A moins de 8 mois des élections présidentielles françaises, l’heure est aujourd’hui à la campagne pour les primaires. A droite comme à gauche, les candidats se livrent à une bataille pour convaincre les électeurs français. Si à gauche, la bataille s’annonce ardue pour le président sortant François Hollande de se faire plébisciter devant Arnauld Montebourg, Emmanuel Macron et Benoit Hamon, à droite, il faudra bien une coalition anti-Sarko au sein de la droite et des électeurs de gauche et même des indécis inscrits sur les listes électorales françaises qui participeront à ces primaires derrière Alain Juppé. Selon les statistiques, le vainqueur des primaires de la droite et du centre pourrait affronter en vainqueur la candidate du Front National, Marine Le Pen au second tour. Alors qui d’Alain Juppé ou de Nicolas Sarkozy ferait mieux que Nicolas Sarkozy pour les pays africains une fois à l’Elysée? Le futur président, s’il est de droite, mettra-t-il fin à la vieille France-Afrique et en tissant des partenariats gagnant-gagnant ?
Dans une interview qu’ils ont tous les deux accordés à RFI et au journal Le Monde, l’ancien Président, Nicolas Sarkozy et le maire de Bordeaux, Alain Juppé, ont donné leurs visions de la politique africaine de la France, une fois à l’Elysée. On retient des questions posées par Christophe Boisbouvier de RFI et Pierre Lepidi du journal Le Monde que trois grandes questions intéressaient les africains.
La première était de savoir : « Si vous êtes élu, quelle sera votre politique africaine ? ».
La réponse d’Alain Juppé : « Les choix politiques des Africains se font en Afrique et pas à Paris ». Il plaidera l’établissement d’un partenariat à égalité avec l’Afrique. « Il faut que nous sortions d’une vision maintenant dépassée de nos relations avec l’Afrique, fondée essentiellement sur l’aide au développement. Maintenant, c’est le partenariat d’égal à égal qui est important. Je suis convaincu que le destin de la France et le destin de l’Afrique sont liés, le destin de l’Europe et le destin de l’Afrique sont également liés. L’Afrique a des handicaps, mais elle a aussi des potentiels considérables, c’est à cela aujourd’hui qu’il faut s’attacher dans le cadre de ce partenariat économique et notamment par la présence des entreprises françaises en Afrique. »
Quant à l’ancien Président Nicolas Sarkozy sur la même question, il dira : « Je ferai de l’Afrique l’une des toutes premières priorités de la politique étrangère française. Il faut considérer que le destin de l’Europe et le destin de l’Afrique sont liés par la géographie, d’abord, par l’histoire, ensuite. L’échec de l’Afrique serait un drame pour l’Europe. La deuxième chose que je veux dire, c’est que beaucoup de solutions aux problèmes de l’Europe se trouvent en Afrique, notamment la solution à la crise migratoire. Je veux, comme première priorité, poser les bases d’un gigantesque plan Marshall de développement de l’Afrique. C’est la seule solution pour tenter de maîtriser les pulsions et les mouvements migratoires dont l’ampleur est sans précédent depuis l’origine de l’Humanité. Les chiffres sont considérables. L’Afrique va passer en trente ans, de 1 milliard à 2,3 milliards. Dans trente ans, le 3ème pays le plus peuplé du monde sera le Nigeria, plus d’habitants que les Etats-Unis d’Amérique. Et au Sahel, on considère qu’il y aura 200 millions de familles avec un taux de natalité grosso modo entre 6 et 8, pour ce que les statistiques sont fiables. Donc, si les jeunes Africains ne trouvent pas du travail en Afrique, nous avons là les clés et les conditions d’un drame entre l’Afrique et l’Europe. L’argent investi par l’Europe doit s’investir dans le développement de l’Afrique beaucoup plus qu’en pure perte pour soutenir la Turquie, voire d’autres pays européens ».
La deuxième grande question était : « Vous avez un concurrent quand même qui a beaucoup parlé de l’Afrique ces dix dernières années, c’est Nicolas Sarkozy. Quelle est votre différence avec lui ?
Alain Juppé : « J’aime l’Afrique, j’ai eu la chance de m’y rendre souvent, j’ai beaucoup d’amis africains. Nous avons à Bordeaux une communauté africaine extrêmement importante, nous avons des partenariats avec beaucoup de villes africaines comme Ouagadougou et comme Bamako, et nous faisons la formation aussi des administrateurs africains. Donc ce lien entre l’Afrique et Bordeaux est ancien, hélas pour une mauvaise cause il y a quelques décennies, on le sait bien. Mais aujourd’hui, nous sommes heureux d’accueillir beaucoup d’étudiants africains à Bordeaux et de contribuer à la construction de ses élites ».
La troisième grande question a été posée à Nicolas Sarkozy : « Beaucoup d’Africains ont été sincèrement choqués par votre discours de Dakar sur les Africains qui ne sont pas assez entrés dans l’histoire… Aujourd’hui, qu’est-ce que vous leur dites ? ».
La Réponse de Nicolas Sarkozy : « cette phrase en soi n’est pas choquante, mais si elle n’a pas été comprise, c’est sans doute de ma faute. Qu’est-ce que je dis aux Africains ? Qu’ils n’ont pas la place qu’ils méritent dans l’organisation internationale du monde. Je n’accepte pas qu’il n’y ait pas un seul pays africain membre du Conseil de sécurité. Membre permanent, pas membre élu. Dans mon esprit, il en faudrait au moins deux. J’ai parlé de la nécessité pour l’Europe de construire un grand plan Marshall. Je veux le conditionner à un accord sur la lutte contre l’immigration clandestine et l’obtention des visas. Et notamment des visas de retour. L’Afrique doit prendre toute sa place dans la gestion des grands dossiers du monde. C’est pourquoi j’ai voulu que l’Afrique du Sud soit membre du G20, et que je veux la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies avec deux postes pour l’Afrique. »
En définitive, au regard des réponses données par les deux candidats favoris aux primaires de la droite et du centre, Alain Juppé semble plus convaincant. Quant à Nicolas Sarkozy, sa repentance convaincra difficilement les africains en général et les maliens en particulier qui retiennent de lui trois faits gravissimes : La chute de Mouammar Kadhafi et ses conséquences sur l’intégrité territoriale du Mali, sa fameuse immigration choisie et son discours obscurantiste de Dakar. Les marabouts africains prieront pour qu’il ne soit pas réélu et probablement en premier lieu, les 333 saints de Tombouctou qui ont vu leur sommeil troublé par la destruction de leur mausolée.
Youssouf Sissoko
youssouf@journalinfosept.com| INFO SEPT