En recherche d’une stature présidentielle, Marine Le Pen entend porter haut les couleurs de l’extrême droite. La candidate du Front National à l’élection présidentielle française s’était rendue la semaine dernière à N’Djamena où elle rencontra le président Idriss Déby Itno et fut même reçue à l’Assemblée Nationale du Tchad. Le président tchadien est le deuxième Chef d’Etat qu’elle rencontre après le libanais Michel Aoun et bien avant le président russe Vladimir Poutine. Elle veut ardemment rompre avec son image d’épouvante à l’international, même si pour cela, il faut mettre en péril des intérêts français aussi enracinés que le Franc CFA.
Avec la montée du populisme un peu partout dans le monde, Marine Le Pen croit son heure arrivée. La suite logique, selon elle du BREXIT, de l’élection de Donald Trump ainsi que de la percée des partis politiques et mouvements anti-immigration et anti-musulman dans le monde occidental, serait son élection à l’Elysée. Pour y parvenir, elle n’hésite pas à jouer sur la corde sensible aussi bien en France qu’en Afrique. Alors qu’en Hexagone, elle prône haut et fort la sortie de la France de la zone euro, en Afrique, elle profiterait de l’indignation généralisée contre le Franc CFA pour dire qu’il est un « inconvénient économique » pour le continent noir.
Mais, à trop tirer sur la corde du populisme, ne serait-elle pas en train de se piéger, si toutefois, elle accédait à la magistrature suprême ? Peut-être qu’elle devrait demander à un certain Donald Trump qui peine aujourd’hui à mettre en œuvre ses promesses électorales les plus populistes, comme construire un mur séparant les USA du Mexique au frais du Mexique ou à abroger l’Obamacare. Elle oublie peut-être que l’on soit un puissant Etat, faible ou petit, riche ou pauvre dans le concert des Nations, que la Realpolitik s’applique à tous. Et si, le Franc CFA était un inconvénient économique pour les pays africains qui l’utilisent, il ne l’est point pour l’Hexagone qui en profite de ses avantages multiples auprès de son Trésor Public en ne cédant que de piètres droits de tirages aux africains.
Alors, peut-on défendre les intérêts exclusifs de sa Patrie tout en jouant la carte du populisme à outrance ?
A titre de rappel, dans un de nos articles intitulé « Quand des dirigeants africains se livrent à une servitude volontaire au profit de la France à travers le Franc CFA » du 18 novembre 2016, nous attirions l’attention de nos lecteurs sur les avantages dont jouit la France à travers le F CFA. Des passages de cet article recèle de précieuses informations que Marine Le Pen ne devrait ignorer : « Le Trésor Public français garantit la convertibilité des Franc CFA et comoriens dans n’importe quelle autre monnaie. En échange, 50% des réserves de CFA et celles de 65 % du Franc comorien doivent être déposées sur les comptes du Trésor Public français. 3- Le taux de parité entre les Franc CFA ou comorien et l’Euro est fixe, 1 euro étant égal à 655, 957 F CFA depuis 1999. (…) Dans les pays de l’UEMOA, les sociétés françaises assurent 50% des investissements étrangers. Concernant les banques, Société Générale, BNP Paribas et LCL représentent à elles seules, 70% du chiffre d’affaires des banques. (…)»
La candidate du FN qui prend soin de mettre toutes les chances de son côté, même sans être diplômée en économie de la Sorbonne, devrait comprendre les mécanismes de fonctionnement ainsi que les avantages énormissimes plus qu’indispensables qu’offre l’arrimage du Franc CFA à l’Euro. Il est difficile d’imaginer que Marine Le Pen ignorerait cet état de fait si évident. L’idée qu’elle fasse fit de l’apport du CFA dans les caisses du Trésor Public français est alors plus que plausible. Elle pourrait en faire abstraction uniquement pour des visées électoralistes sous fond, bien sûr, de populisme. Les africains ne devraient pas en croire un mot et être dupes quant aux déclarations de bonne volonté de la candidate du FN qui promet d’aider les pays africains à recouvrer leur souveraineté monétaire si elle était élue présidente d’une République qui a façonné cet asservissement de l’Afrique. En le faisant, elle ramerait à contre-courant des intérêts français. Que nul ne s’y trompe, une probable sortie de la France de la zone euro ne changerait en rien la main basse du Trésor français sur le juteux CFA. Rappelons que cet arrimage monétaire entre la France et ses anciennes colonies date de 1945.
Ahmed M. Thiam
thiam@journalinfosept.com
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