Le Mali accueille, au mois de janvier prochain, le Sommet France-Afrique et une grande réunion de l’Union africaine qui drainera sur le sol malien une cinquantaine de délégations ministérielles puis présidentielles. L’enjeu est de taille et l’engagement du Mali à travers les actions d’assainissement entrepris par les autorités compétentes est à saluer à juste titre. Si à tous les niveaux de l’Etat et des premiers acteurs concernés, les préparatifs vont bon train et augurent d’un excellent et inoubliable Sommet à Bamako tant par les résultats escomptés que les retombées économiques, il faut noter que pratiquement toutes les couches sociales de notre pays s’organisent au mieux. Le cas objet de ce reportage est celui d’un niveau de préparatifs très élevé des «travailleuses de sexe» qui n’entendent pas se faire compter ce grand événement en perspective.
Les travailleuses de sexe, bientôt en «mode politique et développement de l’Afrique»
Force est de reconnaitre humblement qu’en principe la tenue de ce Sommet aura nécessairement des retombées économiques et financières: les hôtels afficheront complets, les restaurants seront pris d’assaut et à un rythme régulier et extraordinaire, parce que les officiels et les officieux des délégations étrangères ou internationales devront s’héberger et se restaurer obligatoirement dans l’ordre normal des choses. Mais aussi, ces participants internationaux de seconde zone, pour ceux qui sont accros, sentiront le besoin de se satisfaire et d’apprécier «la chose malienne» à tout point de vue.
Ainsi, donc, il serait possible que les travailleuses de sexe communément appelées les «prostituées» puissent être à leur tour sollicitées et elles le savent bien.
Pour Kady Jolie, une travailleuse de sexe que nous avons rencontrée lors de notre enquête dans la zone prisée du quartier Hippodrome ce Sommet sera d’une opportunité pour les spécialistes du plus vieux métier du monde. «C’est une occasion en Or pour nous, travailleuses de sexe au Mali, de nous mettre en valeur et d’assurer grave», nous a-t-elle lancé suite à notre curiosité de savoir si elle a l’information de la tenue du Sommet Afrique-France à Bamako.
Et, plus loin, Kady Jolie renchérit: «Avec les temps qui sont durs actuellement et les plaintes de nos clients nationaux qui n’arrivent plus à nous satisfaire financièrement à la mesure de nos services et qui ne cessent de demander des réductions de prix, nous espérons combler nos attentes en faisant de très bonnes affaires au mois de janvier prochain. Ils (les accompagnateurs des Ministres et Présidents) viendront assurément vers nous pour se défouler et pourquoi pas nous comparer à nos collègues africaines et même européennes dans « l’affairage » ». «Ça va chauffer», a-t-elle sifflé les yeux écarquillés.
Poursuivant notre route nocturne, nous tombâmes au cours de notre micro-trottoir sur Fadima, une jeune travailleuse de sexe dans les environs de la discothèque Bla Bla.
«Le Sommet-là est la bienvenue. Nous nous réjouissons et salivons déjà de l’arrivée dans notre pays de beaucoup de touristes. Notre affaire va très bien marcher », a affirmé Fadima qui, innocemment, assimile les participants étrangers à des touristes.
Cependant, à notre question de savoir comment elle entend vivre ce début 2017, notre interlocutrice est formelle: «Nous nous préparons très bien pour les accueillir. Ils ne vont jamais oublier leur séjour à Bamako et notre diatiguiya. La priorité leur sera accordée comme ils ne seront là que pour une semaine au plus. C’est une occasion pour nous, travailleuses de sexe, de nous rattraper financièrement sur notre boulot; car, nos frères maliens ne sont plus gentils et généreux comme avant».
Puis, elle enfonce le clou: «Nous invitons nos amis démarcheurs de se retirer un peu pour nous permettre de faire notre business. Nous allons discuter face à face avec nos client VIP».
La «mode Politique et Développement de l’Afrique» rimera plus avec Protection chez les travailleuses de sexe
S’il est à noter que la présence de milliers d’accompagnateurs internationaux au Sommet Afrique-France est une occasion en Or pour ces travailleuses de sexe pour se faire de l’argent, c’est aussi une période où elles seront plus exposées à tous les risques.
Sophie, travailleuse de sexe VIP, parce que opérant au volant de sa petite voiture Toyota climatisée et nantie de son CAP en comptabilité, et à disposition des gros bonnets qui la font appeler par le biais des Réceptions des grands hôtels de la capitale, se prononce: «C’est avec joie et empressement que nous attendons le mois de janvier prochain. Cependant, nous avons l’obligation de nous protéger dans l’exercice de notre profession et de protéger surtout nos habituels clients maliens. Les étrangers viendront avec les moyens mais il nous faut demander systématiquement le port du préservatif lors des rapports sexuels. Parce qu’on ne sait jamais. Certains d’entre eux sont de potentiels porteurs d’infections sexuellement transmissibles (IST) et de maladies graves».
Comme une profession de foi, la go Sophie lance un appel à ses sœurs, professionnelles du métier: «Nous demandons et exigeons systématiquement le port du préservatif lors de nos services. C’est vrai, les propositions seront alléchantes, la demande sera forte ainsi que l’offre. Mais, de grâce, pensons à la santé de nos familles, de nos fidèles clients locaux que nous allons surement délaissés le temps de la tenue du Sommet pour les urgences et besoins de l’heure. Nous savons que le Malien ne donne plus comme avant en ce moment. Ce n’est pas au mois de janvier prochain que la capacité financière de nos frères maliens va subitement augmenter. Cependant, dans notre quête de satisfaire nos clients du Sommet Afrique-France et gagner au mieux nos prestations habituelles de services, pensons à nous-mêmes et à la bonne santé de nos clients en général».
Les travailleuses de sexe lancent la fatwa contre les «Hôtesses d’accueil»
A la lumière de nos discussions avec les travailleuses de sexe, il ressort qu’elles se préparent activement pour la réussite du Sommet France-Afrique, à leurs façons. Se disant ainsi prêtes, elles ont, cependant, une inquiétude. Surtout pour le cas des Hôtesses d’accueil qui seront, elles, durant les travaux, en contact plus que direct avec les participants de tous bords confondus.
Pour Rachida, cette prostituée marocaine installée à Bamako depuis 2012, si elles se réjouissent de la tenue du Sommet, leur seule inquiétude demeure les «Hôtesses d’accueil» . L’effilée Rachida, native de Marrakech, nous dit ceci: «Les Hôtesses d’accueil lors des séminaires et rencontres rivalisent avec nous. Je dirais qu’elles nous piquent même nos potentiels clients. Elles ne sont pas des professionnelles du sexe ; mais, par leurs comportements et attitudes, elles dévalorisent notre métier. Elles s’offrent pour presque rien ou, du moins, à des prix dérisoires. Elles nous mettent en difficultés»
Sa copine et collègue de service, Amina, est plus en courroux contre les Hôtesses d’accueil : «Il faut qu’elles se comportent, cette fois-ci, très bien. Sinon, nous autres, nous pouvons également être des Hôtesses d’accueil le jour ensuite assurer la nuit et «svp» proprement. Si elles ne veulent pas avoir des problèmes avec nous, elles ont intérêt à nous laisser tranquillement les participants étrangers. Elles feront mieux de s’occuper de leurs copains que de nous mettre les bâtons dans les roues», a prévenu la professionnelle Amina.
Comme quoi, la course contre la montre engagée, pour la réussite du Sommet France- Afrique de Bamako, n’est pas que l’apanage du Président IBK. Des préparatifs sur lesquels reposent d’énormes espoirs de butin se peaufinent également dans les arcanes des travailleuses de sexe qui, pour rien au monde, n’entendent pas rater une telle aubaine. Pourvu que les hôtesses leur laissent les proies libres !
Katito WADADA : LE COMBAT