Depuis bientôt quelques années, les Douanes maliennes réalisent de grosses recettes. Si cela s’explique par la continentalité de notre pays qui importe presque tout, il est aussi à mettre à l’actif des hommes et des femmes qui œuvrent pour réaliser ces chiffres. Parmi ces personnes, l’on ne saurait faire fi des opérateurs économiques et, notamment, ceux intervenant dans le domaine des hydrocarbures. Avec des entrées mensuelles qui tournent au tour de 20 milliards, ils sont les premiers pourvoyeurs des caisses de la Douane. Malheureusement, l’effort de ces «pétroliers» ne semble pas être apprécié à sa juste valeur.
Pour le seul mois de mars, les services des Douanes maliennes ont réalisé une recette record de 51 milliards de francs CFA. Au mois de février, ils avaient réalisé la recette de 46,2 milliards de francs CFA. L’objectif de 585 milliards assigné par les autorités risque, à cette allure, d’être dépassé. Ces résultats sont certainement à mettre à l’actif du Directeur Général des Douanes, Aly Coulibaly et ses hommes. Mais on oublie très souvent de mettre l’accent sur ceux et celles qui concourent à la réalisation de ces chiffres d’affaires. Il s’agit des nombreux opérateurs économiques qui importent tout vers le Mali. Dans ce lot, ceux qui participent le plus à renflouer les caisses de la Douane et du Budget d’Etat (la Douane étant l’un des services d’assiettes) sont les importateurs d’hydrocarbures communément appelés les «pétroliers». Quand les frais des Douanes routiers atteignent les 2 milliards, ceux des pétroles frôlent les 18 milliards. Il n’y a, donc, pas photo. Mais, le malheur, et cela est de coutume au Mali, le mérite n’y est pas ou mal reconnu. Quand on parle de ces chiffres, on oublie superbement les « djogoromès» qui sont les plus actifs dans ce secteur. Quoi qu’on puisse les reprocher, ils sont et demeurent les plus grands fournisseurs du marché malien en hydrocarbure, selon une source douanière. Depuis la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, le Sénégal, leurs centaines de citernes ramènent aux Maliens les produits pétroliers. D’ailleurs, ce sont ces importateurs locaux qui revendent aux multinationales (Total, Shell etc.) une grande partie des produits qu’elles commercialisent. Sur les 17 ou 18 milliards mensuellement fournis aux caisses de la Douane, au compte d’importation d’hydrocarbures, seuls 800 millions le sont par les multinationales et le reste par les importateurs locaux. Paradoxe, les bons de carburant de nos Ministères et services étatiques sont au nom de ces multinationales qui n’apportent pas grand chose à l’Economie nationale. N’étant que de simples filiales, les milliards récoltés au Mali sont exfiltrés vers leurs sièges dans les pays du Nord. Au même moment, ceux qui, au prix de risques énormes, se battent pour assurer le paiement des fonctionnaires font face à toutes sortes de brimades de la part de nos propres autorités et services. Le cas d’un jeune opérateur économique de la place, un «pétrolier» Seydou dit Lô Bathily est une preuve.
Un acharnement injustifié ?
Jeune opérateur économique depuis quelques années, il est, selon notre source douanière, l’un des plus dynamiques de sa Génération. A lui seul, il pourvoit les caisses des Douanes à hauteur de quatre à cinq milliards mensuellement. Une manne. Il s’est retrouvé au mois de mars dernier, au cœur d’un acharnement qui avait pour origine l’émission de chèque sans provision de plus de 5 milliards de francs CFA à retirer à la Banque Sahélo- Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (BSIC). C’est soit disant, « chèque sans provision » qui serait à l’origine du retard de paiement des fonctionnaires maliens à la fin du mois de mars dernier. Ce retard avait fait douter la santé financière de notre Economie tant vantée par le Ministre Boubou Cissé. Il fallait, donc, trouver un bouc émissaire. Le chèque de Lô Bathily était sous le bras. Il était plus facile de lui faire porter le chapeau pour détourner l’attention plutôt que d’assumer des difficultés de trésoreries. «Le cas de Lô Bathily est très fréquent dans le milieu. Il arrive que les gros importateurs délivrent des chèques en attendant que leurs comptes soient pourvus. Il arrive qu’on attend un mois avant de procéder au retrait de l’argent», nous indique notre source. Ainsi, pour masquer ses difficultés financières, il était, donc, plus aisé de faire passer le jeune opérateur économique comme celui par qui le malheur des retards de paiement est intervenu. Par ailleurs, ces opérateurs économiques, réputés être de gros emprunteurs, leurs dossiers de prêts sont diligentés en fonction des dessous de table glissés aux Responsables des crédits des Banques. Il faut comme on dit, sécuriser son dossier en graissant les pâtes des Responsables des Banques». Voilà comment les Banques contribuent, à leur façon, pour enfoncer les opérateurs économiques. Le cas d’une Banque de la place qui s’est fait gruger à plus de six milliard de francs CFA est encore vivace dans les esprits. La Banque en question n’a pu porter plainte parce que ceux censés le faire en son nom avaient perçu des dessous de table. Ils ont préféré passer par des accommodements.
Malheureusement, l’effort de ces opérateurs économiques pour leur pays, la politique de deux poids deux mesures entre eux (lui et les autres pétroliers maliens) les multinationales, et les intérêts insupportables des Banques ajouter à cela les dessous de tables qu’ils exigent ,…, sont autant de contraintes méconnues des populations qui plombent les opérateurs économiques.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT