Soupçonnés par les pays voisins de s’adonner à un double jeu, plusieurs groupes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) tentent aujourd’hui de redorer leur blason en mettant en avant leur attachement à l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale (signé en mai et juin 2015 à Bamako). C’est le cas du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) qui, à l’issue de son second congrès statutaire réuni du 26 au 28 octobre à Kidal, a annoncé vouloir se transformer en parti politique. Curieuse option de la part d’un groupe qui n’a jamais adhéré à l’accord que du bout des lèvres et qui, surcroit, peine à convaincre de ne pas être de connivence avec lyad Ag Ghali.
Les 26, 27, 28 et le 29 octobre 2019 se sont tenues les assises du deuxième Congrès ordinaire du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à Kidal. Un événement, selon la direction du mouvement, marqué par «une série de débats francs et fructueux à la fois pendant les débats en ateliers et en plénière». Ce qui lui a permis notamment de faire des constats, notamment «blocage de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger».
Une situation que les leaders du HCUA lient au manque de portage politique de l’Accord pour la Paix par le Président de la République, premier garant de son application, qui se traduit par une mauvaise coordination de l’action gouvernementale ; à la faible appropriation de l’Accord par les signataires, notamment le gouvernement, avec comme conséquence l’absence de l’adhésion de l’opinion nationale ; au manque de volonté du gouvernement de mettre en place les outils nécessaires pour la réforme du secteur de défense et de sécurité ; à l’incompatibilité de l’architecture institutionnelle actuelle avec la nouvelle gouvernance consacrée par l’Accord ; à l’absence de transparence et de traçabilité des fonds alloués à la mise en œuvre de l’Accord.
Et pour les ex-rebelles (néo terroristes ?), le président de la République doit «fortement s’impliquer pour la mise en œuvre de l’Accord». Et afin de mobiliser les ressources humaines et matérielles nécessaires à son application intégrale et diligente et engager une campagne de sensibilisation en vue de son appropriation positive par l’opinion nationale. Ils ont aussi recommandé la constitution et le déploiement des premières unités reconstituées pour servir «d’embryon de la nouvelle armée reconstituée».
D’où, pour les participants, «la nécessité d’imprimer (au mouvement) une vocation de promotion de la paix et des valeurs sociétales de tolérance, de coexistence pacifique, de bon voisinage et du respect de la diversité tout en condamnant toute forme de terrorisme». Le HCUA est également favorable à «la fusion de la CMA et de toute autre organisation partageant les mêmes idéaux en un seul mouvement»
«Le Congrès réaffirme son ferme attachement à la mise en œuvre intégrale et diligente de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation Nationale issu du processus d’Alger comme gage de stabilité», a annoncé le HCUA dans un communiqué qui a sanctionné ses assises.
Le hic, c’est qu’Alghabass AG Intalla (reconduit au poste de Secrétaire général) charge IBK et son gouvernement sans jamais se remettre en cause dans la situation. Qu’est-ce que la CMA a fait pour que les lignes bougent réellement dans la mise en œuvre de l’APR ? Pourquoi ses leaders sont-ils encore opposés à toute présence de l’Etat à Kidal ? Pourquoi le HCUA n’a jamais déposé les armes pour cantonner ses combattants et libérer ses mercenaires ? Toutes ces accusations de collision avec les groupes terroristes, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) d’Iyad Ag Ghali, sont-elles fausses ? Le Groupe d’experts des Nations unies dont le rapport remis en juillet 2019 accuse certains responsables du HCUA d’être impliqués dans le trafic international de drogue a-t-il aussi menti ?
C’est sur l’éclairage de ces «zones d’ombre» qu’Alghabass AG Intalla était attendu par les observateurs. Un exercice qui aurait rendu crédible les accusations portées contre IBK et son gouvernement comme étant les seuls responsables du blocage de la mise en œuvre de l’APR.
Et l’architecture institutionnelle souhaitée en conformité avec la nouvelle gouvernance consacrée par l’Accord sera un boulevard largement ouvert pour l’indépendance de l’Azawad. En effet, l’agenda caché dont parle peu Alghabass AG Intalla et pour la concrétisation duquel il manœuvre sans cesse, c’est la création d’un émirat indépendant à Kidal dirigé par des touaregs Ifoghas islamistes sous la tutelle de Iyad Ag Ghali ! Un projet sécessionniste qui n’est qu’un secret de polichinelle pour beaucoup «d’amis» du Mali engagés à nos côtés pour combattre le même Iyad.
Si les leaders du HCUA étaient réellement attachés à la paix au Mali, ils auraient dû combattre les terroristes, afin de conserver leur légitimité aux yeux de tous, au lieu de s’allier à eux. A ce jeu, ils apparaissent comme des marionnettes de ceux qui déstabilisent le pays afin d’imposer la Charia.
Et il n’y pas de doute que si les Touaregs réussissent à obtenir un Etat, il sera récupéré par ces terroristes qui ne s’arrêteront pas aux frontières du nord du Mali. Aujourd’hui, le constat est que L’Azawad a succombé aux promesses alléchantes du terrorisme qui par la suite ne fera qu’une bouchée d’eux. Ces groupes terroristes se servent des Touaregs pour pouvoir ensuite récupérer l’Azawad pour en faire un territoire soumis à l’autorité d’un calife.
Hamady Tamba LE MATIN