samedi 23 novembre 2024
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LA CONFERENCE D’ENTENTE NATIONALE : UNE VELLEITE DE PLUS ? (SUITE) CAUSES PROFONDES DES CONFLITS

La Conférence d’Entente Nationale dont l’ouverture est prévue ce matin aura-t-elle lieu ? Il est permis d’en douter si l’on s’en tient au communiqué conjoint de la CMA et de la Plateforme porté « l’attention de l’opinion publique nationale et internationale ». Un nouveau revers pour nos gouvernants, un nouveau camouflet. Qu’il est dur, par ces temps d’épreuves d’être chef et de vouloir s’assumer !
Dès l’annonce de la tenue de cette conférence, votre hebdomadaire a entamé la publication d’une série d’articles, en faisant constater : « Et, en mars prochain est prévue une Conférence d’entente nationale. Elle ne manque pas de laisser sceptique.
En effet, ce qui incite au scepticisme, c’est la raison même pour laquelle cette conférence est voulue : « permettre un débat approfondi entre les composantes de la Nation malienne sur les causes profondes du conflit. » (Extrait du projet de Termes de référence). Autant dire que l’on va, au cas où la rencontre aurait lieu, se réunir pour rien car les causes du conflit ne font de doute pour personne : le conflit a, pour cause, le rejet de la République du Mali par l’une de ses composantes : quelques Arabo-Berbères. »
S’intéressant à ces causes, votre hebdomadaire vous a proposé, dans une série d’articles, la situation dans la Boucle du XVè au XIXè siècle afin de ruiner une prétention selon laquelle cette partie du Mali serait un pays touareg incorporé par la France au Soudan Français sans l’avis de son peuple. Cette prétention constitue les toutes premières causes des rébellions. Avec la livraison de ce jour, nous poursuivons notre argumentation avec les causes récentes et les causes immédiates des conflits.

LES CAUSES RECENTES

Les rébellions récurrentes que connaît notre pays, possèdent également, après les causes lointaines, des causes récentes. Elles datent de la seconde moitié de la décennie 1950. La France, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, est sommée par l’ONU de décoloniser. Or, au sortir de la guerre, elle se trouve très affaiblie, totalement ruinée. Elle veut cependant, face aux deux superpuissances émergentes, les Etats-Unis d’Amérique et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, affirmer son indépendance ; mais évalue qu’elle ne peut le faire qu’en conservant ses colonies.

Elle se trouve confortée dans cette idée par les découvertes qui s’effectuent au Sahara à partir de 1955 : le gaz et le pétrole en Algérie, le fer et le cuivre en Mauritanie, des promesses d’uranium au Soudan, au Niger et au Tchad. Elle possède, dans ses possessions sahariennes, de quoi assumer son indépendance énergétique. Elle n’est pas prête à renoncer à ces richesses. Cependant, contrainte de décoloniser, elle croit faire un geste significatif en mettant en œuvre les dispositions de la Constitution de 1946 : aux possessions d’Afrique subsaharienne, elle propose la loi-cadre Gaston Deferre ; loi qui dote les Territoires, nouvelle appellation des colonies, d’assemblées législatives permettant aux « indigènes » de participer à la gestion de leurs affaires.

La promulgation de cette loi comme les découvertes effectuées au Sahara ont des répercussions immédiates sur la Soudan Français. D’une part, la France veut l’amputer de ses parties sahariennes pour en faire un territoire intégré à une nouvelle entité en gestion, l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) ; d’autre part, des Arabo-Berbères s’activent pour obtenir le détachement de la région du reste du Soudan Français.

Quatre hommes vont se mettre à l’œuvre pour faire aboutir ce projet sécessionniste : le chef de la confédération des Kellantassar, Mohamed Ali Ag Attaher Insar, le cadi de Tombouctou Mohammed Makhmoud Ould Cheikh, le commerçant Habib El Wafy, l’ancien élève de l’Ecole Primaire Supérieure (EPS) de Bamako, le postier Bouillagui Oul Abidin.

Mohamed Ali Ag Attaher Insar, dans son projet de sécession, sollicite l’aide des pays arabes que sont : l’Arabie Saoudite, l’Egypte et la Libye. L’entreprise est un échec. A la proclamation de l’indépendance du Mali, plutôt que de vivre dans un pays dirigé par des Négro-Africains, il s’exile au Maroc où il s’éteint en 1994.

Avant de s’éteindre à un âge plutôt avancé, comme dans un ultime baroud d’honneur, il adresse une lettre à Hassan II, l’invitant à faire renaître le pachalik marocain de Tombouctou estimant « que le Sahara et ses populations ont depuis toujours vécu sous l’allégeance des sultans de Marrakech et plus tard sous celle du Maroc (…) que par delà les obstacles constitués par les frontières héritées de la colonisation, les liens ombilicaux avec le Maroc sont restés réels dans le subconscient de notre peuple. »

Mohammed Makhmoud Ould Cheikh, comme Mohamed Ali Ag Attaher Insar, se déclare hostile au maintien de l’unité territoriale du Soudan Français. Dans un premier temps, épousant les thèses des partisans de « l’Algérie Française », il présentera les Arabo-Berbères du Nord comme des « Français musulmans » et sollicite la pérennisation de la domination française, quitte le PSP pour adhérer au RPF (Rassemblement du Peuple Français fondé par Charles de Gaulle). Ayant échoué à faire aboutir ce projet, il met en avant la possibilité d’un rattachement à la Mauritanie.
Ce dernier projet est soutenu par Bouyagui Ould Abidin qui, à cet effet, crée un parti politique, la « Nahda El Wataniya Al Mauritaniya » ou Parti de la Renaissance Mauritanienne avec des sections à Kayes, Nioro, Nara, Tombouctou.
Les Mauritaniens ne restent pas sans réaction à ces prises de position. Mohammed Makhmoud Ould et le l’attaché à la présidence de l’Assemblée Territoriale de Mauritanie, Yacoub Ould Boumediana, se sont, à ce propos, échangé des lettres. La proposition faite au cadi de Tombouctou, par lettre datée de Saint-Louis (à l’époque capitale de la Mauritanie) le 3 avril 1958, était des plus précises ; elle est la suivante : « Faire de la Mauritanie et de toute la région de chez vous un bloc saharien autonome qui dépendra directement d’un pouvoir central. » Il est évident que ce « pouvoir central » ne pouvait être que mauritanien.
Les thèses séparatistes ne parvinrent pas à susciter l’adhésion des populations pour trois raisons : l’attitude du gouvernement français qui, désormais, avec le changement de statut de la colonie doit tenir compte des positions avancées par les députés soudanais, l’action énergique de l’US-RDA, tant auprès de la France que des populations arabo-berbères, pour le maintien de l’unité du Soudan Français et la désaffection de ces mêmes populations estimant aventureuse une séparation d’avec le reste du Territoire.

LES CAUSES IMMEDIATES

De 1963 à ce jour, nous nous sommes retrouvés confrontés à une série de rébellions : 1963, 1990, 1992, 2006, 2012. Un fait mérite d’être retenu dès le départ pour qui veut cerner de près les causes immédiates de ces différentes rébellions : toutes ont, pour épicentre, Kidal. Cela s’explique.

Kidal est la capitale de l’Adagh. Or, aux Kel Adagh, en reconnaissance de leur appui à la pénétration coloniale, la France leur a reconnu plus d’un avantage : elle les a affranchis de leur statut de vassaux des Kountas et des Oullimindens, elle leur a attribué, sans partage, l’Adagh, elle les a soumis aux règles de l’administration indirecte (indirect rule), leur reconnaissant par là un statut particulier avec tolérance de pratiques parfois archaïques telles que servage et l’esclavage.

Ce sont ces différents avantages que les Kel Adagh veulent conserver, soit dans le cadre d’un Mali indépendant un et indivisible, soit dans le cadre d’un Etat sécessionniste. Telles sont les causes récentes des rébellions de l’ère post-indépendance.

La première rébellion a été écrasée avec une intervention de l’Armée Nationale soutenue par des actions diplomatiques en direction de l’Algérie, du Maroc et du Niger. Aucune concession ne fut faite aux rebelles.

Les Accords de Tamanrasset de janvier 1991 ont permis de mettre fin à la deuxième rébellion après que les sécessionnistes eurent déposé les armes. Ils ont présenté des revendications d’ordre politique, sécuritaire et économique. Toutes celles qui s’inscrivaient dans le cadre général de la politique de développement du gouvernement furent acceptées. Toutes celles qui juraient avec la Constitution ou la vision d’ensemble du gouvernement furent rejetées. Avec une courtoisie n’excluant nullement la fermeté.

En 1992, profitant d’un état de faiblesse du pouvoir central, les rebelles reprennent les armes. Négociant en position de faiblesse, l’Etat signe avec eux le Pacte National qui « consacre le statut autonome du Nord » organise la cérémonie de « la Flamme de la Paix ».

En 2006, estimant que l’Etat n’en fait pas assez pour mettre en œuvre le Pacte National, les rebelles reprennent les armes. De nouveau, en position de faiblesse, l’Etat signe avec eux les Accord d’Alger pour la restauration de la paix, de la sécurité et du développement dans la région de Kidal.

Enfin, en 2012, conséquence d’un délitement très avancé de l’Etat et d’une gouvernance non prévoyante, les rebelles détachent de la République plus des 2/3 de sa superficie pour y proclamer la « République de l’Azawad ». Il s’ensuit la signature d’un énième accord intitulé Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Nous peinons à la mettre en œuvre. Et le temps joue en faveur des rebelles.

A suivre.
LA REDACTION LE SURSAUT

Djibril Coulibaly

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