Dans un collectif intitulé Le Processus démocratique malien de 1960 à nos jours, publié par les Éditions Donniya, sous les auspices du CERDES (Centre d’Études et de Recherche pour la Démocratie Économique et Social) on peut lire : « « En fait, à Tamanrasset, le régime aux abois du général Moussa Traoré ne disposait pas d’un projet structuré et viable de démocratisation des collectivités locales ». (Op. cit. page 110). Le texte ci-dessous est celui du discours de clôture du Séminaire sur la Planification décentralisée qui s’est tenu à Gao en février 1987. Il permet de se faire une idée sur les grandes lignes du projet de décentralisation tel que conçu par l’UDPM. Nous vous en livrons la seconde partie. Les mots introductifs sont de L’Essor. Quotidien du 4 mars 1987.
Le Chef de l’État, le Général Moussa Traoré a présidé, samedi 28 février, à l’Assemblée régionale de Gao, la clôture du séminaire sur la planification décentralisée. Ce séminaire qui a regroupé les Gouverneurs de région ainsi que certains responsables administratifs et politiques et des techniciens nationaux et régionaux, s’est déroulé dans la cité des Askia.
Selon le ministre du Plan, Ousmane Diallo, la rencontre constitue une étape décisive dans le processus de la décentralisation planifiée. Parce que ces résultats définissent la constitution, l’affectation et la gestion d’un fonds de développement régional et local destiné à financer des projets et programmes d’initiative de base.
Dans son discours de clôture, le Président de la République, le Général Moussa Traoré s’est d’abord réjoui de l’opportunité ainsi offerte de discuter directement avec les cadres de terrain avant de souligner que la technique de participation responsable des populations à leur propre développement mise au point par les séminaristes constituera la principale innovation de notre prochain plan de développement économique et social . Le Chef de l’Etat a poursuivi :
Un autre principe qui sous-tend notre future Charte nationale a trouvé une place de choix parmi vos pertinentes recommandations : il s’agit de la notion de « contrat social », notion similaire à celle de « contrat de performance » ou de « contrat plan »introduite à l’occasion de la réforme du secteur de l’État.
En effet la décision d’un conseil relative à un programme de développement local peut être analysée comme un engagement de la collectivité vis-à-vis de l’Etat.
Cet engagement ne peut être valable que s’il est pris librement et volontairement et s’il est pris de manière responsable par les populations au sein des organes mis en place à cet effet.
Ce nouvel environnement institutionnel aura aussi le mérite d’éviter que le volontariat des populations soit étouffé par la mise à leur charge, de manière explicite ou de manière implicite, d’actions qui sont la responsabilité de l’État, de fonctions qui ne leur ont pas été transférées, d’actions qui dépassent leur cadre de vie immédiat, d’actions qui ne sont pas d’intérêt local.
L’expérience que les populations pourront ainsi acquérir au niveau du défi du développement local, les rendra sans doute plus sensibles aux problèmes et contraintes du développement national. Par les collectivités qui compteront plus sur leurs propres forces et non pas d’abord sur celles de l’État, c’est le Mali entier qui comptera d’abord et en premier lieu sur ses propres efforts.
Par ailleurs, cette procédure contractuelle autour d’un programme de développement local constituera un moyen approprié et un outil privilégié pour les autorités de tutelle.
Elle favorisera la sélection par les populations des actions et projets conformes à leurs intérêts et cohérents avec les objectifs du plan et les programmes des autres collectivités.
Elle constituera aussi pour les collectivités concernées un outil approprié de contrôle des autorités chargées de la mise en œuvre de ses décisions et surtout de la gestion de ses contributions.
Une saine approche pragmatique de cette politique de participation décentralisée et donc responsable vous a aussi conduits à définir des critères généraux permettant d’identifier les notions susceptibles d’être réalisées sans toutefois les enfermer dans des catégories académiques et limitées.
Vous avez par ailleurs, avec pertinence, tiré la leçon du passé, en suggérant une stratégie et un échéancier de mise en œuvre. En effet, ce n’est que six ans après l’adoption des textes que les conseils d’arrondissement, de cercle et les conseils de région sont en train d’être installés. Il est donc clair que cette étape de la réforme ne sera elle aussi jamais réalisée si nous n’intégrons pas dans notre stratégie le facteur temps. Il s’agit moins de fixer un calendrier précis, et donc rigide, que d’indiquer un échéancier des étapes qui doivent nous conduire de la situation actuelle à la situation voulue.
Enfin, vous avez su dépasser l’argument facile lié au manque de préparation des populations pour la gestion de leurs affaires, le risque d’improvisation et le caractère prématuré de la réforme ; c’est là faire peu de cas de la maturité des populations.
Mais aussi, la meilleure école pour la gestion des collectivités territoriales ne réside-t-elle pas dans l’octroi de pouvoir de décision dans les matières bien précises ? On n’apprend pas à prendre des décisions responsables sans octroi du pouvoir de décision. Il ne faut donc pas attendre, il faut faire confiance dans la capacité des populations.
Les populations maliennes, et celles que je viens de rencontrer l’ont encore prouvé, partout et toujours sont disponibles L’efficacité de leur pouvoir de mobilisation n’est jamais mise en doute, mais elles se posent parfois des questions sur l’efficacité des responsables politiques et administratifs.
Cette totale et dynamique disponibilité, qui doit également être la vôtre, sous-tend notre option pour la politique d’initiative de base. Elle explique aussi la sympathie dont les populations bénéficient auprès des amis de la Communauté Internationale, des pays et organismes internationaux, des organisations non gouvernementales et des collectivités liées aux nôtres dans le cadre de la coopération décentralisée. Tous ont trouvé un climat favorable pour un dialogue fécond avec nos populations organisées au sein de structures participatives.
Je voudrais à nouveau saisir cette occasion pour remercier tous les partenaires au développement avec une pensée particulière pour ceux qui partagent à l’intérieur du pays les dures conditions de vie des populations. Sans aucun doute, ils trouveront dans les résultats de vos travaux une motivation renouvelée.
L’occasion me paraît opportune pour faire une remarque relative au dernier recensement général de la population et de l’habitat qui aura lieu du 1er au 14 avril 1987 sur toute l’étendue du territoire national.
En examinant précisément la planification décentralisée, il me paraît tout à fait indiqué de situer dans ce cadre la haute portée de ce recensement démographique auquel le Parti et le Gouvernement accordent une attention toute particulière.
Nos plans de développement, pour atteindre leur objectif, c’est-à-dire l’amélioration du niveau et des conditions de vie de nos concitoyens doivent tenir compte du facteur population, des ses caractéristiques essentielles et de sa dynamique.
C’est dire le grand intérêt à accorder à la réussite de ce second recensement général de la population er de l’habitat, réussite qui exige de tous et de chacun, beaucoup d’engagement, beaucoup de sacrifice et un esprit de patriotisme à toute épreuve.
J’invite chacun de vous, Gouverneurs, Responsables politiques et Responsables administratifs, à toutes les dispositions utiles pour faire de cette opération de haute portée nationale un succès à la dimension de l’événement
Source : L’Essor. Quotidien du 4 mars 1987.