En 2018 et 2019, toute l’Europe a vu venir s’installer des flottes de trottinettes électriques dans ses grandes et moyennes villes, révolutionnant du coup la mobilité urbaine. Il y en avait pour tous les goûts et pour toutes les bourses ; il fallait simplement télécharger l’application dédiée sur son smartphone et le tour était joué. Et cheveux au vent, en toute liberté, on pouvait s’adonner à la glisse comme sur un parcours de ski. Cela faisait chic, tendance, moderne et surtout très écologique. Mais l’une des plus grosses attractivités de la trottinette électrique, c’est que l’usager n’a aucun besoin de produire un permis de conduire avant d’enfourcher son « cheval » qui se laisse faufiler aisément entre les véhicules même quand la circulation se décline pare-chocs contre pare-chocs.
Tout cela semblait sortir d’un merveilleux film de rêve pour résister à la dure réalité économique qui élimine, sans état d’âme, les moins performants, les faibles et ceux qui ne savent pas faire preuve de grande résilience. C’est ce qui arrive malheureusement à Paris, la Ville Lumière, où sur la douzaine de flotte qui avait pignon sur rue, la moitié a mis la clé sous le paillasson, selon le site challenges.fr.
Au pic de la « trottinettemania », Paris comptait pas moins de 300.000 engins qui avaient carrément transformé le décor de la ville et, disons-le net, cette invasion avait quelque peu inquiété certains édiles et mêmes des citoyens ordinaires qui se demandaient à bon droit comment tout cela allait se manager avec le parc d’automobiles, de motos, de vélos, de rollers et tous ces autres moyens de déplacements alternatifs qui ont poussé comme des champignons ces derniers temps.
Tel un couperet, la réponse est vite tombée. Sur les 12 flottes de départ, 7 sont à l’agonie ou ont rendu simplement l’âme. Selon un média spécialisé, « l’allemand Wind a jeté l’éponge début juin, suivie par son compatriote Tier, qui affirme préparer un redéploiement à Paris avec de nouvelles trottinettes. C’est également le cas de Hive, filiale de BMW et Daimler, qui a également quitté le marché mais assure travailler à son retour armé d’une flotte deuxième génération plus durable ».
Le Journal du Net précise que « du côté de l’opérateur suédois Voi, c’est la même déconfiture ». Mais le Viking ne lâche pas le morceau ; il promet de revenir à Paris avec des modèles de trottinettes plus robustes et une équipe dédiée à son entretien. Un autre opérateur, l’estonien Bolt (ex-Taxify), justifie son départ à cause de « la profusion d’acteurs sur le marché ». Comme le suédois, il envisage de faire son come-back parisien « dans des conditions plus propices ».
Mais le gros flop aura été les entreprises du sprinter jamaïcain Usain Bolt. Lancées à l’américaine, Ufo et B Mobility n’ont vraiment jamais quitté les starting-blocks, leur flotte n’ayant pas dépassé les 50 appareils à Paris. Moralité, la réussite sportive n’est pas forcément une assurance tous risques pour le business.
A ce petit jeu, la sélection naturelle aura profité aux géants américains Lime, Bird et Jump (Uber), le franco-européen Dott, et l’allemand Circ. Ces flottes semblent les plus robustes, les mieux préparées et disposant du meilleur SAV (service après-vente).
Face à l’agacement de nombre de citoyens de la capitale française, Anne Hidalgo, la maire de Paris a décidé de prendre le taureau par les cornes et de mettre un peu d’ordre dans un paysage qui brille par son anarchie. En effet, Mme Hidalgo envisage de sélectionner seulement deux ou trois acteurs qui pourront à terme déployer leurs trottinettes à Paris. Toutefois, précise challenges.fr, Mme Hidalgo laisse la porte ouverte aux entreprises qui affirment qu’elles partent pour mieux revenir si elles refaisaient surface avec des trottinettes robustes et des équipes dédiées à leur entretien. Ce, d’autant plus qu’une étude publiée par le cabinet BCG estimait la durée de vie moyenne des trottinettes en free-floating à seulement trois mois. Un chiffre contesté par les principaux opérateurs, qui investissent, désormais pour concevoir des engins plus durables.
En tous les cas, la trottinette commence à être au cœur du problème puisque, cette année, Paris, Bruxelles etHelsingborg (Suède) ont chacune enregistré leur premier décès impliquant une trottinette.
Malgré une certaine forme de circonspection des européens face à ce moyen de déplacement, c’est Israël qui semble être leur future terre promise. Selon un article de l’AFP paru le 5 juillet dernier, la capitale culturelle et économique d’Israël semblait prédisposée à ce succès et ce business florissant: moderne, hyper-connectée, dynamique, ensoleillée, embouteillée… et plate. La société américaine Bird a été la première à déployer 2 500 trottinettes électriques en libre-service à Tel-Aviv en août, suivie par les opérateurs Wind, Lime et Leo. Il y en a aujourd’hui environ 7 500 en circulation, toutes compagnies confondues. Aux dires de Yaniv Rivlin, directeur général de l’entreprise en Israël, « La micro-mobilité était déjà importante (à Tel-Aviv) et Bird a accéléré le processus ».
L’homme d’affaires précise que, avec 60% des habitants âgés de moins de 40 ans, Tel-Aviv est « le paradis des trottinettes ». L’engouement n’est pas seulement générationnel, poursuit-il. Dans cette ville congestionnée par la circulation, la trottinette, « ça change la vie», confesse un usager qui s’en sert au moins une heure et demie par jour, pour emmener sa fille au jardin d’enfants, aller au travail, faire des courses. Et l’argument massue qui l’a convaincu à se mettre à la trottinette est le suivant : « C’est difficile de plier un vélo pour le monter à la maison ou au bureau. Avec une trottinette, c’est simple ».
Laissons la littérature française à sa belle guéguerre de savoir si Pascal a plagié Montaigne, mais retenons cette belle citation qui conclue ma chronique : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »
Serge de MERIDIO INFO SEPT