C’était un lundi. Donc, on sortait juste d’un week-end du mois dépensier de saint Ramadan. Et ce début de la semaine démarrant s’annonçait avec pas mal de difficultés vu toutes les obligations et les devoirs accomplis. De ce fait, il va falloir chercher des sous pour pouvoir se relancer. Il est 10 heures ce jour-là, sur le trajet ralliant le Centre-ville à la Zone industrielle de Bamako lorsque votre fouineur a entendu retentir un coup de sifflet strident. La Sotrama (Société des transports du Mali), ce fameux minibus des transports collectifs des citadins de Bamako, s’immobilisa à quelques dizaines de mètres plus loin.
Tout confiant, le conducteur sait que son véhicule est parfaitement en règle. Apparemment, nouveau sur le trajet, il attend paisiblement derrière son volant l’Agent de police qui, à son tour, prend tout son temps pour lui rejoindre. Après ce petit salut testiculaire propre aux éléments de la Compagnie de la circulation (CCR), l’Agent réclama poliment le cahier sur lequel il jeta un coup d’œil furtif avant de faire un tour du véhicule pour lui demander subitement d’allumer les phares. Le chauffeur, visiblement impatient, s’exécuta avec succès. Ensuite, le policier jeta un coup d’œil à l’intérieur de la SOTRAMA pour compter le nombre de passagers à bord. Ce, après quoi il finit par s’éloigner avec le cahier à la main en prétextant qu’il y a un défaut de clignotant et de surcharge. Cela, au grand dam des passagers à bord tous pressés. Notre chauffeur bondit de sa cabine et demanda à comprendre ce que venait de décréter le policier. Alors des discussions, on passe à des altercations puis aux supplications.
Mais, en dépit de tout, l’Agent restera ferme, intraitable. Navré, le pauvre conducteur retourne à son véhicule en maudissant à haute et intelligible tous les policiers du monde.
Cependant, parmi les passagers, ceux qui connaissent cette pratique des policiers, les habitués aux scènes du genre sur fond de petite corruption, conseillèrent au chauffeur de mettre la main à la poche. Cela signifie débourser 1000 francs CFA, une pratique illicite érigée en système entre policiers et chauffeurs de SOTRAMA et taximen aussi. Pauvre de lui, le chauffeur finira par remettre le fameux billet des 1000 FCFA à son apprenti pour l’Agent assis sur son engin à deux roues. Suivant de près la scène, votre serviteur a voulu voir au juste l’effet que va produire ce fameux billet des 1000 FCFA.
Ainsi, quelques mètres plus loin, l’apprenti retourne et transmet à son maître un message, celui du policier lui demandant de s’arrêter au retour pour reprendre son cahier. Notre policier a eu le flair de jouer à une tentative de discrétion. Mais, son Chef de poste, assis à côté, l’ordonna de remettre à l’immédiat le cahier puisque les 1000 FCFA leur sont payés.
Cette scène est malheureusement monnaie courante. Elle est rentrée dans les mœurs à tel point que les conducteurs de SOTRAMA ont compris qu’il ne sert à rien d’être en règle. Selon un d’entre eux, avant c’était 500 FCFA ; mais, de nos jours, c’est 1000 FCFA ou plus. Les exemples touchent toutes nos couches socioprofessionnelles.
Dans les écoles, hôpitaux, partout, on assiste au même phénomène dit « petite corruption ». Selon les canaux moraux d’aujourd’hui, le vol, l’escroquerie, le détournement des deniers publics, les pots-de-vin, la corruption, les rackettes, le trafic d’influence, l’interprétation tendancieuse des textes pour s’offrir des avantages, etc. Ils se font au vu et au u de tous. Aux dires de certains, tout cela n’est que de la débrouillardise. En somme, dans notre société c’est la loi de la jungle pour survivre coûte que coûte.
Le Fouineur