Le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guetterez, a rendu public, le 30 mai dernier, son Rapport trimestriel sur la situation sécuritaire au Mali. Le document de 22 pages fait état de 245 cas d’atteinte à la sécurité physique des personnes au cours desquels 333 civils ont été tués et 175 autres blessés, 145 d’enlèvements, contre 267 atteintes à la sécurité, 225 morts et 149 blessés pendant la période précédente.
Les conditions de sécurité restent toujours précaires dans les Régions du Nord et du Centre du Mali et continuent d’impacter négativement l’existence même des citoyens. Le Centre de notre pays, devenu ces dernières années l’épicentre du phénomène d’insécurité, connaît aujourd’hui une escalade des violences intercommunautaires et des affrontements interethniques exacerbés par la présence des Groupes extrémistes. La situation a entraîné la mort d’un grand nombre de civils dont au moins 157 tués durant le massacre perpétré, le 23 mars dernier, à Ogossagou, dans la Région de Mopti. C’est ce que rappelle le Rapport avant d’enchainer que la situation en matière de sécurité dans les Régions de Gao et de Ménaka aussi a été marquée par des actes de violences barbares perpétrés contre les populations locales, la recrudescence du phénomène de banditisme, d’assassinats ciblés des membres des Groupes armés, signataires ou non de l’Accord d’Alger, et des attaques contre les Forces de défense et de sécurité maliennes et de la MINUSMA. «Le 4 mai, des tensions entre les membres de la Communauté des Daoussak affiliés au Mouvement pour le Salut de l’Azawad et à la Coordination des mouvements de l’Azawad à Talataye, dans la Région de Gao, ont dégénéré en affrontements violents. Le nombre de victimes n’a pas pu être confirmé, les deux groupes ayant publié des déclarations contradictoires».
Attaques asymétriques et autres
Dans son Rapport, le Secrétaire Général de l’ONU a également signalé qu’au cours de la période considérée il a été déploré dans le Nord du Mali le plus grand nombre d’attaques asymétriques commises par des Groupes terroristes précisément 34/59. Le Centre du pays a été le théâtre des attaques les plus meurtrières. Dans le Nord, elles ont eu lieu dans toutes les Régions, notamment dans celles de Gao (15), de Tombouctou (11), de Ménaka (4) et de Kidal (4).
En revanche, dans le Centre, les attaques asymétriques se sont surtout concentrées sur la Région de Mopti (24). Selon le Rapport, les Forces de Défense et de Sécurité maliennes sont restées les principales cibles et victimes d’attaques menées par des Groupes terroristes. Au cours de la même période, elles ont été la cible de 35 cas d’attaques soldés par la mort de 67 soldats et 51 blessés (soit un taux d’augmentation par rapport à la précédente période de 37 morts et 47 blessés enregistrés). Les attaques contre les Forces de Défense et de Sécurité maliennes ont été les plus nombreuses dans les Régions de Mopti (20 cas), de Tombouctou (8), de Gao (4), de Ménaka (2) et de Koulikoro (1). L’attaque complexe menée le 17 mars contre les FAMA, à Dioura, dans la Région de Mopti, a été la plus meurtrière : 26 soldats ont été tués.
Au cours d’une autre attaque contre un avant-poste des Forces de défense et de sécurité maliennes à Guiré, dans la Région de Koulikoro, le 21 avril, 11 de nos soldats y ont perdu la vie.
Au total, 12 attaques ont visé la MINUSMA ; 11 autres ont visé des Groupes armés signataires de l’Accord et 1 contre les forces internationales. Le Rapport note également qu’au cours de la période à l’examen, quatre soldats de la paix ont été tués et 12 autres blessés, contre 17 tués et 40 autres blessés au cours de la période précédente. À Gao et à Ménaka, 43 membres des Groupes armés signataires de l’Accord d’ Alger ont été tués et 17 autres blessés. « On a enregistré 49 cas d’utilisation d’engins explosifs improvisés dont 36 (soit 73%) se sont produits dans le Centre du Mali», lit-on dans le document.
L’infernale vie dans le Centre du pays
Vivre dans les Régions du Centre relève aujourd’hui du parcours du combattant. Etant la zone qui abrite le 30% d’environ 20 millions d’Habitants du pays ; elle est restée celle où l’on a enregistré le plus grand nombre d’attaques contre les populations civiles et de victimes civiles, en raison d’une nouvelle intensification des affrontements et de la violence intercommunautaires ainsi que des attaques par les Groupes terroristes et les milices d’autodéfense.
Selon le Rapport trimestriel, les violences intercommunautaires ont été les plus marquées essentiellement dans les Cercles de Koro et de Bankass, dans la Région de Mopti, entre Dogons et Peulhs, et dans le Cercle de Djenné (toujours dans la Région de Mopti), entre Peulhs et Bambara.
Dans le Nord du pays, on a également enregistré une dégradation des conditions de sécurité principalement causée par des actes de banditisme et des activités des Groupes terroristes et des Groupes armés signataires de l’Accord de paix, survenue pour la plupart des cas dans les Cercles de Gourma-Rarouss, d’Ansongo et de Ménaka (dans les Régions de Tombouctou, de Gao et de Ménaka, respectivement). « Au total, il y a eu 245 atteintes à la sécurité au cours desquels 333 civils ont été tués et 175 autres blessés ainsi que 145 signalements d’enlèvements de civils, contre 267 atteintes à la sécurité, 225 morts et 149 blessés pendant la période précédente. Au cours de la période considérée, on a recensé 10 explosions qui ont fait 11 morts et 26 blessés parmi des civils dans les Régions du Centre du pays », a souligné les Rapporteurs avant de rajouter plus loin que soixante-quatorze (74) cas de graves violations des Droits humains et atteintes à ces Droits ont été enregistrés concernant au moins 410 victimes dont au moins 30 femmes et 36 enfants recensés, contre 79 cas et 422 victimes pendant la période précédente. Toujours, selon le Rapport, au total, 58 cas se sont produits dans la Région de Mopti, 6 dans la Région de Gao, 4 dans chacune des Régions de Tombouctou et de Ségou et 2 dans la Région de Ménaka. L’équipe spéciale de surveillance et d’information a également confirmé 145 cas de graves violations commises sur 92 enfants au Mali. Environ 96% de ces cas (84) se sont produits dans la Région de Mopti. Les autres cas criminels et barbares du genre sont survenus dans les Régions de Kidal (22), Gao (17), Tombouctou (15), Ménaka (4), Bamako (2) et Ségou (1).
Une situation humanitaire déplorable
La liste des victimes de ce phénomène d’insécurité s’allonge de plus en plus. Les acteurs humanitaires aussi interviennent sur le terrain dans des conditions de plus en plus difficiles et complexes. Cela, compte tenu de la persistance des actes de violences intercommunautaires et de la criminalité.
Par ailleurs, selon le Rapport, l’insécurité alimentaire concernera 3,8 millions de personnes pendant la période de soudures de 2019 (de juin à août) dans les Régions de Ménaka, Gao, Tombouctou et Mopti.
En outre, environ 660.000 enfants risquent également de souffrir de malnutrition aiguë en 2019 dans l’ensemble du pays. Cette situation est aggravée par le manque d’accès à une eau sans risque sanitaire (43%) dans les zones touchées. Ce qui fait que 1,3 million de personnes ont besoin d’une aide humanitaire. « Au 7 mai, on recensait 106.164 personnes déplacées à l’intérieur du Mali ; 58% d’entre elles étaient des enfants ayant besoin de protection. Les personnes déplacées sont surtout issues des Régions du Centre. On compte, en effet, plus de 60.000 déplacés internes dans les Régions de Mopti (45.660) et de Ségou (15.201). Le Mali accueille également 26.567 Réfugiés dont 8.457 en provenance du Burkina Faso et 1024 du Niger. On a observé, en outre, une augmentation des retours spontanés et facilités depuis le camp de M’Bera, en Mauritanie », note-t-on dans le document avant de poursuivre que les fermetures d’écoles touchent près d’un tiers de 421 communes. «Plus de 953 écoles sont fermées dans le Nord et le Centre du pays dont plus de 60% des établissements de la Région de Mopti. Par conséquent, plus de 250.000 enfants n’ont pas accès à l’éducation dans les Régions touchées. Dans le Nord du pays, 25%des établissements de santé ne sont pas opérationnels en raison de l’insécurité ambiante. Le Plan de réponse humanitaire 2019 pour le Mali n’a reçu que 52,5 millions de dollars sur les 296,5 millions demandés et n’est, donc, financé qu’à hauteur de 17,7 % », précise le Rapport.
Ainsi, pour remédier à toute cette situation, l’ONU appelle le Gouvernement malien à s’engager clairement à agir de façon plus vigoureuse et à s’attaquer aux mouvements extrémistes, aux tensions intercommunautaires, à la prolifération des armes légères et de petit calibre et à l’acquisition d’armes par les Groupes d’autodéfense fondés sur l’appartenance ethnique. «Si ces problèmes ne sont pas résolus, le risque est grand de voir la situation dégénérer au point de donner lieu à des atrocités criminelles».
Seydou Konaté LE COMBAT