Le présent article cherche à répondre à une question toute simple, quand on s’imagine que, lorsqu’on dévalue le FF, le FCFA se trouve être de fait dévalué, alors que le FCFA peut encore être dévalué par rapport au FF donc sans toucher au FF.
Quand on sait que le FCFA n’a aucune existence en dehors du FF, l’article examine la situation de double peine qui se trouve être infligée aux populations africaines utilisatrices du FCFA et cherche à savoir, parmi les deux types de dévaluation envisagés pour le FCFA, lequel devrait donc correspondre à la bonne dévaluation, et à quoi correspondrait l’autre dévaluation du FCFA, c’est-à-dire celle qui n’est pas la bonne dévaluation ?
II. Les faits
2.1. Le Franc français (FF), une monnaie faible et fragile sur les marchés
Au début des années 1980, le franc français connaît trois dévaluations, reflétant des préoccupations internes à l’économie française, en ce qui concerne l’inflation interne, la perte de compétitivité et la lutte contre la fuite des capitaux. C’est ainsi que le FF a subi successivement les dévaluations suivantes :
• En octobre 1981 de 3 % ;
• En juin 1982 de 5,75 % ;
• Puis en mars 1983 de 2,25 %.
Ainsi, globalement, le franc français, même s’il se stabilise sur les marchés des changes, en attendant d’être à nouveau dévalué de 3 % le 6 avril 1986, est apparu comme une monnaie plutôt faible.
À partir du 1er janvier 1999 le franc est remplacé par l’euro dans le cadre des transactions bancaires (finance, cartes bancaires et chéquiers) puis, le 1er janvier 2002, les pièces et billets libellés en franc sont remplacés par leurs équivalents en euro au taux de conversion fixé à : 6,559 57 FRF = 1 euro.
Il convient de noter qu’il est effectivement question ici de taux de conversion et non de parité ou de taux de change entre l’euro et le FF qui gardent le même type de relation qu’entre le FF et le FCFA depuis toujours.
2.2. Les répercussions de la dévaluation du FF sur le FCFA
a) Les Illusions de monnaie faible ou de monnaie forte
Au plan des déclarations émotionnelles et de circonstances, personne n’avait jamais entendu parler de l’arrimage d’un FCFA à un franc français faible et fragile sur les marchés qui favoriserait l’économie des pays utilisateurs du FCFA.
Cependant, après la dévaluation de cette monnaie en 1994 et le remplacement du FF par l’euro, constitué au départ comme un panier de devises européennes, la déclaration de monnaie forte apparait dans un langage, désormais coutumier, de ces mêmes économistes spécialistes du FCFA, et selon lesquels, l’euro étant une monnaie forte, et l’économie des pays africains, une économie faible, alors l’arrimage du FCFA à l’euro constitue un frein à l’émergence économique de ces pays utilisateurs du FCFA.
1 _Par conséquent, proposeraient-ils un décrochage du FCFA de l’euro, ou encore la dévaluation du FCFA, pour rendre cette monnaie compatible avec le niveau de développement des pays, ce qui laisserait apparaître pour argent comptant l’histoire d’un dérochage qui n’aura historiquement jamais eu lieu, tout en laissant envisager une conclusion, somme toute arrêtée d’avance, consistant à dévaluer le FCFA.
Ce faisant, pour avoir préparé des esprits déjà conditionnés par cette somme de tautologie, l’idée de dévaluation du FCFA apparaitra alors comme un choix volontaire et courageux de la part de responsables africains, visiblement restés jusqu’ici dubitatifs à accepter de porter un tel honneur, si s’en était vraiment un.
b) La dévaluation du Franc entrainant celle du FCFA
Nous savons qu’avec la relation fixant le FF à 50 FCFA, il est immédiat que si le FF est dévalué, alors le FCFA se trouve mécaniquement dévalué du même taux. Ainsi, toutes les quatre dévaluations du FF de 1981 à 1986 ont été systématiquement appliquées d’office au FCFA.
Cependant, l’histoire nous apprend que la dévaluation du franc en 1948 n’aura pas été appliquée au FCFA, ce qui permet de comprendre que rien n’obligerait en réalité les populations africaines à être exposées aux effets néfastes de la dévaluation du franc.
En effet, en 1948, la dévaluation du franc n’a pas été appliquée au FCFA, qui a été porté de 1,7 franc à 2 francs, permettant ainsi de protéger le pouvoir d’achat des colons installés en Afrique. A cet effet, l’Etat français qui accordait aux colons un bonus de 70 % pour tout franc apporté à la métropole, a porté ce bonus à 100% lors après la dévaluation du franc de 1948, faisant donc du FCFA le double du franc.
Vous comprenez ici, le rôle de décompte des valeurs en France, qui est assuré par le franc, l’unité de valeur, et le rôle d’instrument de mesure effectuée dans les colonies au moyen du FCFA, désormais défini comme étant le double du franc. Le nouveau taux de conversion du FCFA en franc permettait ainsi à la France, d’assurer la protection de ses intérêts coloniaux dans les colonies, une protection qui ne devrait pas faiblir avec les indépendances dans les pays issus de ces colonies.
C’est pourquoi, si par expérience, rien n’obligeait à répercuter sur le FCFA les dévaluations du franc français, la perpétuation de la protection des intérêts coloniaux justifie à elle seule cette situation, ainsi que nous allons l’examiner ci-après.
c) Répercution systématique de la dévaluation du FF sur le FCFA
La répercution systématique de la dévaluation du Franc sur le FCFA va être d’autant plus facilement acceptée qu’elle semblerait découler la relation entre le Franc français et le FCFA avec 1 FF= 50 FCFA, qui montre que la variation relative du FF et celle du FCFA sont les mêmes, ce qui maintiendrait de force les pays issus des colonies dans un effort d’assainissement de l’économie française.
Malheureusement, en tenant compte du fait que ces pays africains étaient tenus de transférer plus de 65% de leurs devises à la France en échange des francs, une monnaie faible et soumise à des dévaluations répétées, alors ces pays se sont trouvés exposés de plein fouet à une déperdition financière brutale consécutive à la dévaluation du franc qui représente pour la France, une grande plus-value du fait d’une revalorisation des devises déposées par les pays africains en termes de francs. Il s’ensuit, comme si ces pays africains étaient tenus de nourrir des poules qu’ils ont mises à la disposition de la France qui en hérite en même temps des œufs.
2_D’où la situation de double peine pour les populations africaines qui perdent des ressources importantes lorsque la France dévalue son franc, une déperdition financière qui vient encore s’ajouter à celle consécutive à la dévaluation du FCFA, ainsi que nous examinerons cet aspect ci-après.
Suite…
Dr Lamine KEITA