Pour les besoins du sommet Afrique-France qui a réuni, dans notre capitale les 13 et 14 janvier derniers, plusieurs Chefs d’Etat et de gouvernements, la circulation été coupée sur le pont Fahd, le jeudi 12 courant, à partir de 00H. Pour accéder au centre-ville, les Habitants de nombreux quartiers de Bamako devaient passer par le pont des martyrs. Une traversée qui leur fera vivre le «martyr».
Les usagers du pont des martyrs ont vécu le martyr le vendredi dernier. Ce vendredi marquait le début des travaux du 27e sommet Afrique-France qui se tenait à Bamako. Pour sécuriser le Centre International de Conférence de Bamako (CICB) qui abritait les différentes réunions, de nombreuses mesures sécuritaires ont été prises pour la quiétude non seulement des travaux mais aussi et surtout pour sécuriser les invités de marque qui séjournaient chez nous. Ainsi, une ceinture de sécurité impressionnante a été dressée jusqu’à des kilomètres au tour de ce centre. Cette mesure a logiquement concerné le pond Fahd, non loin du centre et principale itinéraire des délégations en provenance de l’aéroport international Modibo Kéïta-Senou. Conformément au plan de circulation établi, les usagers de la Rive droite devaient pour la plus part passer par le pont des martyrs encore appelé premier pont pour rejoindre le centre-ville. Malgré le caractère chômé de cette journée du vendredi 13 janvier, le pont des martyrs n’a pas chômé, au contraire, il a été envahi. «Un seul pont pour plusieurs quartiers, sans compter que la journée chômée ne concerne que les fonctionnaires, il fallait s’attendre à un tel embouteillage». Il est 8h10 minutes, quand Moussa Touré nous fait ce témoignage. A cette heure de la journée, le pont est déjà envahi. Les véhicules se suivent à pas de caméléon. Les motocyclistes qui , comme d’habitude, slaloment entre les voitures pour se frayer un chemin ; suivent le même rythme. Ça klaxonne dans tous les sens ; les nerfs sont à vifs, les injures fusent. Par moment, on y manque que de justesse d’en arriver aux mains. Les plus véhéments critiquent à haute voix les autorités. « Au moment où ils se la coulent douce dans les salons feutrés et sous la bonne climatisation, nous qui les avons placé là souffrons et n’arrivons même pas à aller chercher notre pain quotidien », s’insurge cet usager conduisant une vieille moto fumante qui ne manque d’asphyxier ses suivants directs. Les critiques de ce dernier sont bien accueillies par la foule qui l’entoure, avant qu’un un autre émette un avis contraire. Pour ce dernier, la « Diatiguiya » malienne nous oblige, pour le confort et la sécurité de nos invités, de faire des concessions passagères. Il a, à peine terminé son raisonnement, qu’il se prend une volée de bois verts. Cette situation a continué jusqu’en milieu d’après-midi avant de connaitre un léger mieux pour reprendre avec force à la tombée de la nuit. A cette heure de la soirée, l’on pouvait, contrairement à la journée, sentir, en plus de la frustration, la peur dans les yeux. Etre bloqué au beau milieu d’un pont qui, dit-on, n’est pas en bon état à cette heure de la soirée donne des sueurs froides. Nul doute que beaucoup d’usagers se repassaient dans la tête la chanson du groupe « frères de la rue » qui demandait aux Bamakois de ne pas emprunter le pont des martyrs du fait de sa vétusté. Et, comme pour en rajouter à la peur, la Brigade fluviale avait déployé sur le fleuve des mini bateaux avec des secouristes à bord pour intervenir rapidement si le malheur venait à se produire. Inutile de dire que la vue de ces secouristes tournoyant autour du pont a crée une psychose terrible, surtout pour des personnes qui sont bloqués depuis plusieurs heures. L’embouteillage occasionné s’étendait à des kilomètres. Jusqu’à 22 heures passées, il était impossible de circuler normalement sur le pont. Constatant la gravité de la situation et le fait que les invités avaient tous quitté le CICB pour le dîner à Koulouba, les autorités ont été obligées de rouvrir le pond Fahd pour évacuer tout ce beau monde. Il a fallu attendre les environs de 00 heures pour voir le pont des martyrs «respirer».
Les « France au revoir » lâchent prise
L’Afrique accueillait la France à Bamako les 13 et 14 janvier. Soit pendant deux jours. Mais, le Mali et Bamako, en particulier, accueille tout au long de l’année des véhicules appelés « France au revoir ». Ces véhicules pour la plus part vétustes et hors d’usage en Europe, selon leurs normes, sont déversés sur le continent. Et Bamako en reçoit une grande partie, en témoignent les « parkings » qui poussent comme des champignons depuis un certain temps. Ces véhicules «France au revoir», pour la plus part usés, ont lâché prise lors de ce long embouteillage rajoutant à la complication de la circulation. Les chauffeurs de taxis, la mort dans l’âme, demandaient à leurs passagers de descendre et de se débrouiller.
Un samedi plutôt calme
L’embouteillage monstre de la veille largement commenté par les radios et partagé sur les réseaux sociaux a dissuadé plus d’un de tenter la longue traversée ce samedi 14 janvier. S’il est vrai que la circulation n’était pas aussi fluide que les jours précédents, le sommet, elle n’avait, cependant, rien à avoir avec la journée cauchemardesque du vendredi. «A quelques choses de malheur est bon », dit-on. Cette souffrance des populations sur un pont qui « tremblait » permet aux autorités de jauger de sa capacité et de prendre des mesures qui s’imposent. Elle aura aussi mis à la lumière du jour le manque d’infrastructures routières dans la capitale, d’où la nécessité d’un quatrième pont. Pour toutes les réalisations qui ont été possibles en un laps de temps pour accueillir ce sommet, pas besoin d’un mandat supplémentaire pour entamer ces travaux qui s’imposent.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT