Suite à ce meeting du 29 février 2020, émaillé de propos virulents contre le régime, l’imam avait été convoqué au tribunal de la commune V du district de Bamako. Une convocation reportée sine die parce que la foule de partisans avait pris d’assaut le tribunal pour soutenir ce nouveau héros que le régime est en train de créer par des décisions malencontreuses. Et malgré ce report, l’Imam a tenu à se déplacer pour remercier ses fidèles pour cette forte mobilisation face à laquelle le tribunal de la Commune V a visiblement abdiqué. Maintenant, la République retient son souffle en attendant la marche du vendredi contre la corruption et tous ces maux qui sont en partie responsables de la déliquescence de la nation malienne.
Leader religieux très influent, ancien président du Haut Conseil islamique du Mali (HCIM) et parrain Coordination des mouvements, associations et sympathisants qui le soutiennent (CMAS), l’imam Mahmoud Dicko était convoqué hier (mardi 3 mars 2020) au tribunal de la Commune V suite à sa sortie du samedi 29 février au Palais de la culture Amadou Hampâté Ba. Une convocation qui n’a pas eu lieu puisque la justice a visiblement reculé en annulant sine die sa convocation suite à la forte mobilisation spontanée des fidèles prêts à tout pour l’Imam. «Pour l’instant, nous n’avons pas d’information concernant le motif de la convocation ni de qui elle émane», avait affirmé un proche de l’Imam Dicko tout en précisant que Mahmoud Dicko se rendra au tribunal de la commune V du district de Bamako à 12h pour répondre à sa convocation.
Le motif de la convocation est connu puisqu’elle est liée aux propos virulents tenus par Dicko contre le régime lors de son meeting du 29 février 2020. L’occasion était aussi bonne pour l’intimider et le pousser à annuler la grande marche prévue le vendredi prochain à Bamako.
Le parrain de la CMAS est ressorti donc le 29 février 2020 au Palais de la culture Amadou Hampâté Ba, qui a refusé du monde à cette occasion, pour cracher ses quatre vérités aux gouvernants, à ses partisans et aux Maliens de Kayes à Kidal. Il a abordé plusieurs thèmes avec la mauvaise gouvernance comme tête d’affiche. Il a parlé aussi des aspects sécuritaires. Et l’imam n’a pas seulement critiqué et dénoncé, il a aussi fait des propositions concrètes au gouvernement, aux chefs jihadistes et au peuple malien. Des solutions souvent radicales, mais qui s’avèrent être des remèdes indispensables selon les fans du leader religieux.
Le parrain n’a presque pas parlé de religion ou de la présence des forces armées étrangères au Mali. Or, le meeting du 29 a été longtemps préparé. Il a fallu d’abord faire le voyage à Nioro pour dire au Chérif le contenu du message à passer et avoir son feu vert.
Bras de fer asymétrique
On se rappelle que, le 5 avril 2019, après une série d’actions contre le régime IBK suite au contentieux de l’homosexualité à introduire dans les programmes de l’Education nationale, l’imam Mahmoud Dicko avait organisé un meeting des grands jours. Un projet ajourné suite à cette manifestation qui a coupé le sommeil à IBK. Le bras de fer s’est avéré asymétrique, le camp Mahmoud Dicko ayant été trop fort. Pour sauver son fauteuil, IBK avait accepté de limoger son Premier ministre d’alors, Soumeylou Boubèye Maïga, pour mettre en place un gouvernement dirigé par le fils de l’imam.
Mais, de toute apparence, quelque chose ne va pas entre le président et Mahmoud Dicko. Ce dernier doit être à la recherche de quelque chose qu’IBK refuse de lui donner. Tout comme l’année dernière où l’imam et le Chérif de Nioro voulaient le départ de SBM de la primature, car il avait fermé la mission de bons offices dirigée par Mahmoud Dicko. Et il avait obtenu gain de cause à partir du 5 avril.
On croyait depuis que tout était entré dans l’ordre. D’autant plus que le Chérif de Nioro ne disait plus rien. C’est Boubèye qui exigeait qu’il paie les taxes et impôts comme tous les commerçants imports exports. Il avait en son temps fermé toutes les boutiques de Nioro. Après le départ de SBM de la primature, tout était revenu comme avant. L’imam aussi était revenu à de meilleurs sentiments envers le gouvernement.
Et il avait lancé pour lui-même une association politico-religieuse pour la conquête du pouvoir à tous les niveaux et il était même question que la CMAS participe aux législatives 2020 (en tandem avec la CODEM notamment), après sa participation au Dialogue national inclusif. Mais à la dernière minute, le parrain de la CMAS a demandé à ses partisans de ne pas participer à ces élections. Et à la suite il a informé qu’il allait tenir un meeting pour passer un message. Et c’est ce meeting qui a eu lieu le samedi passé.
L’imam a demandé à Iyad et à Amadou Kouffa d’observer une trêve pour négocier. Aux enseignants en grève, il a demandé de rentrer en classe en leur promettant que c’est le peuple qui sera garant pour avoir leurs exigences face à IBK. Et à IBK il exige par la force qu’il accorde aux enseignants ce qu’ils réclament car, a-t-il martelé, «c’est la loi ! On ne va même pas le supplier». Et il ajoute que s’il n’y avait pas d’argent, il fallait fermer les institutions qui ne servent à rien et donner l’argent aux enseignants.
L’imam Dicko a aussi évoqué le cas «des blindés en carton» touchant ainsi du doigt une plaie sensible du régime : la corruption ! Il a révélé que le Premier ministre, qu’il est allé voir personnellement, lui a révélé que ce sont les Généraux qu’ils ont envoyés acheter les blindés. Et que ce sont les mêmes Généraux qui disent que les blindés ne sont pas bons. A travers ces différents points, c’est la mauvaise gouvernance du système IBK qui est encore mise en évidence de façon révoltante.
Et cette dénonciation sans concession du gouvernement est suivie d’un appel à tous les Maliens de Kayes à Kidal, à sortir à son appel pour changer le destin du pays. Mahmoud Dicko a estimé que l’Etat du Mali était un fardeau trop lourd pour les Maliens. Donc, il donne rendez-vous aux Maliens le vendredi prochain pour recevoir ses instructions pour agir ou pour rentrer à la maison.
Cela veut dire que, comme en avril 2019, il y a un contentieux entre les deux hommes. Le peuple étant la force de l’imam, c’est à lui qu’il en appelle pour agir si toute fois IBK ne cède pas et ne lui accorde pas ce qu’il veut. Nous sommes donc depuis le samedi passé dans une situation proche de celle de l’année dernière. IBK va-t-il encore céder ? Ou ça va être la guerre civile ? En tout cas la tentative d’intimider par une convocation de la justice a lamentablement échoué. Le pouvoir a sans doute oublié que l’imam Mahmoud Dicko n’est pas un Bandiougou Doumbia !
Tientiguiba Danté/Dan Fodio