C’est une lapalissade de dire que la mise en œuvre de l’accord de paix prend du retard. Ayant suscité un grand engouement au moment de sa signature en mai et juin 2015, le gouvernement et les parties signataires peinent à accorder les violons quant à la procédure d’une mise en ouvre diligente de cet accord qui aura mis deux ans de tractations avant de voir le jour. Faudra-t-il autant de temps pour son application ? Focus sur les raisons d’un blocage !
L’accord pour la paix au Mali a été signé le 15 mai puis parachevé le 20 juin 2015. Devait succéder à cette phase, sa mise en œuvre. Mais, depuis, l’on assiste à une lenteur qui ne dit pas son nom. Une lenteur qui n’est pas sans conséquences. Très attentif par rapport à la situation politique en général et sur celle du Nord en particulier, Tiébilé Dramé, Président du Parti pour Renaissance Nationale (PARENA) et membre actif de l’opposition républicaine, révèle que, depuis le début de l’année 2015, il ya eu 350 morts, une centaine d’incidents dont près de la moitié après la signature de l’accord. Des attaques qui sont perpétrées par des groupes terroristes. L’inimitié entre les frères de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et ceux du GATIA et les groupes terroristes Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), El Mourabitoune de Mok tar Ben Mok tar et Ançar Dine d’Iyad Ag Ghali mettent à mal l’application dudit accord. Les 14 et 15 novembre dernier, un document sonore du leader d’Ansar Dine a été authentifié. Dans ce document d’une vingtaine de minutes, Iyad Ag Ghali rejette l’accord d’Alger signé en juin 2015 et se montre menaçant notamment contre ses anciens alliés de la Coordination du Mouvement l’Azawad (CMA), rébellion touarègue signataire de cet accord. Il s’était érigé contre toute mise en œuvre dudit accord dont il a juré d’empêcher les applications sur le terrain par tous les moyens. Des menaces mis en pratique le 28 du même mois par l’attaque du camp de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations-Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) qui s’est soldée par 3 morts et une vingtaine de blessés. Depuis, plusieurs attaques signées du groupe ont été enregistrées avec toujours de morts d’hommes.
Un autre facteur du blocage est dû au fait qu’il s’apparente à une impuissance du Comité de suivi. Après un début de mise en place difficile où des groupes rebelles refusaient de siéger en même temps que d’autre dans le même comité, le comité de suivi, avec plus d’une dizaine de réunions, ne fait que constater les manquements. Il peine à imposer la direction à suivre à l’Etat et aux parties signataires. Les querelles de clochers entre groupes rebelles sont condamnées par lui mais sans plus.
Face à ces facteurs de blocage, les acteurs et les politiques tirent la sonnette d’alarme. En août dernier, six mouvements signataires rassemblés au sein d’un regroupement, dénommé Coordination des mouvements prônant l’inclusivité des signataires de l’accord du 15 mai (COMPIS 15), ont dénoncé les lenteurs et attiré l’attention du gouvernement et de la communauté internationale sur la mise en œuvre de l’accord, gage de paix. Le PARENA a, à son tour, en décembre dernier, organisé une rencontre en vue de faire des propositions concrètes en vue d’accélérer la mise en œuvre de l’accord de paix issu du processus d’Alger. Cette rencontre a regroupé les groupes signataires de la CMA et du GATIA et des partis politiques membres de l’opposition et de la majorité.
Au cours de ces différentes rencontres, les acteurs ont pointé un doigt accusateur vers le gouvernement qui trainerait les pas. Une lenteur qui, à les en croire, favorise la reprise du terrain par les terroristes et les narcotrafiquants de tous bords. Un message qui semble avoir été bien entendu. Car, à côté du comité de suivi de l’accord, le gouvernement vient de mettre en place le vendredi 15 janvier, un comité national de coordination de la mise en œuvre de l’accord, présidé par le Premier Ministre, Modibo Kéïta. Selon ce dernier, ce comité aura la charge de « coordonner la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger ».
Dans la même veine, Alger a convoqué les parties signataires sur son sol, le 18 janvier dernier, pour échanger sur les difficultés dans la mise en œuvre de l’accord. Au sortir de cette réunion, l’Etat et les parties prenantes ont été mis devant leurs responsabilités, pour accélérer le processus.
Mais, ces mesures, parmi tant d’autres, semblent insuffisantes aux yeux du Diplomate américain à Bamako, l’Ambassadeur Paul Folmsbee. Selon lui, son pays voudrait que le Mali s’assume davantage dans la mise en œuvre de l’accord de paix. « Le gouvernement malien doit mettre fin à tous liens, à la fois publics et privés, avec le GATIA… ». Koulouba appréciera.
Mohamed Dagnoko : LE COMBAT