La Cour de justice de la CEDEAO réclame des informations sur la situation de Moctar Ouane et Bah N’Daw, anciennes autorités de la transition en cours au Mali arrêtées par les putschistes le 24 mai dernier. Gardés en résidence surveillée malgré les appels des organisations des droits de l’homme et de la société civile répétés pour leurs libérations, les colonels font toujours la sourde oreille. Et c’est à la cour de justice de la CEDEAO de mettre la pression.
La Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a demandé au Mali de fournir d’ici au 28 août un mémoire justifiant les violations présumées des droits de Moctar Ouane et Bah N’Daw, selon l’avocat des deux anciens dirigeants de la transition.
L’ex-Premier ministre de la transition malienne, Moctar Ouane, et Bah N’Daw, ancien président de la période de transition ouverte après un premier coup d’État militaire en août 2020, ont été arrêtés le 24 mai 2021 dans un second coup de force mené par le colonel Assimi Goïta et ses amis.
Ils ont été libérés, mais leur entourage affirme qu’ils sont sous le coup d’une résidence surveillée qui ne dit pas son nom.
« Une requête déposée par Bah N’Daw et Moctar Ouane contre l’État du Mali a été enregistrée par le greffe de la Cour le 21 juillet 2021 », a écrit la Cour de justice, dont le siège est à Abuja, au Nigeria, dans un communiqué publié vendredi par Mamadou Ismaïla Konaté, avocat des deux anciens dirigeants.
« Par conséquent, vous êtes invités à produire un mémoire en défense dans un délai d’un mois (…) passé ce délai, les requérants seront entendus et un arrêt par défaut réputé contradictoire peut-être rendu », a sommé la Cour dans ce document daté du 29 juillet.
« Les autorités, président et Premier ministre compris, ont jusqu’au 28 août pour s’expliquer sur les violations des droits et libertés de Bah N’Daw et Moctar Ouane », a souligné l’avocat sur Twitter.
« Il est demandé en l’occurrence d’enjoindre à l’État du Mali de lever tous obstacles de droit et de fait quant à l’exercice des droits et libertés » de Bah N’Daw et Moctar Ouane, a-t-il précisé.
«Violations’’ et “irrégularité’’
« Ces situations, dit-il, constituent des violations et c’est pour cela qu’en saisissant le procureur de la Commune III qui lui-même a transmis ma plainte nominative personnelle contre le colonel Assimi Goïta, l’a transmis donc au procureur général. J’attends que ces autorités judiciaires se prononcent très vite, et j’attends également que la Cour de justice de la CEDEAO qui en principe doit recevoir une suite de l’État du Mali à la fin de ce mois se prononce également sur ce qui concerne les mesures urgentes qui ont été faites. »
« J’ai rappelé également d’autres instances que j’ai saisies, le Haut-Commissaire des droits de l’homme, pour justement dénoncer ces attitudes-là, pour dire les anomalies et les irrégularités dans ce dossier-là », conclut maître Mamadou Ismaela Konaté.
Les colonels qui ont renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020 se sont engagés à rendre le pouvoir dans un délai de 18 mois. Après neuf mois, Assimi Goïta, l’homme fort de la junte s’est fait investir président de transition et a nommé un nouveau Premier ministre. La mise à l’écart de Moctar Ouane et de Bah N’Daw a été officiellement présentée comme une démission.
Début août, le Premier ministre de transition, Choguel Kokalla Maïga, a assuré que les élections censées ramener les civils au pouvoir auraient lieu comme prévu en février-mars 2022. Le doute persiste cependant quant à la faculté des autorités à tenir les échéances dans les sept mois qui leur restent, tant les obstacles à surmonter sont considérables dans ce pays en pleine tourmente depuis des années. À la propagation djihadiste, les violences de toutes sortes et à la pression politique pour respecter les délais de la transition s’ajoute désormais l’affaire Bah N’Daw et Moctar Ouane qui est une véritable épine dans les chaussures des militaires.
Kevin KADOASSO LE COMBAT