Dans notre pays, on a pas besoin d’avoir les papiers en règle. Il suffit d’avoir un engin roulant, pouvoir s’en servir pour circuler et quelques billets de nos francs en poche et le tour est joué !
Aucun agent de police ne pourrait verbaliser un conducteur pris en faute, si ce dernier a sur lui ce fameux billet de banque qui achète presque tout au Mali. La planification est simple. Selon nos sources, le chef attend au poste de police le retour des éléments qui sont contraints d’apporter avec eux une somme conséquente. Cela ressemble à peu près aux talibés qui ne peuvent rentrer au bercail sans quelque chose à remettre à son « maître ». Bref ! La comparaison s’arrête là.
Une arnaque ou une façon d’arrondir les fins de mois ? Cela dépend du point de vue de chacun. Un jour, nous avons été contrôlés par la police. Arrêtés au bord de la route pour vérification, nous entendons un homme qui disait « Monsieur le policier, je t’assure que je n’ai que 1.000 sur moi et en plus c’est mon prix de condiment de demain. Et je dois remettre ça à ma femme pour la préparation du repas de ma famille. Je vous demande pardon. Patron, ayez pitié de moi ». À notre grande surprise, le policier lui arrache le billet et s’en va sans dire un mot. Le pauvre gars, désespéré montre sur sa bécane et continue son chemin.
À cet instant, nous avançons vers un autre policier et on lui pose la question de savoir pourquoi à chaque fois qu’ils verbalisent quelqu’un ils ne remettent pas un reçu à la personne. Tout timidement, il nous répond « Nous ne donnons aucun reçu car on négocie toujours avec la personne qui est en infraction et l’on se met d’accord sur un prix. Cela n’est pas officiel ».
« Ah bon ? Et l’argent que vous récoltez, si ça ne rentre pas dans la caisse du trésor, vous le partagez entre vous ? »
Le policier nous raconte ; « non, cet argent est remis au chef dès notre retour, d’ailleurs il nous attend. Nous avons un cahier avec tout ce nous avons pu avoir et ensuite, nous remettons tout au Chef. »
Après notre investigation, il s’avèrerait que les Chefs de polices poussent leurs éléments à rapporter coûte que coûte une somme d’argent qui est fixée selon le lieu où le policier se positionne. Par exemple, les Ronds-points et les carrefours sont plus lucratifs que d’autres endroits. Et seuls les plus servants méritent ces places de prestige. Donc il faut être un policier plus dynamique dans cet exercice pour perdurer dans son coin. C’est pour quoi, souvent, les mêmes agents sont visibles au même endroit pendant plusieurs mois voire plus d’une année. C’est le cas d’un policier que nous avons remarqué depuis 2012 au niveau d’un carrefour en Commune II du District de Bamako. Et, tenez-vous bien, jusqu’à présent, l’intéressé sert au même endroit. Ce souci d’honorer ses engagements à verser de l’argent au Chef pousse les Hommes de terrain à tous les excès.
Cet accord tacite entre les agents et leurs Chefs amènent nos policiers à afficher toutes sortes de comportements à la recherche de l’argent. Les points de passage les plus fréquentés par les transports en commun sont aussi prisés et sont les coûteux. Tous les chauffeurs de mini-Bus « Sotrama », déboursent une certaine somme tous les jours, une somme qui sera partagée après entre les agents et leurs Chefs. Il paraitrait que de l’argent monte jusqu’au sommet de la hiérarchie. Aussi, ces agents de la circulation sont tenus de verser journellement de l’argent au niveau de la compagnie de la circulation routière.
Le partage s’effectue ainsi : l’argent collecté est divisé en deux dont une partie pour le poste et l’autre pour la compagnie.
C’est pourquoi, l’institut de sondages, Afro baromètre, dans son dernier Rapport classe la police en tête de liste des institutions les plus corrompues au Mali.
Le fouineur