Moins de 120 h du déplacement des Chefs d’Etat du G5 Sahel à Pau sous convocation du Président français Emmanuel Macron pour une clarification par rapport au cas de la force française Barkhane ; Guindo Sidiki, un ancien élève des écoles de statistique d’Afrique rend public le résultat de son sondage qui d’une part témoigne le développement du sentiment anti-français et d’autre peut-être une directive pour les Chefs d’État. Lisez la note !
« Le sentiment anti politique française est une réalité sans aucune ambigüité : plus de 80% de la population ont une opinion défavorable de la France ; 77% pensent que la France est au Mali uniquement pour ses propres intérêts ; 62% pensent que la France doit quitter le Mali sans condition ; 73% pensent que la France est complice dans les attaques contre nos forces de défenses et 55,2% de la population pensent à la Russie comme meilleur allié pour nous sortir définitivement du gouffre ; tandis que 14,5% pensent à la Chine ; 11,7% pensent aux USA et seulement 7,4% pensent à la France.
La richesse de l’actualité nous a encore poussés à réaliser un sondage d’opinion auprès de la population. Le sondage en question utilise la méthode des quotas et s’est déroulé du 4 au 9 décembre 2019 dans le district de Bamako. La taille de l’échantillon est de 1 320 personnes de 18 ans ou plus. Les résultats sont donc représentatifs du district de Bamako et non du Mali tout entier.
Les aspects mesurés au cours du sondage sont entre autres :
1. L’opinion de la population sur la politique française au Mali.
2. L’opinion de la population sur la lutte contre la corruption et les récentes interpellations par la justice.
3. La cote de popularité des différentes personnalités politiques, religieuses et de la société civile.
Cette première contribution de l’étude traite de l’opinion de la population sur la politique française au Mali.
À la question de savoir : Avez-vous une opinion favorable ou défavorable de la France ? Il ressort de l’analyse des résultats que : plus de 80% de la population ont une opinion défavorable de la France (avec 62% très défavorable et 22% défavorable). Seulement 15,3% de la population ont une opinion favorable de la France. Concernant le travail de la France sur la crise malienne, il ressort de nos résultats que 85% de population sont insatisfaits de ce travail (avec 66% de très insatisfaits et 19% d’insatisfaits). Le sentiment anti politique française est donc une réalité sans aucune ambigüité.
Concernant toujours la présence française au Mali, plus de trois personnes sur quatre (précisément 77%) indiquent que la France est au Mali uniquement pour ses propres intérêts. On a 16,6% qui soutiennent que la France est au Mali pour ses propres intérêts, mais aussi pour aider le Mali, alors que seulement 4,6% soutiennent que la France est chez nous uniquement pour nous aider.
Est-ce que la France doit quitter ou rester au Mali ? Sur cette question, 62,1% de la population pensent que la France doit quitter le Mali sans condition, 25,3% pensent que la France doit, soit changer soit quitter notre pays et 12,6% pensent que la France doit rester au Mali.
Est-ce que la France est complice ou non dans les attaques contre nos militaires ? Les réponses à cette question montrent que le niveau de frustration de la population est sans ambiguïté. En effet, jusqu’à 73% des Bamakois pensent que la France est complice dans les attaques contre nos forces de défenses, 12% pensent que la France n’est pas du tout complice et 15% n’ont pas pu répondre à cette question.
Même si la population est assez frustrée contre la France, elle est relativement sensible aux décès des militaires français. En effet, 53,3% de la population ont positivement apprécié le voyage du président IBK pour les obsèques des 13 militaires français tués. Cependant, 45.6% pensent que le Président IBK devrait envoyer un représentant (comme il le fait pour le décès de nos militaires).
Quelles alternatives pour sortir définitivement de cette crise ? Nous avons comparé quatre pays : la France, les USA, la Chine et la Russie.
En termes d’opinion sur ces pays : 82,6% de la population ont une opinion favorable de la Russie, cette statistique est de 78,9% pour la chine, 60,2% pour les États-Unis et seulement 15,3% ont une opinion favorable de la France. Pour une résolution définitive de la crise, 89,4% de la population pensent qu’il est important de demander l’aide de la Russie ; 83,0% pensent qu’il est important de demander l’aide de la Chine, cette statistique est de 72,8% pour les États-Unis. En termes de comparaison entre les quatre pays, précisément à la question de savoir : au jour d’aujourd’hui, selon vous, entre la France, la Russie, les États-Unis et la Chine qui sera le meilleur pays pour aider le Mali à retrouver une paix définitive ? Nous avons trouvé que 55,2% de la population pensent à la Russie comme meilleur allié pour nous sortir définitivement du gouffre, 14,5% pensent à la Chine, 11,7% pensent aux USA et seulement 7,4% pensent à la France, 11,2% n’ont pas pu faire un choix entre les quatre pays.
Quelles leçons tirées de ces résultats :
Au Président Macron : le sentiment anti politique française est tellement si fort et si clair qu’il ne peut être attribué à un ou deux hommes politiques (comme indiqué dans votre discours). Aussi, demander à notre Président IBK d’aller directement et les yeux fermés contre l’opinion des citoyens serait trop lui demander. C’est comme si on vous demandait de n’accepter aucun dialogue avec les gilets jaunes. D’ailleurs, que IBK vous félicite ou vous désapprouve (lors de votre rencontre) ne changera pas les opinions. Aussi, votre manière arrogante d’inviter nos Présidents nous humilie et n’arrange pas la situation. Enfin, si vous décidez de quitter le Mali (absolument certain que vous n’allez jamais le faire même si les autorités venaient à vous le demander !) les Maliens pensent déjà à la Russie.
Au président IBK: vous êtes aujourd’hui entre le marteau et l’enclume. Si vous prenez position à côté du Président Macron, vous risquez d’être tristement célèbre aux yeux des Maliens. Si vous vous opposez catégoriquement au Président Macron jusqu’à lui demander de retirer ses troupes, sachez qu’il ne le fera point et vous pourrez même avoir une pression au plan international. Une des stratégies consiste à remettre la question de la présence française aux 5 ministres de la défense du G5 Sahel afin qu’ils fassent un diagnostic force-faiblesse de notre coopération avec la France dans les 30 jours suivants. Dites à Macron d’attendre les résultats de ce diagnostic.
Aux responsables de partis politiques : c’est le moment d’avoir une position claire vis-à-vis de cette grande question qui touche le Mali. Nous constatons malheureusement que rares sont les chefs des « grands » partis qui arrivent à avoir une position tranchée sur la France.
À la population malienne dans son ensemble : aucun pays ne va laisser ses propres préoccupations pour venir s’occuper des nôtres. Tirons toutes les leçons de tout ce qui nous arrive aujourd’hui afin d’avoir un lendemain meilleur.
Guindo Sidiki,
Ancien élève des écoles de statistique d’Afrique.
guindosidiki@yahoo.fr
NB : Les titres sont de la Rédaction