Dans une ancienne audio datant du règne du Président ATT, l’actuel Chef de l’État, Ibrahim Boubacar Kéïta, s’en prenait ouvertement au régime en place à l’époque. Bizarrement, c’est cette vidéo qui circule actuellement sur les réseaux sociaux: «Notre pays est dans une passe d’extrêmement grave. Sa sécurité, sa souveraineté sont sous menace. Ce Régime est incapable de résoudre le problème du Nord, il est incompétent ». Tels étaient les propos haineux, frisant le ridicule d’IBK sur cette vidéo. Ironie du sort. Le Mali vit aujourd’hui sous le Régime de la même personne, de ce même IBK. Cela, au pire moment de son Histoire sur tous les plans.
Entre ce qu’il pensait de la fonction suprême étant au bas de la colline de Koulouba et la réalité de l’exercice du pouvoir, la situation est toute autre chose. Il ne se passe pas un seul jour, ces derniers temps, sans que le front social ne connaisse un préavis de grève, une grève ou un mouvement de protestation populaire du genre meeting, sit-in, marche, voire une grève de faim. D’un secteur à un autre, le mécontentement et le désarroi se font sentir avec force et mettent plusieurs services publics en état de veille. Le Gouvernement passe plus de temps à tenter de désamorcer une situation qu’il a lui-même créée, plutôt que de s’occuper réellement des préoccupations du Peuple. Au cœur des revendications, on retrouve l’amélioration de leurs conditions sociales professionnelles à travers le respect de certains engagements du Gouvernement et la lutte contre l’insécurité. Et, ce, à travers, des scènes désolantes, où les services publics, les Religieux, la société civile et les regroupements politiques en quête de sécurité, d’une gestion transparente et de liberté, défrayent la chronique chaque jour à juste titre. Aujourd’hui, à tous les niveaux, la confiance est brisée entre le Gouvernement et les Syndicats, les Politiques, les Religieux. Les clans du Président de la République et du Premier Ministre se partagent les maigres ressources du Mali. Pendant ce temps, les fils des pauvres croupissent sous le poids de la cherté de vie et meurent dans une indifférence totale et plus grave, une bonne partie du pays est abandonnée par l’État. IBK a non seulement montré ses limites, mais les a atteint au sens large du mot. Il s’est vite rendu à l’évidence de l’énorme fossé qu’il feignait voir, comme la mauvaise gouvernance, la situation sécuritaire exécrable, la crise financière entre autres. Pourtant, l’Homme avait toutes les cartes en main pour réussir sa mission. Ayant été plébiscité par une large majorité de ses concitoyens, ceux-ci voyaient en lui presque le messie, avec, à l’esprit, certainement l’image du IBK, Premier Ministre rigoureux et sauveur sous Alpha Omar Konaré. Mais, très vite, après son accession au pouvoir, il n’ y a plus de rayon d’espoir, et le doute plane avant de faire place au désespoir.
En effet, les Maliens ont découvert dans les premiers signes évidents de l’incapacité d’IBK, une rupture totale entre son discours électoraliste et la réalité du pouvoir. À Bamako, l’insécurité a atteint les cimes. Matin, midi et soir, les populations sont agressées, braquées, dépossédées de leurs biens au pire des cas assassinés. Aujourd’hui, plus que jamais, le quotidien et le devenir du Malien sont compromis. Les plus optimistes des Maliens n’entrevoient aucune raison d’espérer en l’avenir. Jamais, depuis l’Indépendance, la famille d’un Président n’avait joué un rôle aussi prépondérant dans les affaires publiques, en si peu de temps. Le constat est aberrant. D’un “État fort” sous le régime socialiste du Président Modibo Kéïta, le Mali est passé malheureusement à un “État en faillite totale” avec Ibrahim Boubacar Kéïta. Certes, le pays dispose encore d’institutions caractéristiques d’une démocratie, c’est-à-dire un Président de la République élu aux suffrages universels, une Assemblée Nationale où siègent des Représentants élus du Peuple, des conseillers municipaux élus, une justice officiellement indépendante, une presse libre et plurielle, une multitude de partis politiques, une société civile active, mais on peut se demander combien sont les Maliens qui croient encore en l’avenir de leur pays. Étant donné que leur propre sort dépend d’abord et avant tout de ces institutions dont l’existence constitue, malgré tout ce que l’on peut penser de leur efficience, une source légitime de fierté.
Mahamadou YATTARA : LE COMBAT