Le bout du tunnel est encore assez long pour les nouvelles autorités du pays si telle est l’ambition de construire un Mali-Kura. Tant que des pratiques aux antipodes de toute orthodoxie sont ancrées dans les entrailles de l’État malien, il serait difficile, voire impossible, d’y parvenir. Pour cause, le Directeur Général de l’Office malien de l’Habitat (OMH), un proche de Karim Kéita appelé expressément du pays de Houphouët Boigny pour venir occuper ce poste en plein apogée de « Ma famille d’abord », passe un marché de plus de 1 milliard 400 millions de FCFA de gré à gré au grand boss de l’Entreprise CIRA. Celui-là même qui nourrit désormais l’ambition de devenir Président de la République du Mali, et pour des travaux partiellement exécutés. C’est seulement au Mali qu’on voit des pratiques de ce genre.
Pour la petite histoire, il s’agit du marché relatif aux travaux dits de raccordement et de peinture des logements sociaux de N’Tabacoro, passé en septembre 2019 à l’entreprise CIRA-IMMO pour un montant de 1.549.521.894 FCFA TTC. Le marché en question était conclu pour être exécuté dans un délai d’un mois. Pourtant, la réception provisoire n’a eu lieu qu’en avril 2020 et le montant a été versé à CIRA-IMMO en juillet 2020. Ce sont les détails suivants qui surprennent, du moins incompréhensibles pour le commun. Revenons aux travaux en question. En fait, de raccordement et de peinture des 3360 logements sociaux à N’Tabacoro, l’entreprise CIRA-IMMO n’a fait que peindre 30 logements, et cela à la veille d’une visite ministérielle, une action visant à flouer le ministre et sa délégation alors et depuis, plus rien n’est fait.
Le plus grand arnaqueur de tous les temps, Bernard Madoff n’aurait pu faire mieux : plus d’1 milliard 400 millions de FCFA pour quelques couches de peinture sur seulement 30 logements sociaux ? Il faut vraiment être fort comme le DG de l’OMH et le patron de l’entreprise CIRA, Seydou Mamadou Coulibaly, pour réussir un tel coup ! Si tel est le cas, et que ce marché a été conclu payé sans exécution des taches, on pourrait donc s’imaginer à une entreprise-écran dont l’agenda est bien ailleurs que ce que l’on voit dans les papiers. Cela pose problème sur la crédibilité même de CIRA-IMMO, car dans un État normal, cette entreprise ne peut exister puisqu’elle est une succursale de l’entreprise CIRA qui est un bureau d’Étude et de Contrôle. En effet, il est connu de tous qu’on ne peut nulle part au monde être juge et partie à la fois.
Vous vous souvenez certainement qu’à l’époque, le DG de l’OMH avait été à plusieurs reprises critiqué dans les médias pour non-paiement à l’EDM-sa du montant destiné à l’électrification des 3.743 logements sociaux de N’Tabacoro et de Kati, et aussi pour la passation d’un marché de gré à gré à l’entreprise CIRA. Les bénéficiaires des logements sociaux en question ont dû attendre des mois sans être en mesure de jouir de leur droit à cause de l’incapacité du DG à régler les problèmes d’eau et l’électricité que sa structure devrait prendre en main à l’avance avec la SOMAGEP et l’EDM-SA.
Et comme pour brouiller les pistes dans ce qu’on appellerait “complicité mafieuse’’ avec l’entreprise CIRA, ces futés de la République ont continué à piller les ressources de l’État en procédant au changement de nom de la société CIRA-IMMO en C-IMMO.
De certaines indiscrétions, le DG de l’OMH continuerait encore avec les mêmes pratiques en faveur de l’entreprise CIRA. Le grand patron de cette boite, qui a réussi à se constituer un trésor de guerre colossal sous le règne d’IBK avec l’onction certainement du père et du fils, et continue de bénéficier des marchés, voit désormais grand, puisqu’il veut être le nouveau Président de la République. Mais, si de telles pratiques ne sont pas élucidées pour innocenter son entreprise, comment pourrait-il convaincre le peuple à l’offrir le visa pour la magistrature suprême ?
Si cela venait à être réalisé sans que l’affaire de ce marché ne soit clarifiée afin d’innocenter CIRA, il faut dire que c’est fini pour le Mali. Imaginer un peu, quelqu’un qui serait déjà habitué à piller les maigres ressources du pays devient Président de la République, le Mali s’appellera sans doute « Zôn-bougou »!
En tout cas, les plus hautes autorités du pays sont donc interpellées. Elles se doivent d’arrêter la saignée au niveau de l’Office malien de l’Habitat, et de façon générale au niveau de l’Administration et de tous les services et projets étatiques du Mali ! C’est à ce prix que se fera le Mali-Kura, tout le reste n’est que chimère !
Bourama Kéïta LE COMBAT