Le concert de Sidiki Diabaté, le fils de Toumani Diabaté, le vendredi dernier, fut une grosse désillusion pour ses quelques fans qui ont fait le déplacement. Il y a visiblement eu tromperie sur la marchandise.
A coup de publicités et d’annonces, le concert de Sidiki Diabaté du vendredi 24 février a été annoncée comme grandiose. Difficile d’en douter quand on sait qu’il a récemment fait le plein des salles à Dakar et à Niamey. Cerise sur le gâteau, les coqueluches de la musique sénégalaise, Wally Seck et guinéenne, Kandia Kora, étaient sur l’affiche.
Une affiche alléchante, donc. Mais, contrairement à ce que l’on pouvait imaginer, ce n’était pas la grande affluence le jour du concert. Les tickets au guichet s’écoulaient au compte goûte. Pour un concert qui devait débuter à 18 heures comme écrit sur l’affiche, il est 21h 30 et toujours rien. L’accès à la salle n’est pas encore autorisé. Dans la cour du palais des Sports, les «fans» dispersés un peu partout. Faute de places, certains s’installent sur les gazons, d’autres à même le sol, et certains encore ont préféré faire les 100 pas. «Sidiki est en train de faire la balance» servant les organisateurs aux spectateurs qui trépignent d’impatience. Il faut attendre les coups de 22 heures pour voir, Sidiki sortir de la salle. Il s’engouffre dans sa voiture lance quelques jurons à l’endroit de ses copains avant de disparaitre dans un bruit de moteur assourdissant. L’entrée peut commencer. Que non ! Il faut attendre plus d’une trentaine de minutes plus tard pour voir les organisateurs se décider à ouvrir la salle. Las d’attendre, les pieds tenant à peine, les «fans» se ruent vers l’entrée. La bousculade s’installe entre ce petit monde, l’amateurisme de l’organisation est mis à nue. Elle peine à contenir et à ordonner les quelques centaines de personnes. Il aura fallu l’appui de certaines personnes au sein du groupe pour aider à décanter la situation.
Faible taux de mobilisation
L’affiche avait tout pour attirer le maximum de personnes. La qualité et le succès des artistes devant se produire n’étant plus à démontrer. Sidiki Diabaté a l’habitude de faire salle comble au Mali et ailleurs. Wally Seck, le chouchou des minettes sénégalaises déborde le «penc Mi» la discothèque de son père Thione Seck à chaque fois qu’il s’y produit. Le grand théâtre de Dakar, la salle Daniel Sorano ne sont plus des défis pour lui. Il s’est même produit à Bercy, à Paris. Dans la même veine, Kandia Kora de la Guinée fait des merveilles en Guinée et au-delà. Avec de telles têtes d’affiches, impossible de ne pas faire guichet fermer. Et pourtant à la surprise de tous, d’après ceux qui ont effectué le déplacement, il y avait peu d’engouement. Les tickets cédés entre 3000 et 10.000 francs CFA se vendaient à compte goûte. Comment expliquer cette faible mobilisation pour une telle affiche et surtout un vendredi, début de week-end. Chacun y va de son commentaire. Taillant bavette autour de la faible mobilisation, Oumou et ses deux autres camarades tentent de trouver une réponse. Selon Oumou, c’est certainement à cause du spectacle qu’il a donné dans une boîte de la place, le 14 février dernier, fête de la St Valentin. Il n’est pas évident, selon elle qu’en moins de 10 jours, les «fans» fassent le déplacement pour le concert du même artiste. Entre deux bouffées de cigarettes, Issa pense que la faible mobilisation est due au fait qu’il n’y a pas eu assez de communication autour de l’évènement. Venu accompagner ses nièces, Moussa a lui une toute autre version pour expliquer ce «fiasco». «Il n’évolue pas dans ce qu’il fait. Ses chansons se suivent et se ressemblent. On a l’impression qu’il chante toujours la même chose. Pour l’avoir vu sur scène, il est nul en live. Les gens commencent à s’apercevoir de ses limites et ils ne sont pas prêts à payer pour voir de la médiocrité». La sentence est sévère, mais, c’est la même pour beaucoup d’autres personnes pour expliquer le manque d’engouement.
La longue attente
Une fois dans la salle, les «fans» pensaient leur calvaire terminé. Que non. Pendant plus de 2 heures d’horloge, ils seront assis attendant un hypothétique signe de début du concert. Mais, rien en vue, à part le passage en boucle des musiques nigérianes et ivoiriennes. A 01 heures 57 minutes, le public manifeste véhément son impatience et menace même de quitter la salle en scandant «An bé ta soo» ! «An bé ta soo» ! «an bé ta soo » (ndlr : on rentre à la maison !). Pour mon voisin immédiat, s’il est au concert, c’est à cause de Wally Seck, sinon, si ça ne tenait qu’à Sidiki, il serait rentré depuis longtemps à la maison. D’ailleurs, à 02 heures du matin, beaucoup ont commencé à quitter la salle. Sentant la mauvaise tournure des choses, l’animateur Karou Kaba et Petit Guimba s’inviteront sur le podium pour essayer de contenir la foule en organisant des …concours de danses dignes d’un «balani show». Cela n’a pas empêché la salle de continuer à se vider.
Entre temps, le public continue toujours à réclamer les artistes. Il est 02 heures 30 quand, enfin, les musiciens prennent place. Place au show de Balla Diabaté, jeune frère et beat maker de Sidiki Diabaté.
En trente minutes, il a fini d’épuiser le répertoire de Sidiki en piano. Restés longtemps à l’ombre de son frère Sidiki, celui qui, grâce à ses beats (sonorités) place son frère sur le podium des hits parades, a soif de reconnaissances et ne se fait prier pour se mettre en lumière. La grande joie sur son visage à chaque acclamation du public, trahissait cette soif du «vedettariat». Cette prestation va se poursuivre jusqu’à l’apparition éclaire du Rappeur «Memo All Star» et l’arrivée, enfin, de Sidiki Diabaté à 03 heures du matin.
Sidiki hué, Wally Seck réclamé par le public
Comme en terrain conquis, sans même des excuses préalables, Sidiki a entamé ses chansons. Espérant sur des acclamations, il s’est buté au silence désapprobateur du Public. Il a dû alors se résoudre à présenter ses excuses. Et quelles excuses ? Le dédain chez lui a fini d’exaspérer le dernier de ses fans. Rabâchant ses mêmes rengaines dans un live mal maîtrisé, il est stoppé net en pleine prestation par le Grand Public qui réclamait Wally Seck. Vexé et mal à l’aise vis-à-vis de ce comportement nouveau pour lui, il s’est résolu à faire appel à son invité Wally Seck. L’entrée de ce dernier sur la scène a déchainé les foules. Les filles, plus nombreuses, étaient pour la plupart en transe.
Dans un style propre à lui, le fils de Thione Seck a fait lever toute la salle comme un seul Homme. Le son endiablé du «sabar» mêlé à la belle voix de M’Bouillé Kouyaté ont fini de combler le public qui avait un peu augmenté entre temps. La montée sur scène de Kandia Kora de Guinée était tout simplement magique.
Sidiki s’incruste
Sur scène, ils étaient quatre : Sidiki Diabaté, M’Bouillé Kouyaté, Wally Seck et Kandia Kora. A l’exception de Sidiki, la prestation de tous ces artistes comblait le public. Malgré le changement de look, Sidiki ne parvenait pas à convaincre. La frustration chez lui était perceptible. Voir ses invités lui ravir la vedette devant «son» public n’était pas de son goût. Il ne tardera pas à le faire sentir.
En plus d’être bon chanteur, maîtrisant les codes du live, Wally Seck est un bon danseur. En pleine démonstration de ses qualités de danseur devant un public conquis, il fut coupé net par Sidiki qui demandait aux musiciens de «doser» ; autrement dit de baisser le rythme pour ne pas dire de couper. Une scène qui a fait réagir la salle. A son tour, il essayait d’esquisser de façon approximative des pas de danses mal agencés. Pire, il s’arrangeait toujours à couper la prestation de ses invités en improvisant des discours mal à propos. Il a fallu que Wally Seck l’interpelle : «Sidiki chantons pour notre public». Face à la sourde oreille du fils de Toumani, il reprenait «chantons» sous forme de refrains. Mais c’était sans compter sur l’insistance de celui qui se croyait être trahi par «son» public.
Sachant sa côte de popularité en deçà de celle de ses invités, il s’est arrangé à pourrir le reste du concert. Après, le concert du vendredi, ils ont été nombreux à la sortie à jurer, la main sur le cœur, qu’ils ne vont plus jamais se faire insulter par celui qui se croit être une «Star incontournable». Le phénomène Sidiki bientôt conjugué au passé ? S’il ne veut que cela n’arrive plus tôt que prévu, il a tout intérêt à changer de comportements en commençant par respecter ses «fans», à apprendre à faire du live, à arrêter de discourir et à chanter et, enfin, à arrêter de croire qu’il sort tout droit de la cuisse de Jupiter.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT