Chaque année la Fondation Passerelle-ECP Missabougou de Rokia Traoré commémore le Jazz. Cette année, cet événement est dédié au «Donso Ngoni», donc à la musique des braves et intrépides chasseurs. Baptisé «Fôly Dogôkun» (la semaine des rythmes ou des mélodies), ce festival va se tenir du 12 au 27 avril 2019 dans le jardon Kodon de l’ECP à Missabougou.
Le festival commence le vendredi 12 avril 2019 avec Checkna Sissoko dit Cheickna Tamani (19h45). Mais, la grande attraction de cette soirée sera sans doute Rokia Traoré qui va présenter au public son spectacle «Bamanan Djourou» à partir de 21h30. La star du Bélédougou sera aussi à l’affiche le vendredi 26 avril (21h 30) avec sa création «Dream Mandé Djata».
«Bamanan Djourou» et «Dream Mandé Djata» sont deux créations qui permettent à Rokia de tourner dans le monde où sa notoriété ne cesse grandir. Ce sont deux créations musicales inspirées du terroir national et qui sont bien accueillies un peu partout par les critiques et le public.
«La chanteuse malienne Rokia Traoré a ému avec son chant-récit de l’épopée, au XIIIe siècle, de l’empereur Soundiata. Occasion de revenir avec elle sur la transmission empêchée de l’histoire africaine», commentait ainsi l’Envoyée spéciale du quotidien français Libération au Festival d’Avignon (France) en 2016.
Pour concevoir «Dream Mandé Djata» (conçu et créé à Bamako), Rokia a préféré utiliser des travaux d’historiens mandingues peu exploités que des mythes de l’épopée. «Non seulement l’histoire de l’Afrique n’a pas été écrite par nous, mais ceux qui l’ont capturée n’ont rien fait pour la révéler. Les versions propagées sont celles qui arrangeaient les colons», a-t-elle déploré dans une interview accordée à la presse française.
«Rien n’a changé. L’Afrique reste ce territoire dont l’histoire se résume en une série d’expéditions pour qu’on nous impose un bien qu’on ne demandait pas : des vêtements, des langues (l’anglais et le français), l’écriture… Ce qu’il y avait avant se résume encore aujourd’hui pour la plupart au néant», avait-elle poursuivi.
En termes de respect, avait déploré la jeune star du showbiz mondial, «nos relations avec la France ne sont toujours pas équilibrées… Parler de l’Afrique qui ne serait pas encore entrée dans l’histoire, comme l’a fait dire Henri Guaino au président Sarkozy, revient à n’exprimer aucun regret de la colonisation, aucune connaissance du mal commis».
«Dream Mandé Djata» permet aussi à Rokia Traoré de relater encore l’histoire méconnue des femmes données aux colons pour assouvir leurs besoins sexuels et domestiques, pendant que madame légitime restait en métropole. «Les enfants de ces unions forcées, qui ont 70 ans aujourd’hui, étaient ensuite placés dans ce qu’on appelait un foyer de métis afin d’être élevés selon les normes européennes. Ce sont des vagues qui font encore trop mal pour être étudiées», dénonce-t-elle.
Quant au «Bamanan Djourou», c’est un spectacle de musique fondé sur des reprises de chants classiques Bambara et des adaptations de chansons françaises (Jacques Brel, Léo Ferré).
Cinq musiciens (Kora, ngoni, bolon et calebasse) et six chanteuses dirigés par Rokia Traoré participent au spectacle fait d’arrangements vocaux et instrumentaux, sur la base de mélodies traditionnelles dont, commente un critique, «l’ensemble du travail artistique s’écarte considérablement au bout du compte de la musique traditionnelle pour offrir des harmonies et des rythmes hors du commun».
«Dream Mandé Djata» et «Bamanan Djourou» sont des projets initiés par Rokia Traoré dans le cadre de sa Fondation Passerelle. Ainsi, depuis plus décennies, Rokia Traoré ne manque pas d’idées et d’initiatives pour revaloriser les traditions musicales maliennes.
Le festival «Fôly Dogôkun» sera aussi marqué par la prestation des artistes Koko Dembélé, Milmo, Fama Diabaté, Van Guitare, Fati Kouyaté, Sinaly Togola (Doson Foly)… et Kalajoula Band de Naïny Diabaté. Une affiche donc alléchante dans un cadre agréable pour savourer la musique notamment d’essence traditionnelle.
Il est aussi prévu (samedi 27 avril à 10h) une conférence-débat sur les Princes de la confrérie des Donso, «les chasseurs et gardiens de l’équilibre entre les hommes et la nature»
«Fôly Dogôkun» est donc un événement à ne pas manquer et surtout à vivre en famille, entre amis, entre collègues… Et cela pour que, ensemble, nous pussions célébrer la Culture !
Moussa Bolly LE MATIN