La mendicité qui consiste à aller vers les autres pour leur demander du soutien, quel que soit sa forme (nourriture, aumônes, dons de charité, argent) afin de se nourrir et de passer un temps difficile n’est plus comme avant. Réservée généralement aux enfants talibés (écoliers dans les temps anciens) ou aux personnes en urgence en détresse (maladies, handicap à vie, calamités naturelles, incendies, accidents graves ou dans l’incapacité de travailler), la mendicité a tendance à basculer dans un esprit de commerce pour obtenir des avoirs financiers et économiques facilement. C’est une pratique, une activité sociale à la fois à l’origine licite, mais rendue de nos jours illicite, puisqu’ériger en fonds de commerce au sein de la société malienne dans son ensemble.
Une activité transformée en source de revenus, en un véritable fonds de commerce ou activité socioprofessionnelle très alléchante. C’est du moins le qualificatif qui prend corps avec la tournure qu’a prise ce phénomène social jadis licite. En fait, le phénomène de mendicité, tel que pratiqué à travers la ville de Bamako et dans les capitales régionales, est sorti de son cadre originel. De nos jours, ce sont toutes les devantures et enceintes des mosquées, les lieux de cérémonies coutumières et religieuses, les grandes artères, les carrefours et ronds centraux qui sont pris d’assaut par ces personnes, majoritairement bien portantes, avec des enfants privés de leurs droits de scolarisation, de formation et d’apprentissage de vrai métier rémunérateur. Bref, il est difficile aujourd’hui de passer d’une rue à une autre sans constater le fait. Autrefois, selon l’historique, les parents envoyaient leurs enfants auprès des maîtres coraniques dans le but de les former et de les initier à la vie pratique de l’Islam. Et aussi, les apprendre l’humanisme dans toutes ses formes à travers la conception divine et à vivre honnêtement, dignement, de la sueur de leurs fronts. Ainsi, vu le statut immobile du maître toujours préoccupé, les apprenants venaient aider ce dernier à travers la culture des champs et autres travaux, etc. Vu le rôle et leurs occupations au plan pédagogique et religieux au service de la communauté ou dans l’éducation des enfants d’autrui, la société venait aussi au secours des maîtres. Ce, en dons en nature ou en biens matériels ou à travers des services. Mais, cela n’était pas prescrit dans les mœurs, us et coutumes de la communauté comme un fardeau social. C’était purement à but humanitaire et social ou en guise de solidarité agissante. Donc, ce n’était ni une obligation ni un devoir à but lucratif.
Cependant, de nos jours, c’est tout à fait le contraire. À notre époque, force est de constater que le phénomène est sorti de son cadre originel et est allé loin de son contexte initial et prescrit par la Religion. Ce, pour se répercuter de façon plus nocive sur l’avenir des enfants en particulier et la société même en général.
Se faufilant entre les véhicules ou au bord des routes à longueur de la journée, la plupart des enfants sont devenus des véritables SDF (Sans Domicile Fixe). Devenus des enfants de la rue, ils dorment sur les places publiques. D’où certains d’entre eux finissent par se livrer à la délinquance juvénile, à la consommation des stupéfiants, au banditisme, etc. «Mon père m’a envoyé chez notre maître pour apprendre le coran et la pratique de l’Islam. Mais, notre maître n’a pas des moyens pour assurer notre charge. C’est pourquoi il nous envoie chercher de quoi vivre pour nous-mêmes et de l’argent pour lui en guise de frais de scolarisation ou de l’apprentissage», nous a révélé un jeune mendiant avant de dire qu’ils sont obligés de rentrer tous les jours avec quelque chose. Cela, quelque soit la valeur ou le montant en espèce.
Une situation déplorable, voire inquiétante, face à laquelle la société doit se mobiliser pour garantir l’avenir de ces enfants. Les ONG, les plus hautes autorités nationales, les partenaires spécialisés et les personnes de bonne volonté sont tous interpellés afin de remettre ces enfants dans leurs droits en améliorant leurs conditions de vie et règlementant aussi leurs conditions d’apprentissage. « Il est vraiment temps que les autorités prennent des mesures rigoureuses contre les parents qui exposent leurs enfants à ces risques pour une espèce d’apprentissage qui n’est plus à son cadre normal. Ces enfants sont exposés à tous les dangers. C’est l’avenir du pays même qui est menacé », nous a confié un motocycle à Djélibougou dans la Commune I du District de Bamako.
Avant, la mendicité n’était pas comme ça encore moins ce que la Religion musulmane l’avait édictée. Mais, maintenant, elle est devenue non seulement commerciale, mais aussi une porte drainant facilement les enfants sur le chemin du banditisme. De grands gaillards en parfaite santé au lieu d’aller travailler se permettent de quémander durant toute leur vie. C’est même devenu pour eux une profession.
Pour une solution durable, les autorités en charge de l’action sociale, les autorités coutumières et religieuses doivent se donner la main pour créer des créneaux et des structures appropriés. Il faudra multiplier aussi les campagnes d’information, d’éducation et de sensibilisation afin que ce phénomène qui constitue un réel danger pour l’avenir de la jeunesse arrive à faire objet d’une correction idoine.
Marie Claire Dakono, Stagiaire : LE COMBAT