Quand la politique piétine, la démocratie trébuche et les éternels incompris magistrats jouent les potiches ou subissent la loi du plus fort, celle de l’Exécutif. Les agissements excessifs et abus de pouvoir de certaines autorités politiques ne cessent de compromettre les acquis de la Révolution de mars 1991. Ce, non seulement en causant beaucoup de torts aux honnêtes citoyens, mais aussi aux cadres intègres de l’administration. Pis, ce n’est plus seulement l’État qu’on enfonce avec délectation et sans crainte ni humilité, mais ce sont aussi les magistrats honnêtes qui en paient le plus lourd tribut. Mais sans que le commun des mortels ne soit réellement au courant des contraintes et défis majeurs auxquels nos juges sont confrontés dans l’exercice de leurs fonctions, dans leurs corps et âme sous le dictat des décideurs hiérarchiques, des Ministres de la République. En guise d’illustration, nous vous faisons revivre ici une histoire passée entre un juge à l’intérieur du pays et Me Mohamed Ali Bathily, à l’époque Ministre de la Justice. Au moment des faits, l’honnête Magistrat a été publiquement mis sur le banc des accusés par son Ministre qui, lui aussi, se dit avoir induit en erreur par des partisans locaux animés implicitement des motifs d’ordre électoraliste. Mais, au finish, l’Histoire semble donner raison au juge. Rétrospective !
Le sentiment d’injustice et d’iniquité se développe systématiquement au sein de la société malienne. Sa défiance envers le système juridique pourtant indépendant de l’Exécutif se développe au sein de toutes les couches socioprofessionnelles et administratives. Une réalité qui épouse des proportions de plus en plus inquiétantes. Outre le phénomène de la corruption et de la gabegie, il y a l’instrumentalisation de la Politique contre la Justice qui ne fait qu’évoluer de mal en pis avec des dégâts collatéraux très graves de conséquences. Surtout avec ces mesures et menaces de toutes sortes prônées à longueur de journée par les décideurs politiques à l’encontre des Magistrats.
Ainsi, force est de constater qu’en dehors des pouvoirs financiers qui n’arrivent à endoctriner que quelques Magistrats, chaque fois qu’une affaire arrive à la justice c’est le social ou surtout le politique qui s’interpose. En fait, nos juges sont souvent très mal compris dans l’exécution de leur tâche régalienne. Car, ils sont confrontés à toutes sortes de pressions dont la plus grave, voire irrésistible, est celles qui émanent de l’autorité politique ou de la hiérarchie. C’est naturel ; puisque chez nous en Afrique il n’existe pas dans les faits la séparation des pouvoirs : le Judiciaire subit toujours des abus de l’Exécutif.
Tel est le cas de cette attitude de Me Mohamed Ali Bathily, à l’époque Ministre de la Justice qui s’est pris publiquement à l’ancien Juge Samaké de Fana dont le seul crime était d’avoir refusé de céder aux pressions des acteurs politiques locaux au détriment d’un innocent citoyen dans une affaire de vol de bétail dans la localité de Fana. Mais, à l’issue des investigations creusées, il est établi qu’en réalité c’est une question de règlements de vieux qui était derrière ce dossier. En substance, selon une source bien informée, le juge Samaké était à sanctionner d’une manière ou d’une autre pour avoir refusé de livrer des bœufs à son Ministre sans une note administrative l’instruisant légalement. Pour le Ministre, le juge de Fana devrait s’exécuter suivant ses ordres. Mais par contre, ce dernier, son Ministre devait juridiquement laisser de trace comme quoi l’ordre est venu de lui pour tout enlèvement de bœufs saisis et placés dans un parc requis. Selon une source proche du dossier, le Juge Samaké serait en droit d’être réhabilité dans sa dignité et son innocence.
Nous reviendrons, en séries, sur tous les tenants et les aboutissants de ce dossier scandaleux dont Me Bathily aura à se justifier ou qui risque d’être poursuivi.
Habib Diallo : LE COMBAT