Le projet de texte qui doit normalement être soumis au référendum le 9 juillet prochain fait déjà l’objet de plusieurs contestations. A la lecture de ces points ici expliqués vous aurez, vous aussi, à vous décider si vous devez voter le ‘‘Oui’’ ou le ‘‘non’’ le 9 juillet prochain. Il s’agit des principaux changements apportés à la constitution malienne.
Le préambule du projet de constitution
Si dans le préambule de la constitution du 25 février 1992, le peuple réaffirme tout simplement ‘‘sa détermination à maintenir et à consolider l’unité nationale’’, dans le projet de texte de la nouvelle constitution, il (le peuple malien) proclame ‘‘le principe intangible de l’intégrité du territoire national et la souveraineté nationale’’. Ce qui constitue un grand pas vers l’indivisibilité du pays et renforce davantage l’intégrité territoriale face aux esprits séparatistes. Surtout quand on prescrit dans le même préambule : ‘‘Le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale.’’ Des précisions qui manquent à la constitution du 25 Février 1992.
Du président de la cour constitutionnelle
Avec la nouvelle constitution du 9 juillet 2017 (si le ‘‘Oui’’ passe), c’est désormais le président de la république qui désigne le président de la constitutionnelle composée de neuf personnes. Selon le projet de révision constitutionnelle, trois membres de cette institution seront désignés par le président de la République, deux par l’Assemblée nationale, deux par le Sénat et deux autres par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Dans l’opinion publique, l’on dit que cette décision fait du président de la République un roi puisque, dit-on, elle compromet l’indépendance de la cour et remet en cause la séparation de l’exécutif du judicaire. Juste ‘‘un grand recul démocratique’’, murmure-t-on.
Avec la constitution du 25 février 1992, le président de la cour constitutionnelle est élu par ses pairs. Et, dans le projet de constitution, le président de la République prête serment devant la cour constitutionnelle au lieu de la cour suprême.
7 au lieu de 8 Institutions
D’autres ont été supprimées, tandis que d’autres ont juste changé d’appellation, le Mali comptera 7 institutions si le ‘‘Oui’’ passe le 9 juillet prochain. Parlant de ces 7 institutions, il s’agit : Le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée Nationale, le Senat, la Cour Suprême, la cour constitutionnelle et le conseil économique, social et environnemental.
Ainsi, et au regard de la constitution du 25 février 1992 qui compte 8 institutions, la haute cour de justice et le Haut conseil des collectivités territoriales sont supprimées des institutions du Mali. Le conseil Economique, social et culturel reste une institution mais change d’appellation et devient ‘‘le conseil économique, social et environnemental’’.
Bien qu’elle soit supprimée de la liste des institutions du Mali, la Haute cour de justice reste opérationnelle : ‘‘La haute cour de justice est compétente pour juger le Président de République en cas de haute trahison et les membres du gouvernement pour des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions mis en accusation devant elle par le parlement ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sureté de l’Etat’’, indique-t-on à l’article 138 du projet de constitution déjà adopté par l’Assemblée Nationale.
Fin du nomadisme politique
‘‘Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. Il est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique’’, c’est le projet de constitution qui le dit (article 56) mettant ainsi fin au nomadisme politique. La même sanction s’applique aux membres du Senat et aux élus des collectivités.
Les collectivités territoriales de la République sont : la commune, le cercle, la région et le district (article 135 du projet de constitution), une précision qui manque à la constitution du 25 février 1992. Ces collectivités territoriales vont s’administrer librement si le ‘‘OUI’’ passe le 9 juillet prochain (lire intertitre ‘‘Tout sur l’accord de paix’’).
La diaspora va avoir son député
S’il est mis fin au nomadisme politique chez les élus de la nation dans son ensemble en vue de ‘‘moraliser la vie politique’’, pour les députés on explique aussi la prise en compte de cet aspect par le souhait d’élargir les modes de scrutin pour leur élection et prévoir l’élection de députés pour les maliens établis à l’extérieur. La diaspora va donc avoir son député : ‘‘Les maliens établis à l’extérieur élisent leurs députés’’ (article 56 du projet de constitution). Le nombre d’élus à l’hémicycle pourrait alors être vu à la hausse surtout avec l’opérationnalisation des deux nouvelles régions. C’est une loi organique qui doit statuer sur la question.
De la Révision constitutionnelle
Le projet de Constitution offre la possibilité de procéder à une révision constitutionnelle par voie parlementaire à la demande du président de la République. Précision de taille, cette voie parlementaire n’est pas autorisée quand la révision tend à modifier la durée ou le nombre des mandats du président de la République, des députés, des sénateurs ou bien, précise-t-on, si la révision porte sur la modification de la présente disposition elle-même. Par-là, d’aucuns évoquent une volonté du président de la République à s’éterniser au pouvoir. Ceci est-il possible dans ces conditions, non !
L’article 118 en question
‘‘Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire’’, alinéa 3 de l’article 118 de l’actuelle constitution du Mali. C’est se passe qui fait plus de réactions dans l’opinion publique. Du coup, d’aucuns pensent que le projet de constitution est lui-même anticonstitutionnelle l’absence de l’Etat malien étant constatée dans plusieurs localités du pays.
En réponse à ces réactions, Me Kassoum Tapo, le ministre des droits de l’Homme et de la réforme de l’Etat, lors d’une coréférence presse courant cette semaine, a estimé que si aujourd’hui on ne pouvait pas réviser la constitution à ce motif, la cour l’aurait indiqué. Pour lui, ‘‘on n’a pas organisé pas mal de scrutin depuis 2013 : ‘’S’il n’y avait pas eu d’élections présidentielles (en 2013), je pense qu’on en serait pas là aujourd’hui et pourtant la situation était la même’’, a-t-il dit lors de cette rencontre avec les hommes de médias.
Pour d’autres analystes de la situation, les élections présidentielles dont le ministre des droits de l’Homme et de la réforme de l’Etat fait allusion, ont été organisées dans des conditions plus saines sur le plan sécuritaire qu’aujourd’hui. A cette époque, dit-on, le centre du pays était encore fréquentable, tel n’est pas le cas aujourd’hui.
Le président de République peut limoger le premier ministre
‘‘Le président de la République nomme le premier. Il met fin à ses fonctions’’ (Article 38 du projet de constitution). Il s’agit là d’un renforcement du pouvoir présidentiel, car, avec l’actuelle constitution, le premier de son propre gré doit d’abord présenter sa démission, le président de la République n’a aucun pouvoir à le démettre de ses fonctions : ‘‘Le président de la République nomme le premier. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement’’ (Article 38 de la constitution du 25 février 1992). L’introduction de ce point, semble-t-il, est importante puisque dans le passé des présidents de République du Mali ont eu beaucoup de peine à remercier leurs premiers ministres qui n’étaient pas prêts à rendre le tablier. Illustration : En 2000, Alpha O Konaré, alors président de la République du Mali, a eu beaucoup à remercier un certain Ibrahim Boubacar Keita alors premier ministre. Aussi, avant de rendre sa démission en janvier sa démission en Janvier 2015 l’ex premier ministre Moussa Mara a beaucoup fait tourner son employeur Ibrahim Boubacar Keita.
Toutefois, (rien ne change par-là) le premier ministre se voit dans l’obligation de présenter sa démission au président de la République au cas de vote d’une motion de censure.
Un parlement, deux chambres !
L’un s’appelle le Senat et l’autre l’Assemblée nationale. Le parlement va comprendre deux chambres si le projet de constitution obtient le ‘‘Oui’’ au référendum du 9 juillet prochain. ‘‘Les sénateurs sont élus, pour deux tiers au suffrage universel indirect. Un tiers des sénateurs est désigné par le Président de la République (Article 57 du projet de constitution).
Les sénateurs, tout comme les députés, sont élus pour un mandat de 5 ans renouvelables dans les conditions définies par une loi organique. Sénateur et député, le mandat de l’un est incompatible à celui de l’autre. Une loi organique fixe le nombre des membres des deux assemblées (toujours selon le projet de constitution).
L’autre question qui fait débats au sein de l’opinion publique est la création du Sénat. Pour beaucoup d’observateurs, cette chambre n’a pas sa raison d’être puisqu’elle va augmenter le coût des dépenses de l’Etat. ‘‘Une institution budgétivore’’, dit-on.
En réponse à ces réactions, Me Kassoum Tapo estime que ‘‘rien n’est de trop pour le confort de la démocratie’’. Pour le ministre en charge des questions de droits de l’Homme et de la réforme de l’Etat, si le gouvernement s’est engagé à créer, c’est qu’il peut assumer le coût. Par, précise-t-il, la création est une recommandation de l’accord de paix.
Un intérim de 90 jours au lieu de 45 !
En cas de vacances de la présidence de la République, pour quelque cause que ce soit, ou, d’empêchement absolu définitif constaté par la cour constitutionnelle saisie conjointement par le président de l’Assemblée Nationale, le président du Senat et le premier ministre, les fonctions du président de la République sont exercées par le président de l’Assemblée’’, précise l’alinéa 2 de l’article 36 du projet de constitution qui, tout comme la constitution actuelle, fixe d’abord la durée de cet intérim à 45 jours, mais cet intérim pourrait être prorogé par la constitutionnelle : ‘‘Le scrutin pour l’élection du nouveau président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par la cour constitutionnelle saisie par le chef du gouvernement , quarante-cinq jours au moins après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement. La cour constitutionnelle peut proroger dans tous les cas les délais de l’élection sans que le scrutin puisse avoir lieu plus de quatre-vingt-dix jours après sa décision’’ (dernier alinéa du même article 36 du projet de constitution)
Tout sur l’accord de paix
‘‘Réactiver le processus de mise en place de la deuxième chambre du parlement sous la dénomination du ‘‘Senat’’, de ‘‘Conseil de la Nation’’ ou de toute autre appellation valorisante de sa nature et son rôle, et en faire une institution dont les missions et la composition favorisant la promotion des objectifs du présent accord’’ (Article 6 du Chapitre3 de l’accord de paix portant sur le cadre institutionnel et réorganisation territoriale).
C’est sans doute pour donner satisfaction à ce point de l’accord de paix que le processus de révision constitutionnelle a été enclenché. A la lecture du même chapitre de l’accord de paix, il ne s’agit pas uniquement de l’institutionnalisation de la 2ème chambre du parlement, mais d’une libre administration des collectivités tel que indiqué dans l’article 136 du projet de constitution : ‘‘Les collectivités territoriales s’administrent par des conseils d’élus et dans des conditions définies par la loi’’. Chut !!!
Que dit concrètement l’accord de paix à propos, tenez : ‘‘La Région est dotée d’une Assemblée Régionale au suffrage universel direct, bénéficie d’un très large transfert de compétences de ressources et jouit des pouvoirs juridiques pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés’’ Et ce n’est pas tout : ‘‘les populations maliennes et en particulier celles des régions du Nord, auront dans ce cadre à gérer leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration.’’(Toujours au chapitre 3 de l’accord de paix). Par là, l’on s’interroge déjà à savoir si la révision constitutionnelle n’ouvre pas la voie à un futur fédéralisme voilé au nom de la décentralisation. Attendons voir !
Djibi Samaké LA SIRENE