La signature de l’Accord politique au début du mois de mai a, certes, accouché d’un Gouvernement de large ouverture nationale. Mais si on observe en apparence une accalmie, le front politique apparaît tout de même comme la cendre sous laquelle couve encore le feu.
L’objectif le plus cherché par Ibrahim Boubacar Kéïta est très certainement la Révision constitutionnelle qui lui tient tant à cœur depuis son premier mandat. Mais, pour en arriver à cela, il faut nécessairement le dialogue politique inclusif au plan national qui, lui, a tout l’air d’un travail de Sisyphe pour lui. Les écueils surgissent, en effet, çà et là. L’entrée dans le Gouvernement Boubou Cissé de quelques pourfendeurs de l’opposition à la langue bien pendue n’a pas réussi à débroussailler le chemin à la perfection. Le manque de confiance et la méfiance même entre IBK et la classe politique sont tout au moins comme des ralentisseurs sur la voie que l’on croyait déblayée utilement. Le locataire du Palais de Koulouba avance par tâtonnements, tel un maladroit joueur de jeu de dame qui ne sait plus ni choisir les bons pions ni lesquels offrir à l’adversaire pour prendre le plus chez ce dernier. Quand IBK avance d’un pas, la reculade tactique d’en face est de trois pas. De quoi le troubler et le pousser à des réactions épidermiques, plutôt fanfaronnes.
Au cours du Conseil des Ministres Extraordinaire du vendredi 7 juin dernier, le Premier Ministre a informé son équipe de la désignation par le Chef de l’État des personnalités chargées de conduire le processus du dialogue politique inclusif. «Les personnalités désignées», indique le communiqué dudit Conseil des Ministres, «ont été désignées après une large consultation de la classe politique, des légitimités traditionnelles et de la société civile ».
Cependant, même si les hautes figures désignées forcent le respect de tous, il n’en demeure pas moins évident qu’aucune consultation n’a été à la base de leur désignation. Mensonge d’État, donc, puisqu’IBK n’a agi qu’en solitaire.
Qu’à cela ne tienne, moins de 72 heures après le même Conseil des Ministres Extraordinaire censé avoir lancé les bases pour l’organisation du dialogue politique inclusif, Sobane Da, a subi une meurtrière attaque qui a mis les nerfs à fleur de peau. La réaction du FSD (Front de Sauvegarde de la Démocratie) n’a accordé aucune chance au pouvoir qu’il indexe comme incapable désormais d’enrayer l’engrenage des violences, encore moins parvenir au dialogue social. Une semaine plus tard, le 17 juin, d’autres villages de la zone de Sobane subissaient de nouvelles violences avec des dizaines de morts comme résultats. Cette dramatique situation fait fondre le peu de crédit qui restait à IBK. Le malheureux sera informé dans la foulée que les membres de sa coalition EPM (Ensemble Pour le Mali) ne lui font plus confiance et qu’ils se retirent de toute entente avec lui. Quant au RPM, supposé être son parti, il ne lui voue encore aucun sentiment réel de camaraderie vraie.
Autre déconvenue de taille dans l’agenda politique fortement dérangé d’Ibrahim Boubacar Kéïta, c’est la désobéissance civile qui se met progressivement en branle. Celle-ci est en train de dérouler, en effet, son rouleau compresseur. Constitué essentiellement de jeunes activistes qui ont pignon sur rue, le nouveau front a tenu, le samedi 22 juin, un meeting géant au Carrefour des jeunes de Bamako pour dénoncer la prorogation du mandat des Députés pour une deuxième fois. Ils sont même allés, symboliquement ou le plus sérieusement du monde, à dévoiler ce qu’ils ont nommé comme étant la nouvelle Assemblée Nationale sous le nom de Parlement Populaire du Peuple (P.PP.). Les insurgés déclarent en plus que le nombre de Députés composant ledit Parlement, qui compterait à présent 3000 membres, n’est pas limité. Manière de dire que la contestation est largement ouverte à tous les Maliens.
Difficile, dans ces conditions, que le Président IBK puisse réaliser un quelconque dialogue politique inclusif.
Bogodana Isidore Théra LE COMBAT