Tous munis de leur carte consulaire d’une valeur de 2000 à 3000 Dinars algériens, 163 migrants maliens ont «regagné» le bercail le mercredi 25 octobre 2017 en provenance du Niger, après avoir subis l’enfer en Algérie, où ils vivaient et travaillaient quelques mois, voire quelques années pour certains. C’était à bord de trois bus mis à leur disposition par l’Organisation internationale de la Migration (OIM). Ils ont été accueillis par les autorités maliennes au centre des Sapeurs-pompiers de Sogoniko où ces migrants, rapatriés de force, ont fait quelques heures. Nous avons profité de leur bref séjour dans ce Centre pour rencontrer quelques-uns d’entre eux et le responsable chargé du rapatriement dudit centre.
Il est 9 heures passées de quelques minutes ce jeudi 26 octobre 2017 dans la cour du Centre des Sapeurs-pompiers de Sogoniko, où plusieurs jeunes hommes, quelques femmes et enfants, tous désorientés remplissent presque la cour, sous la «surveillance» de quelques éléments de la Protection civile. Nous les dépassons pour chercher à rencontrer un responsable du centre qui nous donnera des informations sur eux. Après quelques minutes de «recherche», nous avons pu rencontrer le commandant Mahamadou Telly, chargé du rapatriement. Salutations et présentations terminées, le Commandant nous amène au milieu de nos compatriotes rapatriés d’Algérie pour répondre à nos questions. D’abord, il expliquera que c’est hier (mercredi 25 octobre 2017) aux environs de 17h 30 que trois bus en provenance du Niger sont arrivés ici avec à bord 163 migrants maliens, dont 6 femmes et 7 enfants. Accueillis par les autorités maliennes, le Commandant Telly dira que ces migrants ont été hébergés, enregistrés et identifiés pour le profilage. Il importe d’indiquer que ce Centre a une capacité d’hébergement de 200 personnes. Au cours de notre entretien, nous avons des moments été envahis par ces expatriés, venus comprendre ce que le commandant nous racontait. A la suite, notre interlocuteur dira : «nous attendons les responsables de l’OIM, qui en principe devaient être ici ce matin pour remettre à chacun la somme de 52 mille francs CFA comme frais de transport pour permettre à chacun de rejoindre sa localité». Il ajoutera que l’Etat malien en collaboration avec les organismes chargés de la migration, a déjà mis en place un programme pour leur réinsertion et leur réintégration sociale. «Là, il est demandé à chacun de monter un projet que l’Etat se charge de financer» indique-t-il. Il importe de souligner que plusieurs fois, l’entretien a été interrompu par des expatriés excédés : «nous voulons quitter ici», «nous avons nos biens en Algérie» et autres interpellations. Vu le choc moral subi par les uns et les autres, et à notre question de savoir s’il y a une prise en charge psychologique spécifique, notre interlocuteur répondra par la négative. Par ailleurs, le Commandant Telly a tenu à préciser qu’à ce jour ce sont près de 300 personnes qui ont été rapatriées en provenance d’Agadez et que le 8 novembre prochain 180 de nos compatriotes sont attendus en provenance de la Lybie et que tous ces rapatriements sont volontaires.
Indignés, les migrants dénoncent l’inefficacité de nos services diplomatiques et consulaires et le silence des plus hautes autorités
Après cet entretien avec le Commandant Telly, nous avons rencontré Moussa Sylla, un des migrants. Pour lui, le calvaire qu’ils ont vécu, surtout en Algérie, est inexplicable. «Moi personnellement, j’ai été arrêté en plein travail sur chantier. On m’a mis dans un bus pour un centre où j’ai fait plus de deux jours avec seulement du pain sec et de l’eau. C’est ensuite qu’on nous a mis dans un camion de transports d’animaux, souvent menottés pour nous laisser dans le désert à la frontière avec le Niger» nous raconte M. Sylla, entouré de la plupart des autres migrants. Il précise que c’est sans bagages, ni argent que tous ont été jetés dans le désert où, ils disent avoir marché plus de 15 km de Samaka à Arlit au Niger. Outre ces conditions inhumaines, Moussa Sylla déclare que tout au long de leur arrestation, leur séjour dans les prisons algériennes, ils n’ont reçu ni la visite ni le soutien de la part de nos services diplomatiques et consulaires et cela malgré les appels. Ce qui lui fait dire que le Mali n’a pas d’ambassadeur, ni de consulats en Algérie. Pire encore, les forces de sécurité algériennes se moquaient des cartes consulaires maliennes en traitant d’un simple papier sans valeur. Pour lui, il est nécessaire que le gouvernement réagisse face à cette situation. Contrairement à certaines informations, Moussa Sylla fait savoir que l’opération d’expulsion vise tous les noirs de l’Algérie, y compris ceux qui ont des papiers et même y ayant travaillé longtemps. Il a toutefois souligné qu’à leur arrivée du Niger : « nous avons été accueillis par la représentation diplomatique qui a même remis au nom du gouvernement malien la somme de 5000 F CFA à chaque migrant comme frais de nourriture pour le trajet Agadès, au Niger, à Bamako, au Mali. «Nos habits étaient sales et déchirés. Ainsi, on a été obligés d’appeler des parents qui nous ont envoyés de l’argent avec lequel nous avons achetés des habits», tient-il à souligner. Mais, contrairement à ce que le Commandant Telly dit, Moussa Sylla précise et on le voit bien, ce rapatriement n’a rien de volontaire, mais forcé. Moussa tient aussi à dénoncer leur conditions d’accueil à Bamako. «Nous avons fait près de 3 heures de temps debout dans la cour. Alors qu’on avait soif et fatigué et au lieu de nous donner à boire, on nous parle d’enregistrement», martela-t-il. Du coté des femmes, Louise Kamaté, cuisinière de son état en Algérie, nous raconte aussi qu’elle a été arrêtée en pleine cuisine et mit dans un camion, sans bagages ni argent, avec des femmes nigériennes pour subir presque le même sort que les hommes.
Il importe de noter enfin que la décision de rapatriement de nos compatriotes en détresse en Algérie, de la part du gouvernement malien et de ses partenaires comme l’OIM, intervient à la suite de plusieurs appels du Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM). Et cela à travers diverses activités dénonçant le silence des autorités à travers des conférences de presse, des débats à radio et à télé. Plusieurs associations de la société civile de la sous-région avaient aussi répondu à cet appel du CSDM. Il s’agit, entre autres, du mouvement « Y en a marre » du Sénégal, « Balai citoyen » au Burkina Faso et une frange de la société civile de la Guinée.
Alors, il revient aux plus hautes autorités de mettre tout en œuvre pour retenir les fils et filles du pays afin de les éviter ce genre de calvaire dans d’autres pays, qu’on dit frères ou amis et auxquels on ne pourra pas dire toutes les vérités.
Dieudonné Tembely
tembely@journalinfosept.com
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