Il y a eu pour le moins une douche froide au Rpm, parti du président de la République. L’élection de Moussa Timbiné comme président de l’Assemblée nationale, sixième du nombre, est diversement ressentie par les uns et les autres. Mais les plus fins observateurs de l’échiquier politique national en sont eux-mêmes à conjecturer.
C’est que rien ne sera plus comme avant ni au sein du Rpm ni en ce qui concerne l’avenir politique du Mali dans les prochaines années. Dans les rangs du parti du Tisserand, les responsables sont dits partagés entre les sentiments de défaite, d’humiliation et de trahison. Beaucoup ressentent l’arrivée de Moussa Timbiné à la tête de l’institution parlementaire comme une sorte de déni du parti dont le choix aura été gravement contrarié à cause de l’imposition du président de la République et par les manoeuvres politiciennes de son fils, Karim Keïta, réélu député en commune II de Bamako. Vrai ou faux? Les supputations vont bon train.
Dans un post qui a été largement relayé sur les réseaux sociaux, Dramane IC Mallé, un militant bamakois de première heure du Rpm, a vite engagé les débats sur la place publique. Pour lui, en effet, « Le choix du candidat du Rpm pour l’Assemblée nationale a enfin dévoilé la vraie face cachée d’IBK ». Et de renchérir : « IBK n’a aucun respect et considération pour les textes du parti, encore moins pour les membres du BPN-RPM, les membres de la commission de choix des candidats et les nouveaux élus qui ont consacré des journées à travailler sur ce dossier ».
Si son point de vue, qui cache le désarroi, voire l’amertume, est partagé par ses camarades, cela dénote qu’il y a grand malaise au sein du Rpm et que son avenir sera tributaire de la manière que les humeurs seront gérées. Certains, comme lui, parlent de « nomination de Timbiné comme Président de l’A.N., après son repêchage par la Cour Constitutionnelle « . Un sentiment de frustrations qui trouve ses résonances jusque loin des sphères Rpmistes.
Que va-t-il donc se passer? Chacun a sa petite idée. La plus ancrée en si peu de temps et qui circule comme certitude, est que, en bon père ayant fait son temps, IBK aurait pensé sérieusement à l’avenir politique de son fils Karim. Au-dedans comme en dehors des cercles du Rpm, tout le monde dit qu’il n’est pas le premier chef d’État africain à tomber dans cette tentation. Mais, dans son cas, c’est Karim Keïta, qui est en complicité avec Moussa Timbiné, qui aurait entraîné son père dans la spirale dynastique. Le plan aura donc été pensé profondément et minutieusement depuis plusieurs mois. À terme, Moussa Timbiné sera propulsé à la présidence de l’Assemblée nationale, poste où il sera utile à son ami. Ensuite, après un an de gestion, un congrès extraordinaire du RPM sera convoqué pour démettre Dr. BocaryTréta de son piédestal de Président du parti, non pas pour le jeter comme une orange sucée, mais en le nommant comme Président d’honneur, et le tour sera joué! Alors, en ayant les députés et le parti dans leur escarcelle, rien ne peut s’opposer à ce que Karim Keïta succède à son père.
Mais ce scénario qui a, à quelques différences près, fonctionné à merveille pour Oumar Bongo par rapport à son fils Aly et pour Eyadema en ce qui concerne le sien, est-il une recette imparable ? Et voilà la donne Abdoulaye Wade qui a échoué quant à l’autre Karim, celui du pays de la Téranga. Les conjectures ne s’avouent jamais vaincues, on le sait. Elles donnent ainsi IBK démissionnaire avant la fin de son mandat. La vacance du pouvoir sera constatée par la Cour suprême. Scénario qui permettra à Moussa Timbiné d’assurer l’intérim comme président de la République et pouvoir alors renvoyer l’ascenseur à Karim du pays de la Diatiguiya. On croit rêver, mais qu’est-ce qui est impossible en politique?
Amadou Parvin