La publication du Rapport conjoint de la FIDH et de l’AMDH qui n’épargne pas les forces armées maliennes n’a pas été du goût du Gouvernement. Son porte-parole l’a fait savoir au cours d’une conférence de presse. Sauf qu’il s’est planté.
Au cours de sa conférence de presse, Amadou Koïta est apparu l’air sévère. Le visage fermé, il n’avait pas son sourire éternel qui ne le quittait presque jamais. Il en avait visiblement gros sur le cœur. Il ne tardera pas à le faire savoir. Le Rapport de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et de l’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH) en était la cause.
En effet, dans ce Rapport rendu public le 20 novembre dernier, les deux Organisations de Défense des Droits de l’Homme estiment que le Centre du Mali est devenu l’épicentre des violences qui font rage dans ce pays. Les causes seraient les conflits intercommunautaires, les attaques djihadistes et surtout les actions des Forces d’armées maliennes. Dans le Rapport on peut lire : «Certaines opérations des FAMA ont été de véritables expéditions punitives, répondant au même mode opératoire : arrestations sur la base de liste de noms, exécutions sommaires, enfouissements des corps dans des fosses communes… ». Il n’en fallait pas plus pour irriter la colère de ce Ministre porte-parole du Gouvernement d’IBK2, qui dira que le « Mali a une armée soucieuse des Droits de l’Homme». Comme une réponse du berger à la bergère, il le dit dans des termes diplomatiques que le Rapport n’est pas impartial en ce qui concerne les forces armées. Il ne peut en être autrement. Mais là où notre Ministre va s’emmêler les pinceaux, c’est quand il tente de faire croire à son auditoire que le travail des deux organismes a été fait sans que l’avis des autorités ne soit demandé.
Au siège de l’Association malienne des Droits de l’Homme, on n’en revient toujours pas. Rencontré à son Bureau, hier jeudi, aux environs de 12 heures, Me Moctar Mariko, Président de l’AMDH, brandit les différentes lettres que les organisations ont envoyées à l’ancien Ministre des Forces Armées et des Anciens Combattants, Tiéna Coulibaly en date du 13 août 2018. Dans l’une de ces habituelles lettres dont nous détenons copie, il est clairement mentionné que la lettre vise à informer le Ministre de la sortie prochaine d’un Rapport et à demander une rencontre avec lui afin de recueillir conformément à leur méthodologie sa «vision de la situation et de s’enquérir des informations et des contraintes des forces armées dans les Régions». Avant cette lettre, une autre « cf. la demande d’audience Réf 054/AMDH/18 transmise à vos services le 6 juin 2018» n’a pas eu de suite.
Dans la même lettre, l’AMDH sollicitait auprès du Ministre de donner des éclaircissements sur des attaques qui étaient, selon des sources concordantes, attribuées aux forces armées.
Malgré le manque de réponse de la part du Département de tutelle, une troisième lettre (Réf 083/AMDH/18) a été envoyée au nouveau Ministre des Forces Armées et des Anciens Combattants, Pr Tiémoko Sangaré, le 17 septembre 2018. Encore, une fois, les organismes demandaient à rencontrer le Ministre avant la publication du Rapport. Contrairement à son prédécesseur, le Pr Tiémoko Sangaré prendra la peine de répondre à l’AMDH dont il salua les démarches. «Je voudrais souligner tout l’intérêt que nous accordons à cet exercice et vous remercier vivement de l’honneur que vous nous faites en acceptant de nous associer à l’élaboration de votre prochain Rapport par la prise en compte de nos observations sur les enjeux sécuritaires, les actes de violation des Droits humains et les réponses apportées par l’État à ces questions… ».
Tout porte à croire que le porte-parole du Gouvernement a porté une parole qu’il ne maitrise pas. La solidarité gouvernementale devait commander les Ministres Tiéna Coulibaly et Tiémoko Sangaré de porter à la connaissance du Ministre Amadou Koïta les différentes lettres échangées avec l’AMDH et leurs contenues. Cela lui aurait évité de dire des choses qui ne sont pas vraies.
Mohamed Sangoulé DAGNOKO : LE COMBAT