Je n’ai jamais voulu m’attaquer aux pourfendeurs du CFA, estimant leur combat légitime, même si je l’ai toujours trouvé superficiel et surtout instrumentalisé. Mais leur arrogance et leur prétention m’obligent à leur répondre.
Si nous sommes tous d’accord que le sigle CFA traduit un prolongement de l’ordre colonial, le Cameroun n’aurait cependant pas à s’en faire du nom Franc de sa monnaie, car il est très commun que les monnaies nationales portent le nom d’une devise de référence à laquelle on accole le nom du pays : livre égyptienne, dollar canadien, Franc congolais, Franc rwandais, Franc djiboutien, etc.
Le plus important est la confusion qui s’est créée et qui s’entretient sur le concept du « compte d’opérations » qu’il faut bien expliquer pour dissiper les malentendus qui brouillent toute l’analyse et la conduisent dans tous les sens.
Pour bien comprendre le compte d’opérations, supposons que nous soyons au Ghana qui a sa monnaie, le cédi. Quand un paysan ghanéen vend le cacao en dollars, la Banque Centrale Ghanéenne retient ce dollar, mais fabrique l’équivalent en cédi pour le remettre au paysan, car le dollar n’est pas utilisé au Ghana.
Maintenant, si le paysan ou même un autre ghanéen veut acheter quelque chose aux USA, il va présenter les cédis fabriqués à la Banque Centrale du Ghana. Celle-ci va donc renvoyer les dollars initialement acquis en paiement aux USA. Immédiatement, elle doit détruire les cédis qui avaient été fabriqués en contrepartie du dollar puisque celui-ci n’existe plus.
Entre le moment où les dollars entrent dans la Banque Centrale ghanéenne à la suite du cacao et le moment où ils rentrent aux USA à la suite d’une importation, ils restent dans la Banque Centrale Ghanéenne et constitue ce qu’on appelle « réserves en devises ».
La Banque Centrale ghanéenne peut donc spéculer avec ces réserves, par exemple, en les plaçant au marché mondial et en gagnant quelques intérêts.
Quelle est la différence entre le CFA et le cédi ? Techniquement, c’est exactement la même chose, la seule différence étant que la moitié des « réserves en devises » est gérée par la France, au lieu que la BEAC gère tout. C’est comme si les deux se partageaient en cogestion ces réserves. Cela ne change rien du point de vue de la masse monétaire à l’intérieur de la zone CFA.
La France gagne puisqu’elle peut spéculer avec nos réserves et la seule perte de la BEAC, c’est le fait de ne pouvoir spéculer avec les 50% de réserves gardées par la France. Mais c’est le lieu de lever une manipulation entretenue par les pourfendeurs du CFA, sur des sommes qui résideraient dans le Trésor français alors qu’elles pourraient supposément servir au développement des pays. Pour répondre à cette préoccupation, il suffit de se demander si la Banque Centrale du Ghana peut faire autre chose que spéculer à court terme sur les réserves en devises. Car ces réserves agissent comme un compte à vue : celui qui apporte son cédi pour acheter un bien à l’extérieur doit être servi, car il n’est pas question qu’on lui dise que son argent n’a plus de pouvoir d’importation parce qu’on l’a utilisé à d’autres fins. Les sommes gérées par la France ne sont donc pas un dépôt qu’on pourrait recycler en investissements, mais un compte à vue qu’elle doit payer à la demande des légitimes déposants que sont les citoyens. La conséquence est immédiate : le rapatriement des fonds gérés par la France n’aurait aucune incidence sur l’économie camerounaise, contrairement à ce qu’on raconte.
Examinons maintenant les contreparties de la France pour la gestion de ces 50% des devises. D’un côté, la France garantit la convertibilité internationale du CFA, en réalité son identité avec l’Euro dans la Zone.
De l’autre côté, il y a la possibilité pour la France de les utiliser. Et elle ne s’est pas privée de le faire : jusqu’aux années 1980, la Zone CFA a toujours été globalement excédentaire et la France en a largement profité. Par exemple, lorsque, dans les années 1970, sous Giscard d’Estaing, la France accumule des retards considérables sur le plan industriel, ces fonds vont lui être d’une grande utilité pour relancer son plan de développement industriel.
Et c’est précisément à cette époque que le Pr TCHUNDJANG écrit son livre. La position de TCHUNDJANG s’appuie sur la structure des systèmes productifs. Le Cameroun, à cette époque, a créé une industrie remarquable, produisant pratiquement tous les biens d’usage courant, en tout ou en partie: habits, ustensiles, jouets, réfrigérateurs, conserves, munitions, vélos, radios, bref l’essentiel des biens utilisés par les Camerounais de cette époque. Le Cameroun n’importait plus que les biens très évolués tels que les véhicules, dont il produisait mêmes quelques pièces détachées (carrosseries, pneus).
C’est à ce moment précisément qu’il fallait sortir du CFA, car le système productif pouvait réagir de manière très favorable à une politique monétaire.
Malheureusement, cela n’a pas été compris.
L’engagement inverse de la France était que si la Zone n’arrivait plus à soutenir ses réserves, elle devait suppléer et soutenir les déficits à travers des emprunts, voire des subventions. La France n’a jamais utilisé cette clause inverse en faveur des pays africains. La seule fois où l’occasion s’est présentée était la crise sévère des années 1980-1990, lorsque les pays, incapables d’équilibrer leurs balances extérieures, ont été conduits par la France en laquelle ils avaient confiance à la dévaluation. Ce qui était la négation même des engagements qu’elle avait pris et dont elle avait bénéficié de la contrepartie.
S’il y avait une occasion de sortir du CFA pour des raisons d’orgueil idéologique, cela en était une, mais cela n’a pas été fait.
Il faut noter qu’au moment où la France se débine traitreusement de ses engagements, elle s’imagine que les pays de la Zone CFA vont retrouver leur situation d’antan, à savoir reconstituer des réserves pour qu’elle en bénéficie comme auparavant. Car, suivant le mécanisme du compte d’opérations, le Franc CFA n’est intéressant pour la France que si la Zone dégage les excédents de réserves en devises qu’elle peut utiliser pour ses politiques ou pour spéculer.
Mais avec le temps, elle se rend compte que cette époque est à jamais révolue : par leur configuration, les pays de la Zone CFA ne pourront plus jamais reconstituer des excédents des devises, ce qui fait poser sur sa tête l’hypothèque permanente de supporter le poids de ces déficits.
Voilà la conclusion à laquelle aboutissent les stratèges français.
Ecartelée entre d’une part, la nostalgie de son empire colonial, et de l’autre, l’incapacité de supporter les contraintes y relatives, la France va alors élaborer une stratégie diabolique : susciter de manière habile et sophistiqué un mouvement qui va conduire les Africains à dénoncer le CFA, lui fournissant ainsi la bonne occasion de s’en débarrasser comme une orange pressée, sans que personne n’y voit que du feu.
Et il suffit d’observer le mouvement pour voir la ruse méphistophélique qui se dessine : l’ancien Ministre Kakou Napoupko, qui incarne l’opposition au CFA fait quoi maintenant? C’est un grand expert de la Francophonie, qui reçoit des prix de Bercy. Il occupe un poste d’économiste permanent, disposant d’importantes ressources pour véhiculer son message au sein de la FrancoFolie pardon francophonie! Il a eu accès aux médias pour distiller un discours fallacieux bien rodé.
Tiens! Tiens! Dans les mêmes circonstances, TCHUNDJANG fut assassiné! Comment comprendre que la France puisse placer un pourfendeur international de ses intérêts à des postes stratégiques, avec des moyens de médiatisation conséquents ? Autrement dit, la Francophonie qui est un instrument de domination de la France utilise ses fonds pour encourager la sortie du CFA !
Kemi Seba un agent de la DGSE spécialiste en manipulation des masses recruté par Agbohou par l’entremise de l’Afro-escro spécialiste en Afro-business Biyogo pour manipuler l’opinion africaine sur la question du CFA en diabolisant le CFA.
Sans parler des avantages financiers tirés par Kemi seba, payé par le front national pour orienter l’opinion africaine en faveur des thèses du FN.
Et en France, que se passe-t-il? Une violente levée de boucliers contre le CFA, comme s’ils agissaient sur la base d’un signal mystérieux! Même le front national qui pourtant se trouve aux antipodes des positions officielles est devenu contre le CFA. Marine Le Pen dont le père aimerait jeter une bombe sur l’Afrique se retrouve donc au chevet de l’Afrique sur la question du CFA.
Le vieux consensus sur la politique de soumission de l’Afrique et le maintien du CFA explose soudainement! Des arguments venant de part et d’autres, tous plus puissants, et pire, souvent financés par les fonds publics français!
Bien plus, l’heure n’est plus à l’assassinat des dirigeants qui ont tenté de combattre le CFA: ceux qui le dénoncent aujourd’hui comme Idris Déby sont très courus, par ces nouveaux amoureux de l’Afrique…
N’avons-nous pas assez d’intelligence pour lire l’esprit du diable vêtue de la toge d’un évêque? A maintes reprises, j’ai mis en évidence les graves limites du CFA, mais cela n’a rien à voir avec l’instrumentalisation dont certains sont victimes. La France a pris acte que les pays africains ne peuvent plus dégager des excédents en devises qu’elle utilisait pour son industrialisation, et elle n’a plus du tout envie de supporter le risque d’être requise pour prendre en charge les déficits de ces pays.
Il s’agit donc de se débarrasser du CFA, avec intelligence, en utilisant la naïveté du Nègre.
Voilà la vérité ! Ceux qui pourfendent le CFA croient mener un combat; en réalité, ils sont instrumentalisés!
Auteur: Dieudonné Essomba
Président de l’Ecole Africaine de l’Economie Contemporaine
(Institut TCHUNDJANG)
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