L’affaire relative à l’acquisition d’un aéronef et des matériels militaires ne doit pas être ainsi renvoyée aux calendes grecques sans suite pénale. Le Rapport individuel rendu public, hier, mercredi, par le Bureau du Vérificateur, enfonce le clou dans la plaie. Au total, c’est une enveloppe de 28.549.901.190 FCFA pour les cas d’irrégularités financières, dont 12.422.063.092 de fraude qui a été constatée dans l’achat entre novembre 2013 et février 2014. En d’autres termes, la période déclarée par le locataire de Koulouba, Ibrahim Boubacar Kéïta, comme celle de la lutte contre la corruption.
Haute trahison? L’expression qualificative qu’emploie tout lecteur objectif de ce document de 240 pages relatif aux démarches établies par la chaine actrice de l’acquisition d’un aéronef et des matériels militaires avec d’habillement, de couchage, de campements et d’alimentation ainsi que de pièces à rechanges faites dans la période sous revue. Anarchie administrative, détournement des fonds publics ; en un mot, les révélations faites par l’équipe du VG dépassent l’entendement du commun des mortels pour être ainsi enfouies dans les tiroirs. «Le Ministre de la Défense et des Anciens Combattants a effectué les deux acquisitions en l’absence de toute expression de besoins préalablement et formellement définie», déplore en premier lieu le document dont votre Rédaction possède une copie.
Après avoir retenu des candidats n’ayant pas les capacités requises pour assurer l’acquisition de l’aéronef et la fourniture de matériels HCCA, des véhicules et pièces de rechange, le Ministre de la Défense a signé des contrats d’acquisition et de fourniture dépassant ses domaines de compétences en matière d’approbation et n’a pas fait respecter les procédures requises en matière d’enregistrement des contrats dans le cadre de l’acquisition de l’aéronef et de la fourniture de matériels HCCA, des véhicules et pièces de rechange aux Forces Armées nationales. «Le MDAC a signé les deux contrats d’acquisition renfermant des insuffisances. Le MDAC a signé un protocole d’Accord renfermant des clauses contraires aux dispositions relatives aux Lois des finances et à la comptabilité publique. Le MDAC a immatriculé l’aéronef comme propriété de ‘‘Mali BBJ Ltd’’», révéla la note du Vérificateur Général.
En effet, pour ceux qui ont bonne et belle mémoire, le Gouvernement du Mali a effectué en 2014 des acquisitions d’un montant de total de 87,77 milliards de FCFA, dont 18,9 milliards de FRANCS CFA pour l’acquisition d’un aéronef destiné au Président de la République et 9,18 milliards de FRACS CFA pour des équipements et matériels destinés aux forces armées. Aussi, pour rendre nécessaire ces acquisitions qui paraissaient légitimes vu la gravité de la guerre asymétrique qui sévissait et qui sévit toujours, un recours a été fait à l’Article 8 du Décret n°08-48/PRM du 11 août 2008 portant Code des Marchés Publics et le Ministre de la Défense a établi un protocole d’Accord pour la fourniture d’équipements avec des modalités de paiement pluriannuel. Mais, détournant leur cadre originel, les dépenses, du fait de leur caractère extra budgétaire ont fait l’objet d’appréciations divergentes de la part de certains partenaires techniques et financiers dont le Fonds Monétaire Internationale (FMI) et dont le concours financier est souvent sollicité sous forme d’appuis budgétaires globaux et sectoriels.
Alors que le contrat de «Cession-Acquisition d’aéronef» stipule que l’acheteur est redevable du coût de contrôle préacquisition (inspection) qui peut inclure un vol d’essai qui sera effectué par le pilote du Cédant en présence de quatre Représentants du Cessionnaire à bord, il a été constaté qu’aucun Représentant du Gouvernement malien n’a participé à l’inspection de l’Aéronef et au vol d’essai bien que disposant des structures compétentes. Et à la suite de la production d’un Rapport d’inspection produit par la société AMAC AEROSPACE (pourtant non recrutée officiellement par l’État pour l’occasion), le Gouvernement a payé le montant de 329.548.538 francs CFA à Sky Colour pour les frais d’inspection, les frais d’immatriculation, les honoraires d’Avocat, les frais relatifs à l’armement de l’avion, à la maintenance, à la peinture et à l’achat de fuel pour convoyage de l’appareil à Bamako, alors que, répétons-le bien, cette société ne dispose d’aucun contrat avec le Gouvernement malien pour ces prestations de services.
Le Procureur de la République déjà saisi
Des têtes doivent tomber. Des acteurs de l’achat jusqu’au bout de la ligne d’acquisition comme GUO-STAR-Sarl et également la société privée UNE-SARL au capital de quelques millions de FCFA seulement, se voit attribuer sans avoir même demandé, un contrat de 9 milliards de francs CFA, exonéré de tous droits d’enregistrement et à la clé une garantie de l’acheteur (État) sans laquelle la Banque n’aurait jamais financé une telle opération au profit de cette société. Donc, la réaction de la Justice est vivement attendue. Constatant la gravité de la trahison perpétrée par la chaine actrice de l’acquisition, le Vérificateur Général a déjà saisi le Procureur de la République pour :
– détournement et complicité de détournement des fonds publics par l’engagement irrégulier des finances publiques;
– l’utilisation frauduleuse et détournement des deniers publics d’un montant de 9.012.070 FCFA ;
– délit de favoritisme ;
-faux et usage de faux ;
– trafic d’influence ;
– fraudes fiscales portant sur le non-paiement des droits d’enregistrement et des redevances de régulation, en l’absence de toute autorisation légale d’exemption.
En somme, ce sont des faits qui ne doivent pas rester impunis ; car, c’est la parfaite illustration d’une mauvaise gouvernance financière, d’une gestion désastreuse des deniers publics et d’une destruction de l’appareil militaire.
Affaire à suivre !
Seydou Konaté LE COMBAT