Nous nous apprêtons à revivre la fièvre des biennales artistiques culturelles. Votre hebdomadaire a choisi de contribuer à une meilleure connaissance de ce que furent ces deux manifestations à travers cet extrait du livre Le Mali sous Moussa Traoré, Editions La Sahélienne, Bamako, 2016,pages 139-141.
Dès notre accession à l’indépendance, le Mali a pris conscience de l’urgence et de la nécessité de réaffirmer son identité culturelle longtemps ternie par la nuit coloniale et de faire découvrir aux jeunes générations la richesse et la diversité de son patrimoine culturel.
Sous la première République, l’Union soudanaise RDA s’était fixée comme objectifs la consolidation de l’indépendance du pays et l’affirmation de son identité sur la scène internationale. Cette politique culturelle, idéologique et volontariste, était essentiellement basée sur la Semaine nationale de la Jeunesse, les formations artistiques nationales (l’Ensemble Instrumental National, la Troupe Folklorique et l’Orchestre National) et l’alphabétisation des adultes dans les quartiers et des jeunes dans les Centres d’animation rurales (CAR).
La deuxième République se caractérisera par la continuité quant aux objectifs essentiels et par l’organisation et l’administration du secteur de la culture. Pour l’UDPM, la culture a pour point de départ le peuple en tant que créateur de ses propres visions et transformateur de son milieu dans toute son extension. Elle est l’ensemble de l’outillage matériel et immatériel, œuvres et ouvrages d’art et de sciences, savoir faire, savoir être et faire savoir, mode de pensée, de comportement, attitudes accumulées de façon continue par le peuple.
La politique culturelle de l’UDPM puise sa force de son enracinement dans nos traditions et de sa volonté d’ouverture. Le programme de l’UDPM, adopté par le Congrès constitutif du parti tenu les 28, 29,30 et 31 Mars 1979 donne une orientation claire de cette vision qui sera réaffirmée dans la Charte d’Orientation nationale et de Conduite de la vie publique :
« L’utilisation de notre patrimoine culturel pour l’émancipation de notre peuple est en soi une lutte que nous sommes condamnés à mener si nous voulons exister en tant que peuple libre et souverain. Nous devons recenser ce qui constitue l’essentiel de notre culture, nos langues, nos folklores, nos anciennes coutumes, nos philosophies, nos religions, nos croyances… »
La culture est conçue comme un facteur d’unité, de cohésion et d’identité nationales. Elle est libératrice du peuple de toutes les forces d’aliénation et d’oppression. C’est une arme de combat, un instrument pour adapter le monde à nos besoins et à nos aspirations ou accomplir une nécessaire adaptation de notre être au monde. En tant que facteur décisif dans le développement économique et social, elle constitue le moyen privilégié pour rattraper notre retard technique donc économique.
Structure d’encadrement, le ministère de la Jeunesse, des sports, des Arts et de la Culture avait également une vocation d’orientation des activités culturelle, artistique et sportive. En effet le département en charge de la culture s’occupait aussi de la jeunesse et des sports.
Au sein du MJSAC, c’est la Direction nationale des Arts et de la Culture qui est l’organisme central chargé de la mise en œuvre de la politique culturelle définie par le gouvernement. C’est à elle que revient la tâche de promouvoir une culture vivante et authentique. A cet effet, elle a pour mission de stimuler la création artistique et littéraire, de protéger et sauvegarder le patrimoine culturel, d’assurer la diffusion et de rendre accessible au plus grand nombre l’héritage du passé, de former ceux qui auront la charge de cette diffusion… La Direction Nationale de l’Action Culturelle (DNAC) est un service central comprenant deux divisions : la division des Arts et Lettres et la division du Patrimoine culturel ainsi que des services rattachés : l’Institut des Sciences humaines, le Musée national du Mali, la Bibliothèque nationale du Mali, les Archives nationales, l’Institut national des Arts (INA), le Centre de Documentation et de Recherche Ahmed Baba (CEDRAB).
La DNAC a joué un rôle majeur dans l’organisation des biennales qui de 1970 à 1988, ont constitué l’un des volets importants de la politique culturelle du Mali.
« Nous devons en particulier développer constamment chez nos jeunes l’amour de la famille, l’amour de la patrie, le respect du bien public, l’attachement à nos valeurs, à notre culture, une formation civique. Dans ce processus permanent d’éducation de la jeunesse, la biennale constitue un moment privilégié permettant de prendre la mesure de la mobilisation, de l’engagement et de la maturité politique de la jeunesse, la mystique de l’unité : unité nationale à consolider, unité du continent à bâtir. La jeunesse doit contribuer au bonheur et à la prospérité du Mali et de l’Afrique. Quel peut être le rôle de l’art et de la culture dans cette tâche ? Ce que notre peuple a fait de plus grand, il le doit à son génie culturel. En ce siècle atroce où la vie même de l’humanité est menacée par les agressions et les aliénations de toutes sortes, seule la culture et c’est en cela que réside son éminente dignité seule la culture peut donner à l’homme, une chance de salut. La Biennale est une manifestation concrète de la solidarité nationale. »
Cet extrait du discours du Secrétaire Général de l’UDPM, Président de la République à la clôture de la 8è Biennale artistique et culturelle des jeunes du Mali, illustre l’importance de ce grand rassemblement. La Biennale est l’affaire de la nation tout entière. Elle apparaît comme un cadre privilégié d’éducation de la jeunesse, de manifestation de la solidarité et un moyen de consolider l’unité nationale. Elle permet aussi d’inventorier nos riches valeurs de civilisation, notre patrimoine culturel soumis à des pillages systématiques.
La Biennale est une véritable institution de sauvegarde et de promotion du patrimoine culturel. Elle a largement contribué à la cohésion nationale par un brassage effectif de la jeunesse de notre pays. Elle a contribué aussi à élever le niveau de conscience politique des jeunes. Sur le plan culturel, elle a permis de revaloriser les facettes multiples de notre culture nationale et de sauver de l’oubli des richesses qui constituent notre fond culturel commun.
« L’avènement de la biennale artistique et culturelle, reconnaît le ministère de la Culture en 2002, a donné aux régions une vie culturelle intense et contribué, sur le plan national, à une politique de construction des salles de spectacles et à l’émergence de nouveaux talents… »
En effet des artistes de renommée internationale ont fait leurs premiers pas sur les scènes de ce grand forum de notre jeunesse : Nahawa Doumbia, Diallou Damba, Oumou Sangaré, Haïra Harby, etc.
Diaoulen Karamoko Diarra LE SURSAUT