue pour dribbler les passants, il a poursuivi dans un bar où il a dribblé tout le monde. Finalement, il a dribblé la bouteille d’alcool en s’y engouffrant. Et C’est dans cette bouteille qu’il aura rendu l’âme ». Ibrahim Boubacar Keïta n’a pas pour le moment franchi toutes ces étapes. Il a toujours la balle au pied, mais on le voit filer vers la sortie du Stade du 26 mars. Triste perspective.
Amadou N’Fa Diallo