Début novembre, lors de sa tournée dans la région du Sahel, la minière française de la défense Florence Parly avait annoncé l’arrivée prochaine des forces spéciales européennes antiterroriste.
Quelques semaines après peu de pays manifestent leur intérêt. Mais l’entourage de la ministre rassure.
« Un pays comme le mien prend ses responsabilités dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. » Le ministre tchèque des Affaires étrangères a indiqué, dans un entretien accordé au journal Le Monde, jeudi 21 novembre à Prague, que son pays participera à la petite coalition de forces spéciales que Paris tente de monter depuis de nombreux mois pour soutenir les armées de la région (Mali, Niger et Burkina). « Nous sommes de plus en plus conscients que nous devons porter notre attention sur la sécurité de notre voisinage au sud. Nous avons appris de la crise migratoire. Nous avons vu que la situation en Libye avait un impact direct sur l’ensemble de l’Europe. Et nous avons assisté à une prolifération des groupes terroristes au Sahel ces dernières années. Le terrorisme pourrait se disperser », justifie Tomas Petricek.
Prague a déjà 120 militaires affectés à la protection de la mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM), dont la République tchèque prendra le commandement en 2020. « Il s’agit aussi de montrer une solidarité avec la France, qui est impliquée dans la région, poursuit le ministre. Il est juste de partager le fardeau entre Européens. » Un feu vert du Parlement tchèque est attendu pour envoyer ces soldats. Prague a ouvert une représentation diplomatique à Bamako cet été. Son ambassadeur y sera complètement installé en janvier 2020, précise M. Petricek.
Les États-Unis et la Russie aussi
Paris doit démontrer que sa force « Barkhane » et son volet forces spéciales « Sabre », très exposés sur le terrain, n’agissent pas seuls. Le ministère français des armées doit aussi, sous la pression de l’Élysée, afficher sa capacité à adapter ses déploiements face à la nette dégradation de la situation sécuritaire constatée ces derniers mois dans le centre du Mali et le nord du Burkina Faso. L’entourage de la ministre des armées, Florence Parly, assure que cette coalition de forces spéciales baptisée « Takuba » (« sabre », en langue tamachek) prend forme. Mais peu de gouvernements ont confirmé officiellement une participation.
En Estonie, le Parlement a approuvé le 6 novembre un renforcement du contingent présent depuis l’été 2018 à Gao, au Mali (il passera de 50 à 95 personnes), et l’envoi de forces spéciales au deuxième semestre 2020. En Belgique, la défense a annoncé le 24 novembre une petite cotisation de trois officiers dans le futur état-major de « Takuba », qui sera basé à Gao, « en réponse à la demande de la France ». Le pays participe déjà à une mission de formation de forces spéciales au Niger (entre 50 et 80 militaires selon les périodes) et contribue à la mission des Nations unies au Mali (Minusma), avec 120 personnes. La Belgique reste par ailleurs engagée en Afghanistan et en Irak-Syrie. Selon le site spécialisé Bruxelles2, « les Norvégiens et les Suédois devraient aussi être présents ».
Dans la région sahélienne, l’heure est donc à l’empilement des missions sécuritaires. Les États-Unis ont eux aussi conforté la présence de leurs forces spéciales et de leurs drones Reaper. Le commandement américain pour l’Afrique a annoncé le 1er novembre la mise en service opérationnelle de leur base d’Agadez, au Niger. Les Russes, de leur côté, ont annoncé un nouveau partenariat militaire avec le Mali.
Un « plan Marshall pour l’Afrique »
Cette mobilisation ne produit pas pour l’heure de résultats évidents, tant les problèmes de développement et de gouvernance politique sont grands dans la région. Tandis que la ministre française appelle à « la patience stratégique », son chef d’état-major des armées, François Lecointre, affirme qu’« il faut persévérer ». La force « Barkhane » concentre ses efforts dans le centre du Mali et les régions du pays frontalières avec le Niger et le Burkina. Mais elle ne souhaite pas détourner son attention du nord du Mali, où les groupes djihadistes restent très actifs.
Le ministre malien de la Défense, Ibrahima Dahirou Dembélé, a réclamé récemment, devant le Parlement de Bamako, un plus grand soutien pour son armée : « Moi-même, quand je vois le niveau de mon armée, j’ai peur. Je veux atteindre le niveau des autres armées et il faut que le Mali se prenne en charge. Honnêtement, ça ne va pas. La défense, c’est tout le Mali. Le travail que nous sommes en train de faire, c’est d’appeler tous les ministres pour que tout le monde puisse s’impliquer. »
Parmi les Européens, « nous sommes aussi convaincus que nous ne réglerons pas le problème militairement », ajoute le Tchèque Tomas Petricek : « C’est pourquoi nous contribuons au “plan Marshall pour l’Afrique” que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé de ses vœux. »
K. Komi LE COMBAT