Dans une de nos parutions du novembre dernier, nous avions révélé brièvement une tension qui a failli tourner au drame entre le Président du CGS et un Directeur du premier cycle de l’école Torakabougou. Une dispute due à une question d’incompréhension interne qui a provoqué quelques jours de grèves observées par les enseignants des 17 communes rurales du Cercle de Bougouni. Donc, que s’est-il réellement passé ?
Dans nos grands services qu’ils soient formels ou informels, tout Président, tout Directeur ou tout autre personnel qui s’érige en donneur de bon exemple avec intégrité, loyauté ou sens élevé du professionnalisme, est souvent victime de ‘‘complotistes’’, de croc-en-jambe, de coups bas et autres actes d’intimidation souvent attentatoires à son image et à son honneur. Telle semble l’expérience que vient d’apprendre à ses dépens Monzon Samaké, le Président du Comité de Gestion (CGS) du 1ercycle de l’école primaire de Torakabougou de Bougouni, dans la Région de Sikasso. Ainsi, pour éclairer l’opinion publique sur ce sujet litigieux qui fait polémique sous tous les toits à Bougouni, notre équipe de reportage s’est rendue sur le terrain pour rencontrer en personne le président du CGS, jeudi 13 décembre dernier. Sans langue de bois, il nous a détaillé l’historique des faits.
En effet, la grande famille où se tenait la rencontre était traditionnellement indicatrice. À l’intérieur d’une case, c’est un dépôt de houes, de haches, de pilons, etc. Sur place, trône un vieillard à la barbe blanche visiblement préoccupé par son quotidien. Bref, on était dans une famille des forgerons.
Tout près, sous un manguier, il y a une quinzaine de personnes dont des Représentants des jeunes dudit quartier, des parents d’élèves, des notables et le Porte-parole du Chef de quartier ainsi que le Président du Comité de gestion et le Trésorier Général dudit Comité.
Les faits
La mission du CGS, selon le Président, est de créer et consolider le partenariat au service de l’école, préparer les rentrées scolaires, établir les bilans financiers, évaluer les besoins des enfants en fournitures et le Rapport annuel du Comité. «C’est ainsi, à travers une élection déroulée l’année dernière, précisément le 19 novembre 2017, que j’ai été désigné Président du Comité de Gestion de l’école de Torakabougou conformément à l’Arrêté n°040469/MEN-SG du 9 mars 2004. Cela a trouvé que l’équipe sortante avait déjà fait 6 ans. C’est ce changement de Bureau qui n’a pas été digéré par le Président sortant. Après les assises d’une Assemblée, je l’ai appelé pour lui dire que la succession ne doit pas être germe d’un désaccord. Et, je l’ai rassuré qu’il sera associé aux activités de mon Bureau. Le Comité de gestion dirige ici trois écoles : L’école A, l’école B et l’école C. Vu que les Directeurs de ces écoles avaient tous, fait les six ans avec l’ancienne équipe, mais n’ont pas pu comprendre que l’Administration est une continuité. Après l’élection de mon Bureau, ils se sont mis à dire qu’on n’aime pas cette nouvelle équipe. Moi, j’ai entendu ces propos haineux comme tous les autres membres de mon Bureau, mais je ne les ai pas considérés. C’est alors que j’étais à Bamako, le 11 décembre 2017 pour un enterrement, lorsque le Directeur de l’école C m’a appelé pour me dire qu’ils viennent juste de recevoir l’ordre de passation à leur test. Chose qui nécessite des dépenses. Pour ce faire, je lui ai dit de faire les dépenses sur le recouvrement de la coopérative. Et qu’après une Assemblée Générale sera organisée dès mon retour et, à l’occasion mon équipe décidera de l’aide à faire. Et dès que j’ai dit ça, il a subitement raccroché le téléphone. Et c’est à mon retour du voyage que je me suis rendu compte qu’il a fait comme il voulait. Il a relevé 15.000F sur chacune des trois écoles. Ainsi, j’ai convoqué une réunion extraordinaire pour que l’ensemble des composantes sachent de ce qui s’est bien passé, un fait qui est qualifiable d’indiscipline budgétaire. Ce jour-là, il y avait les membres du Bureau et les Directeurs. Et il a présenté des excuses devant toute l’Assemblée.
C’est ainsi que pour solutionner le mauvais système de recouvrement des cotisations en place et pour question de transparence qu’on a décidé à travers l’Assemblée Générale du samedi 29 septembre, nous avons décidé que le recouvrement soit fait désormais en tandem. Les Directeurs et le CGS doivent désormais avoir deux carnets de reçus avec les mêmes numéros, aussi bien pour le recrutement des élèves que pour le recouvrement des cotisations.
En calculant, selon les statistiques, le recouvrement des 1568 élèves, les trois écoles doivent faire 1.568.000 FCFA. À l’école A, avec un effectif de 715 élèves soit 745.000F de Budget prévisionnel, le Directeur n’a versé que 116.000 FCFA, la cotisation de 116 élèves soit 629.000 FCFA de manque à gagner.
À l’école B, avec un effectif de 593 élèves sur 595.000FCFA de Budget prévisionnel, le Directeur n’a versé qu’une somme de 248.000 FCFA qui n’est que la cotisation de 248 élèves soit 345.000 FCFA de manque à gagner.
Avec un Budget prévisionnel de 230.000 FCFA de 230 élèves de l’école C, le Directeur n’a versé que 150.000 FCFA soit 80.000 FCFA de manque à gagner. Ce qui fait au total un déficit budgétaire de 1.054.000 de nos francs. Et à la suite à notre demande de justification, ils nous ont dit que les souches des carnets de recouvrement sont perdues. Chose qui fait froid au dos. Mais, malgré tous ces déficits, mon Bureau a fait des rénovations possibles dans l’école : un compteur d’électrification, des matériels de travail à travers la documentation, les Directions ont été aussi ventilés», nous a expliqué le Président.
Les principales causes de la tension
Toujours selon le Président du CGS, c’est l’application de la nouvelle méthode de recouvrement qui ferme d’office tous les canaux d’extraction illégale qui n’a pas fait plaisir dans l’autre camp. «À la troisième journée du recouvrement au titre de cette année scolaire 2018-2019, puisqu’ils ont vu que toutes les portes pouvant aboutir à d’éventuels détournements sont fermées, le Directeur de l’école C est venu me voir pour me dire de parler avec mon Trésorier Général. Le jeudi 4 octobre 2018, il est encore revenu me proposer de leur remettre une partie des recettes et de bouffer le reste. Et ce là, je lui ai encore dit que tout argent n’est pas à bouffer. C’est cette réponse qui engendra alors la discorde totale entre nous. Ils ont ainsi commencé à bouder toutes nos activités en créant un front pour la sauvegarde de leurs intérêts sordides bâtis sur le dos des parents d’élèves.
Et c’est dans cette atmosphère de désaccord qu’après la cérémonie officielle d’ouverture des trois classes avec une nouvelle Direction construite par le projet PACOM, que le CGS a ainsi recruté un gardien afin qu’il veille sur les matériels et les locaux de l’établissement. Celui-ci dormait dans l’ancien Bureau du Directeur de l’école C qui a aussitôt déménagé dans la nouvelle Direction. Et puisqu’on avait un souci de siège, mon équipe a alors décidé de partager l’ancienne Direction dont l’une sévirait de lieu des rencontres du comité. Chose qui fit rentrer dans le programme. C’est le jour où le menuisier avait décidé de venir prendre les dimensions de la porte que la tension s’amplifia de nouveau. Le Directeur de l’école avec un air furieux tel un taureau est sorti de son Bureau pour exiger l’arrêt des travaux. Malgré mes explications sur le motif d’aménagement en cours, il a pris sa moto pour poursuivre le menuisier. Le lendemain, 9 octobre, lorsque l’ouvrier est revenu dans la cour avec les objets fabriqués pour travailler, le Directeur est sorti furieux, démesuré de son Bureau pour dire avec véhémence à l’ouvrier de retourner avec les matériels. Je lui ai dit de se calmer, d’essayer de comprendre les choses. Et comme j’étais assis, je me suis ainsi levé pour le mettre en garde d’éventuelles conséquences qui pourraient advenir de ses comportements lorsqu’il a tenté de m’agresser physiquement. Et c’est là qu’il a pris peur. Il a bouclé la porte avant de téléphoner le DCAP. Moi aussi, j’ai appelé le Chef du quartier. J’ai clairement expliqué le cas à l’émissaire du Chef de quartier. Et celui-là a ordonné à ce qu’on se rende tous chez le Chef du quartier afin de solutionner ce problème à l’amiable. Mais les Directeurs aussi bien que les Conseillers du DECAP ne sont pas venus, le Chef du quartier a, une deuxième fois, convoqué une deuxième rencontre le soir ; ils n’ont pas été présents. C’est après ce jour qu’ils ont déposé sur la table des autorités locales leur préavis de grève prétextant qu’ils ne peuvent plus travailler avec moi. Le Directeur de l’école C, lors de la déposition à la police, n’a pas pu justifier avec preuves que j’ai ordonné aux gens de le tuer. J’avais même les mains vides ce jour. Cette belle école où j’ai servi fièrement de 1995 à 2010 n’a jamais enregistré de pareils incidents. Et il n’est pas encore tard pour bien faire si toutefois les plus hautes autorités prenaient leurs responsabilités», a-t-il conclu.
Un adage bambara dit que : «Celui qui a la culotte trouée doit éviter de monter sur un arbre». Donc, cela semble ne jamais prendre corps qu’avec le sort des Directeurs de l’école A, B et C de Torakabougou de Bougouni suite à la décision prise par le collectif des parents d’élèves de ladite école.
En effet, dans une lettre signée par les mandatés des parents d’élèves et la jeunesse du quartier, le collectif exige au Maire de la Commune urbaine de Bougouni de prendre toutes les dispositions pour entre autres: -la restitution des souches de reçus;
-le remboursement intégral des sommes détournées (détails dans le tableau ci-dessous) et l’affectation dans un bref délai les trois Directeurs du Groupe scolaire dont Bakary Youba Traoré, Oumar Traoré et Kéniba Sacko.
Ecole | Effectifs | Prévision | Ont payé | Sommes encaissées | Taux de
recouvrement |
Manque à gagner |
A | 715 | 745 000F | 116 élèves | 116 000F | 15% | 629000 F |
B | 593 | 595 000F | 248 | 248 000F | 41% | 345000 F |
C | 230 | 230 000F | 150 | 150 000F | 65% | 80 000 F |
Total | 1568 | 1568 000 | 514 | 514 000F | 40% | 1 054 000 F |
Seydou Konaté, Envoyé Spécial à Bougouni