La nouvelle génération se souvient encore comme si c’était hier de la célèbre phrase du premier Président du Mali indépendant M. Modibo Keita dans son discours de proclamation de l’indépendance après l’éclatement de l’éphémère Fédération du Mali : «La République du Mali est née et le nom Mali continuera à résonner comme un gong sur la conscience de ceux qui ont œuvré à l’éclatement de la fédération du Mali ou qui s’en sont réjouis. » C’est en substance par ces mots que le 1ier président de la République du Mali, le père de la nation, l’instituteur émérite Modibo Keita s’adressait aux Maliens et à la communauté internationale le jeudi 22 Septembre 1960. Mais 56 ans après ce discours émouvant et très pathétique, le Mali semble encore à la case départ. Au total il y aura eu 3 Républiques et 5 Présidents. Mais les problèmes majeurs demeurent sans solution parmi lesquels on peut citer entre autre les rebellions cycliques, la relance de l’économie et la valorisation de l’indice du développement humain Durable des Maliens. Quelles ont été les pistes de solutions préconisées par les différentes Républiques pour résoudre la sempiternelle crise touareg ? De Modibo Keita en passant par Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré jusqu’à Ibrahim Boubacar Keita, quels furent les stratégies et modes de gestion de la crise au nord du Mali ?
De l’indépendance à nos jours, le Mali aura connu trois Républiques, trois perceptions et trois modes de gestion de la question touareg.
La première République a opté pour une gestion militaire de la Rébellion. A la naissance du jeune Etat, on ne pouvait pas tolérer une quelconque velléité sécessionniste qui saperait la cohésion et les fondements de l’unité Nationale. Aussi la première rébellion a-t-elle été sévèrement matée et le nord placé sous administration militaire. Les gouverneurs étaient nommés parmi les militaires et en devenaient de facto les chefs de commandement militaire de leur région. Les enseignants, les médecins et la quasi-totalité du personnel de l’administration étaient aussi militaires. C’est pendant cette période de gestion kaki que semble t-il beaucoup de bavures auraient été commises par le personnel militaire sur les populations civiles touareg du nord au point d’en laisser une image négative dans la conscience populaire et nourrir la haine et la phobie de certains touareg contre l’armée malienne et ses soldats. Certains historiens expliquent que c’est ce qui aurait poussé les rebelles touareg à demander, dans les différents accords successifs, depuis Tamanrasset jusqu’à l’accord de paix de Bamako, issu du processus d’Alger, tantôt l’allègement du dispositif militaire, tantôt la démilitarisation ou le désengagement de l’armée des régions du nord. Une revendication d’honneur pour les touareg mais inacceptable pour un Etat souverain.
La deuxième République quant à elle, opta pour une gestion politique de la rébellion. L’Etat s’avisa et fit allégeance aux grandes familles notables du nord pour contenir toute velléité. Contrairement au sud où la route attire comme un aimant les villages, au nord les familles notables ont préféré chasser les tribus touareg aux confins des brousses de façon à ne leur permettre de ne connaitre de la réalité malienne autre que ce qu’elles leur disaient. Tous les projets de développement passaient alors par eux qui en faisaient souvent une gestion paternaliste au détriment des intérêts des vrais bénéficiaires. Les chefs de fractions nomades n’étaient alors associés à la gestion des choses que selon le bon vouloir de ces grandes familles. A Kidal, c’était la famille du vénérable patriarche Ag Intallah, à Ménaka, la famille des Bajans descendants de l’Amenokal Firhoun et à Tombouctou par les arabes Kounta.
La troisième République a opté pour une gestion démocratique de la rébellion. Elle va remettre en cause la suprématie des grandes familles notables minoritaires au profit de tous les cantons et fractions nomades. L’Etat va prendre la décision historique, non sans conséquence, d’intégrer les anciens rebelles dans les forces armées et de sécurité dont la majorité des combattants n’était pas issue de ces grandes familles notables. L‘intégration des rebelles dans l’armée aura été un couteau à double tranchant.
Côté positif, les nouveaux chefs militaires issus, pour la plupart de tribus considérées jadis comme de seconde classe, vont être les nouveaux repères et porte-paroles de leurs communautés qui ne passeront plus par les familles notables pour la résolution de leurs problèmes de survie et de protection.
Côté négatif qui va sonner le glas à l’Etat, c’est la fine connaissance de l’armée et de son mode de fonctionnement par ces nouveaux chefs militaires impatients et voulant tout d’un Etat pauvre qui ne peut satisfaire par un coup de baguette magique toutes les revendications de développement des régions du nord, fussent-elles, légitimes. Ne connaissant que « le métier de Mars », ils vont à chaque fois que les ressources attribuées à eux par l’Etat devenaient rares, dont certaines, il faut le dire étaient détournées à d’autres fins, reprendre le maquis en oubliant que le sud a aussi les mêmes revendications de développement, mais qui s’abstient de le faire par la violence et par les armes. L’autre lecture est que les touareg et arabes semblent restés les seules ethnies du Mali à refuser systématiquement tout brassage considérant les Noirs comme inferieurs et inaptes à les gouverner. Le seul tort du Mali est d’être un pays pauvre et l’Etat, trop faible pour faire accepter par tous, la règle du jeu démocratique comme seule arme de Combat et de conquête du pouvoir pour le changement.
En définitive, le Mali, si fier de sa dignité qui portait si haut la voix de l’Afrique, est à la croisée des chemins. 56 ans dans la vie d’une Nation n’est rien, mais 56 ans dans la vie d’un homme c’est beaucoup. Tous ceux qui ont vécu ces 56 ans de notre indépendance ressentent aujourd’hui une certaine amertume. Le Mali dont l’Education des années 60 était si enviée, le Mali dont le citoyen était si patriote et respectueux de la chose publique parait aujourd’hui méconnaissable. Mais l’espoir est permis parce que dans ce pays, les champs fleurissent d’espérance et les cœurs vibrent toujours de confiance.
Youssouf Sissoko INFO SEPT| lecombat.fr
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