Les élections législatives du 29 mars et du 19 avril 2020, premier et deuxième tours, n’ont pas seulement révélé la fragilité de nos partis politiques. Elles ont surtout prouvé que les fraudes et autres tricheries électorales sont bien vissées au cœur même de tout notre système démocratique.
Les tares mortelles avaient déjà été mises en évidence dès le premier tour. Avec le second round, elles ont pris l’ascenseur au point de provoquer le vertige chez des acteurs qui se tenaient pourtant dans une cordiale connivence. Les frontières entre les partis politiques ont été certes bannies, donnant lieu à des alliances contre nature impensables sous tous les cieux, sauf au Mali. Majorité et opposition sont devenues fictives à ce point que sur nombre de listes de candidatures se sont retrouvés en communion des prétendants de l’un et l’autre camp. Bref, il n’y a plus, dans ces conditions troublantes et désorientantes ni de différences programmatiques ni d’idéologie qui permettent un classement réel des formations politiques. La création des partis politiques, près de 150 qui se disputent l’échiquier national, obéit plutôt à d’autres ambitions qui ne font pas bon ménage avec l’intérêt public.
Dans cette dérive politique, à la renverse permanente peut-on dire, beaucoup croyaient, peut-être naïvement, que si tous sont désormais amis, certains sont bons frères contre tous. Ce denier cas concerne les partis qui se réclament de la mouvance présidentielle. Mais voilà, le deuxième tour des législatives a montré des brèches dans la forte muraille, failles par lesquelles passeront désormais non seulement des margouillats nargueurs, mais aussi elles seront, surtout, des orifices que les très fâchés de la fratrie pourraient creuser davantage et pousser l’édifice à son affaissement brutal. Les menaces d’implosion de la majorité sont en tout cas désormais prégnantes.
Lorsque l’on recommande la vigilance citoyenne à l’issue d’une élection, c’est ni plus ni moins appeler les citoyens à se méfier des résultats proclamés par les autorités de gestion du processus électoral, mais c’est surtout préparer le peuple à la contestation jusqu’au bout. C’est ce qu’a fait Tiéman Hubert Coulibaly, président de l’UDD, dans un post sur les réseaux sociaux en appelant à la « Vigilance obligatoire dans le cercle de Mopti où des résultats fabriqués arrivent ».
L’UDD est une des plus grandes formations politiques qui font l’ossature de la mouvance présidentielle. Pour cette raison sûrement, son président, Tiéman Hubert Coulibaly, a été plusieurs fois ministre. Or, il pointe aujourd’hui du doigt, avec force, des résultats fabriqués. Entre autres, il cite le cas de Dialloubé où les bureaux n’ont fonctionné que pendant deux heures et « ils disent (le pouvoir) que près de 10.000 électeurs ont voté ». À Koubaye et Ouromody où personne n’a voté, toujours selon Tiéman Hubert Coulibaly, des urnes ont été bourrées et acheminées vers un préfet afin qu’il procède à la manipulation nécessaire. Tiéman Hubert Coulibaly a encore plus sur le coeur pour ne pas décolérer. En effet, il estime que « de la même manière dans le cercle de Tenenkoun où nous battons la liste RPM-URD, des résultats viennent d’être sortis à 13h30 concernant le village de Dioboye dans la commune de Sougoulé ». Or, signale-t-il, à la demande du préfet lui-même, un constat d’huissier et deux témoignages avaient établi depuis hier la non-ouverture des bureaux de vote et que personne n’y avait voté. Et, chose insolite, 200 voix fraîches ont été fournies au bénéfice des perdants, c’est-à-dire à Abderahmane Niang, le président de la Haute Cour de Justice, responsable Rpm, et son colistier de l’Urd. Alors, Tiéman Hubert Coulibaly interpelle : » Peuple du Mali… » La fronde citoyenne enregistrée à Mopti ce jeudi 23 avril, lui fonne bien raison.
De son côté, l’APR (Alliance Pour la République ), autre cheval de l’écurie de la mouvance présidentielle informe l’opinion nationale et internationale qu’elle a été lésée dans ses droits politiques, électoraux, juridiques et citoyens dans la circonscription de Gourma Rharous. Cette annonce, signée par son président, Oumar Ibrahim Touré, plusieurs fois ministre et confident, dit-on, du président de la République, précise que le parti en est amené à cette riposte en rompant avec sa réserve habituelle. Et suit le pointage de plusieurs manquements dont il a aussi souffert dans la région de Gao. La dénonciation continue sur « le banditisme électoral prémédité par une déclaration publique du Rpm, préparant la destruction du matériel électoral dans les localités favorables à son adversaire… »
Rien que pour les deux cas de l’UDD et de l’APR, on voit bien que la confiance est rompue au sein de la mouvance présidentielle et que des conflits fratricides risquent de saper ses fondements. Mais la politique a ses vérités ici qui n’ont cure de la Vérité.
Amadou B. Maïga