La Baule pour exiger des Africains la démocratie, Marcoussis pour tenter une médiation entre Laurent Gbagbo, le président ivoirien, et Alassane Dramane Ouattara, le parrain de la rébellion qui divisait son pays depuis de longs mois.
Pau, aujourd’hui, pour que les chefs d’État sahéliens clarifient leur position sur le maintien des armées françaises au Sahel. Pour le moins, à chaque avatar de son histoire mouvementée avec l’Afrique, la France tient bien son agenda et le choix de ses villes pour les concertations. Marque d’indépendance et de souveraineté que n’ont pas les pauvres Africains, toujours récepteurs et dociles commis d’une puissance tutélaire qui s’encombre rarement des bonnes règles de civilité diplomatique à leur égard. Les exigences françaises se résument en une question : avez-vous besoin de nous? Question perfide et culpabilisante, mais dont la réponse offrira au procureur tout puissant la formalisation de ce qu’il attend, à savoir : « oui, nous avons besoin de vous, nous ne pouvons d’ailleurs pas mordre votre main tendue salvatrice, il nous faut même plus de Barkhane pour nous sortir d’affaire… ». Autant ces réponses-là sont bien connues et ont été suffisamment distillées à longueur d’occasions, autant la partie demanderesse a toujours soutenu mordicus que la sécurité dans le Sahel est une digue de quiétude pour l’Europe. Le sommet de Pau, à cet égard, est sans objet et devrait être purement et simplement annulé. Mais l’ambiguïté étant la trame de la diplomatie, d’après Kissinger, la France a beau jeu de mettre la pression, encore et encore, sur les pauvres et combien faibles dirigeants sahéliens qui, c’est bien connu, sont à contre-courant de leurs opinions nationales. La manifestation à Bamako, le vendredi 10 janvier, contre la présence militaire française au Mali, à trois petits jours donc de l’ouverture du sommet de Pau en est l’illustration la plus éloquente. Mauvais signe peut-être envoyé par les dieux, celle-ci a eu lieu le lendemain d’une attaque meurtrière subie le jeudi 09 janvier, par l’armée nigérienne qui a déploré un bilan macabre de 89 de ses soldats tués. On se souviendra utilement que la rencontre de Pau, initialement prévue pour le 16 décembre 2019, avait été reportée en raison du carnage d’Inatès (71 tués) dont avait été victime la même armée nigérienne. Le bilan est cette fois-ci plus élevé, mais le sommet se tiendra quand même, sans état d’âme, pourrait-on dire.Quelles leçons faut-il tirer de tant de réalités et de contingences? Certes, les chefs d’État sahéliens camperont sur leurs positions face à leurs populations et leurs certitudes francophiles seront répétées avec force emphase. Certes, Emmanuel Macron obtiendra aussi ce qu’il veut. Mais les Africains ne guériront pour autant pas de leurs soupçons et n’aspireront qu’à la victoire propre de leurs armées nationales sur tous les terroristes. Le sentiment anti-français demeurera dans le Sahel. Pau ne sera qu’un échec quant à son objectif décliné ou inavoué.
Ahmad Ould Bilé LE COMBAT