Même si une grande partie de l’opinion la tient pour responsable du chaos qui règne dans notre pays depuis plus de deux décennies, la classe politique est appelée à jouer un rôle non négligeable dans la gouvernance du Malikura (le nouveau Mali). Mais à condition qu’elle sache se remettre en cause, qu’elle fasse sa mue pour réconcilier les Maliens avec la politique en prônant par exemple une gouvernance vertueuse sans démagogie aucune. Malheureusement, ses animateurs agissent encore aujourd’hui comme s’ils n’étaient pas conscients de la nécessité de cette mue.
Les Maliens pourront-ils un jour refaire confiance aux hommes et femmes politiques ? Et cela d’autant que le fossé est si profond qu’il a favorisé le show de certains leaders religieux sur la scène politique. Quel sera le prix de cette réconciliation ? Quand «ils (politiciens) cesseront de transformer l’électorat en bétail», répond un jeune confrère du quotidien national, «L’Essor». Autrement dit, il est temps que la classe politique se remette en question afin de réconcilier avec le peuple ou réconcilier les Maliens avec la politique.
Mais cette mue est aussi indispensable qu’improbable. En effet, le comportement d’une grande partie de la classe politique malienne depuis le début de la transition laisse penser qu’elle (mue) sera aussi difficile que contraindre la grande majorité de Maliens à changer de mentalité. Aujourd’hui, nos politiciens (très peu d’hommes politiques malgré une pléthore de partis politiques) s’agitent pour bloquer le processus de transition parce qu’il est en train d’échapper à leur contrôle malsain. Leur souhait était de conduire le processus afin de détourner les réformes envisagées vers la satisfaction de leurs ambitions et de leurs intérêts.
Mais, depuis qu’ils ont constaté que les «Colonels» ont réellement la volonté de doter le pays de bons textes afin de favoriser l’émergence d’institutions fortes, ceux-ci sont devenus la cible à abattre. Aurait-il été sage de laisser les réformes annoncées au bon désir de ceux qui, en presque 30 années de démocratie, ont toujours tiré le pays vers le bas ?
Le président de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD), M. Tiéman Hubert Coulibaly, l’a d’ailleurs reconnu lors de sa présentation de vœux à la presse le 28 janvier dernier : le coup d’état du 18 août 2020 consacre l’échec de la classe politique malienne ! «Les élections législatives de 2019 ont été les pires de l’histoire de notre pays», a-t-il expliqué. Il a raison de souligner que cet échec de la classe politique ne doit pas justifier sa mise à l’écart car elle a un rôle important à jouer dans un état démocratique comme le Mali. Mais, il faudrait aussi que cette classe politique ait la lucidité et le courage de se remettre en cause parce que le moment est propice à sa refondation.
Un élu qui s’endette pour faire campagne ne peut que piller les richesses du pays
Curieusement, au lieu de faire leur mea culpa, nos politiciens ne voient que les avantages qu’ils peuvent tirer de la situation. A l’image des anciens députés de la législature précocement interrompue avec la dissolution de l’Assemblée nationale par Ibrahim Boubacar Kéita qui a aussi présenté sa propre démission dans la foulée. Si ces gens avaient un tout petit peu de respect pour ce pays et ce peuple éprouvés par les maux qu’ils ont répandus, ils allaient avoir honte de s’agiter juste parce qu’ils cherchent les moyens de rembourser leurs dettes de campagne.
Au Mali, ils sont nombreux à s’endetter pour faire campagne parce que le siège de député est très lucratif. Ce qui fait d’eux des élus de tout sauf du peuple dont les aspirations ont rarement été au centre de leurs préoccupations. Et les réformes envisagées doivent nous conduire à changer cette façon de faire la politique.
A commencer par revoir les critères d’accès à l’aide publique aux partis politique. A défaut de la supprimer. Le nombre de députés et de conseillers municipaux n’est plus un critère objectif tant que nos élections demeureront des nominations déguisées. Il faut imposer l’éducation citoyenne de base aux partis politiques afin que le vote puisse être enfin «un puissant instrument de la démocratie malienne… pour que les Maliens sachent qu’il est important de voter» pour imposer leurs préoccupations, pour l’amélioration de leurs conditions de vie…
Ce nouveau Mali aura besoin d’hommes et de femmes politiques réellement animés de la volonté de mettre le pays ou leurs circonscriptions électorales sur de «solides rampes pour le développement, l’état de droit et la démocratie» ; qui ne considèrent pas la politique comme un investissement à rentabiliser pour leur seul profit, mais qui ont l’humilité et le sens de la responsabilité de s’imposer les privations que subissent les Maliens.
Des hommes et des femmes capables de s’imposer des valeurs leur permettant de nous rendre notre dignité perdue depuis des décennies, donc de réconcilier le Malien ou la Malienne lambda avec la politique. «Un politicien pense à la prochaine élection. L’homme d’Etat, à la prochaine génération», dit James Freeman Clarke. Ce pays a plus que jamais besoin d’hommes d’Etat pour se relever, pour rivaliser avec les pays émergents.
La mue de la classe politique est donc indispensable dans l’animation de nos futures institutions. Et le Malikura (nouveau Mali) en gestation aura besoin d’hommes d’Etat, donc de vrais leaders politiques et non de cette race de politiciens qui ne cesse de donner le dégoût de la politique aux Maliens.
Naby LE MATIN