L’accalmie observée sur le front politique depuis quelques semaines risque d’être douloureusement trompeuse. Des colères sourdes attendent d’exploser. C’est certainement ce week-end que le chef de l’État, Ibrahim Boubacar Keïta, se rendra à Pau pour rencontrer, en compagnie de quatre autres de ses pairs du G5 Sahel, le président de la République française, Emmanuel Macron. Ce qui sera au centre de leurs échanges est maintenant suffisamment connu, sujet ayant été retourné dans tous les sens possibles.
Mais il n’est pas épuisé pour autant et il demeure même, à bien des égards, comme l’arlésienne. Ce que IBK pense aussi de la présence militaire française au Sahel n’est un secret pour aucun Malien. Tout de même, le peuple n’a pas la même analyse que son président qui, dans tous les cas, n’a nullement l’intention de modifier en rien sa croyance. IBK s’envolera donc pour Pau en ayant dans les images qui le hanteront celles de la manifestation de ce vendredi dite historique qui ne réclamera rien de plus fort que le départ du Mali de toutes les troupes françaises. Les attaques terroristes d’Ansongo, qui ont encore endeuillé ce jeudi l’armée malienne, confortent les anti-présences militaires françaises dans leur fronde qui, elle, s’appuie sur la demande du gouvernement malien le 20 janvier 1961 de voir la France évacuer toutes ses bases militaires. Autre sujet qui risque de connaître des rebondissements peu souhaités, c’est l’affaire de la détention préventive excessive du général Amadou Aya Sanogo. L’autorité judiciaire au plus haut niveau a reconnu cet état de fait inconcevable en démocratie et l’a dénoncé en des termes appropriés, mais n’a annoncé aucune mesure pour y mettre fin. Est-ce à dire que le politique a toujours de l’ascendant sur le judiciaire au point d’empêcher un jugement en bonne et due forme du général Sanogo croupissant en prison depuis cinq ans sans procès ni condamnation? Les partisans de l’homme commencent en tout cas à s’exprimer sur plusieurs plateformes, non sans laisser entendre des déballages qui pourraient faire trembler la République. Les religieux ne fourbissent pas moins leurs armes. En effet, le ministre des Affaires religieuses et du Culte, Thierno Amadou Hass Diallo, est fortement soupçonné de vouloir faire interdire les prières publiques dans les rues les jours de vendredi et aurait même un projet déjà prêt dans ce sens, qui devrait être soumis à l’Assemblée nationale. Des personnalités musulmanes, qui semblent en avoir eu vent, sont vite montées au créneau pour avertir que l’affaire sera combattue avec une détermination telle que le pouvoir en aura pour ses galons. Les syndicats jouent la pédagogie pour l’heure, mais ils ne sont pas moins regardants sur le train de vie de l’État jugé toujours exorbitant comparativement à la misère des travailleurs. Les enseignants, singulièrement, ont des raisons de se sentir parents pauvres de la République. Des feux ne manquent donc pas de couver sous la cendre. Reste à savoir si 2020 sera l’année du vrai dialogue social, sincère et constructif. Alors, que vaudront les résolutions du DNI ?
Bogodana Isidore Théra LE COMBAT