Il a fomenté un coup d’Etat, a fait disparaître des Bérets rouges, a été arrêté depuis bientôt quatre ans, celui qui avait promis une « tolérance zéro » du temps de son règne et a précipité la chute des Régions du Nord du Mali aux mains des terroristes n’a toujours pas été jugé avec ses compagnons. A croire que le régime se méfie d’un procès qui, selon des observateurs, pourrait faire tomber plus d’un dont ceux que l’on soupçonne le moins. Avant hier l’affaire Haya Sanogo a été renvoyée aux calendes grecques.
Bien sûr, Haya fait peur. Même derrière les grilles, l’ancien homme fort de Kati, le capitaine «bombardé» Général pour reprendre les termes de notre confrère de Radio France Internationale, Serge Daniel, semble être une patate chaude que le régime veut refiler. Vu de l’évolution de la situation, tout porte à le croire.
On se souvient qu’Amadou Haya a été arrêté en décembre 2013. Depuis, il était resté se morfondre dans les geôles de Sélingué et de Manantali où il s’est fait quelques fois ramener sur terre par des coups de poings de ses surveillants. Il était même parvenu à faire diffuser un enregistrement audio dans lequel il se montrait très menaçant. Il se muerait en balance si, toutefois, l’on tentait de le juger. Le message était clair et les destinataires connus. Si en l’arrêtant l’on avait voulu montrer une certaine poigne et une fermeté dans la gestion du pays en claironnant que «Kati ne ferra plus peur à Bamako», la fébrilité qui a suivi l’évolution du dossier laisse pantois sur les motivations réelles de cette arrestation aux allures de coup de publicité. Les actions répétées des familles des Bérets rouges réunies au sein d’un collectif soutenu en cela par des ONG internationales spécialisées comme Amnesty ont quelque peu fait bouger les lignes. Le dossier bouclé en novembre 2015 par le Juge Yaya Karambé a été envoyé en assises. Mais, deux mois avant le procès de Haya et de ses compagnons, le Juge Yaya Karambé qui a mené toutes les enquêtes et auditions est expédié loin du Mali lors du Conseil des Ministres du 7 août 2016. Il est nommé au Consulat du Mali à Khartoum, au Soudan. Celui qui avait découvert le charnier de «Diago» n’allait, donc, plus assister au procès. Un procès qui a été délocalisé à Sikasso, le 28 novembre 2016. En une semaine, le procès est parti de suspension en suspension pour, enfin, être renvoyé le 8 décembre. L’excellent Président de la Cour d’Assises, le Juge Mahamadou Berthé, malgré toute sa bonne volonté de conduire le procès à son terme, ne pouvait qu’à un moment renvoyer un dossier qui semblait être mal monté à dessein tant des erreurs de débutant y étaient à foison. Le prétexte du Rapport d’expertise confié à l’Ambassade des Etats- Unis qui ne peut servir d’Expert en raison de son statut diplomatique avancé par les Avocats de la Défense a motivé la décision du renvoi. Cette expertise confiée au cabinet Mérieux à Bamako pour une durée de 3 mois n’a toujours pas été satisfaite bien qu’il ait été saisi depuis le mois de janvier 2017. Selon le laboratoire «Considérant que dans un message du 3 janvier 2017, le Laboratoire euro fins/ Biomnis, notre laboratoire expert nous avait informé que le résultat sera disponible au bout de trois mois après réception de tous les prélèvements ; Considérant que les prélèvements ADN sur les présumés parents des victimes ont été reçus au laboratoire partenaire, en France, le 28 avril 2017, et les prélèvements autoptiques, le 3 juillet 2017. Nous pensons pouvoir rendre disponibles les résultats de l’expertise ADN au plus tard le 30 octobre 2017 ».
C’est en se fondant sur cette réponse du laboratoire que le nouveau Procureur Général, Idrissa Arizo Maïga (le dernier Procureur ayant été le bouc émissaire du dernier procès raté de Haya Sanogo) a informé que l’affaire Haya Sanogo n’était pas au rôle de ces assises, c’était avant hier. Et dire que beaucoup étaient dans cette salle d’audiences pour se rassurer que l’affaire Sanogo serait, enfin, jugée. Ils devront prendre leur mal en patience. Avec un régime cerné de toutes parts, il ne faut pas trop compter sur le jugement d’un surexcité qui a promis de tout déballé si jamais l’occasion lui était donné. Entre nous, qui prêterait une arme pour sa propre exécution?
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT