Le samedi 18 mai, une Assemblée Générale s’est tenue ici à Bamako dans le but d’échanger en premier lieu sur l’ampleur de la corruption et, par la suite, poser des jalons solides pour la combattre avec rigueur. Y étaient présents, le Doyen Soya Golfa, Président du Groupement des Commerçants maliens (GCM) ; Mamadou Sinsy Coulibaly, Président du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM) ; le Pr Clément Dembélé et tant d’autres Représentants des associations des commerçants, tous prêts à soutenir l’initiative d’éradiquer ce mal qui ronge notre pays.
Des dizaines de personnes sont réunies, le samedi 18 mai dernier, pour émettre des avis tous différents les uns que les autres, toutefois, dans la même direction qui n’est autre que la lutte contre la corruption. Cette AG a été d’un apport précieux et édifiant pour les participants.
Pour permettre aux invités de prendre conscience de la gravité du phénomène de corruption, le Doyen Golfa fera un bref rappel de l’histoire lorsqu’il parla de la SOMIEX (Société malienne d’importation et d’exportation), une société créée par l’État malien dans les années 60 ayant le monopole du commerce import-export dans notre pays.
«Le 22 juin 1962, nous avons créé le franc malien et toutes les sociétés étrangères ont quitté le pays sauf les Maliens eux-mêmes. À l’époque, l’État était le commerçant sous la bannière de la SOMIEX. Tout ce qui concerne les grandes consommations était géré par une seule structure, la SOMIEX. Les commerçants n’avaient pas droit à la licence. Le chiffre d’affaires de la SOMIEX était plus élevé que le Budget du Mali, mais cela n’a pas empêché cette structure de se casser la gueule. Nous, les commerçants, avons pris le relais, mais depuis cette période jusqu’à présent on a rencontré que des ennuis. De ce fait, si quelque chose se pointe pour combattre cela, pourquoi ne pas être derrière pour la soutenir ? Ou bien, ne nous aimons pas nous-mêmes ; où bien nous n’aimons pas notre pays ? » Et de terminer ainsi: « Ce n’est pas facile de travailler au Mali et de réussir à long terme. Nos Dirigeants n’ont aucun respect pour nous».
Au tour du célèbre Homme d’affaires Coulibaly, de prôner la solidarité, le seul stratagème pour réussir cette mission difficile.
Selon le Pr Clément Dembélé, plusieurs Rapports qu’il détient sur lesquels il a travaillé, attestent que 43% des Commerçants indépendants et Opérateurs économiques sont contraints de se plier à la doctrine de la corruption. La personne qui veut s’en affranchir se verra stagner dans les locaux de ces services concernés. Une pratique qui finalement nuira à la santé de l’entreprise. Ce même Rapport dit que d’ici à 2025, les 83% des commerçants en activité aujourd’hui déposeront la clé sous le paillasson pour cause de corruption.
«Au Mali, aucun commerçant ne peut dire qu’il possède des milliards, ou espère léguer son affaire à ses progénitures. C’est impossible ! Pour respirer et avoir la main libre, il faut au moins dépenser par les voies normales et les sous-tables, 80% des bénéfices perçus. Il est temps de savoir que le pays n’avancera pas sans notre autonomie. Tous ces conflits n’ont qu’un seul mal, le manque d’argent. Tant que les commerçants n’ont pas les mains libres et pour cela combattre d’abord la corruption, les opérateurs économiques ne pourraient pas travailler comme il le faut », explique l’intervenant. Puis il surenchérit en ces termes : «Si la consommation grossit, le pouvoir d’achat va augmenter et si le pouvoir d’achat augmente la production grimpera et ainsi la consommation est élevée. De ce fait, le bénéfice sera forcément doublé et la personne pourrait alors vivre de son travail. Personne parmi nous ne peut faire ce combat seul, mais ensemble nous pourrons aller plus loin. Et, un jour, l’Histoire retiendra que des opérateurs économiques se sont battus afin de laisser derrière eux une meilleure vie pour leurs descendants. Il est temps de prouver que vous avez un rôle à jouer dans ce pays et que ce n’est pas uniquement vendre et déposer l’argent à la Banque qui vous préoccupe. Unissons-nous pour ce combat… » Et de terminer par ces propos fâcheux : « À l’extérieur du pays, des Maliens taisent leur nationalité, j’en ai été témoin. Ils se disent n’y être pas fiers. Les oranges vendues dans nos marchés sont le fruit du labeur de nos enfants immigrés au Maroc. C’est eux qui travaillent dans les champs orange au Maroc».
Le Président du Patronat reprend la parole en disant que le combat est l’affaire des secteurs privés. Puis, il fait la lumière sur l’affaire du Président de la Cour Suprême. A ses dires, il n’a jamais serré la main du Président de la Cour Suprême Nouhoum Tapily et ne le connaît pas personnellement. Son combat à lui n’est pas une question d’Homme, mais plutôt d’un système. Ensuite, il a fait savoir à l’Assemblée que cette lutte contre la corruption n’est pas de son seul bond, il ne pourra pas le faire sans le concours de tous.
Il affirme avoir déjà l’approbation du Gouvernement. « Nos Dirigeants eux-mêmes se sentent rabaisser à chaque rencontre avec les partenaires financiers qui leur parlent de la corruption dans leur pays, cela nuit énormément à la réputation du Mali à l’extérieur. Donc, ils sont prêts à prêter main-forte à notre combat. Il faut comprendre que la lutte contre la corruption ne veut pas dire être contre le Gouvernement».
Au passage, il n’a pas manqué de faire la louange de nouveau Ministre de la Justice Malick Coulibaly le qualifiant d’Homme intègre qui a d’ailleurs bonne presse. D’après lui, cet Homme de parole a promis de les accompagner.
Il révèlera également que certains Juges sont prêts à leur assister et les aider dans leurs démarches s’il le faut.
Et de conclure que combattre la corruption est une question de survie. « Des études ont démontré que d’ici à 2025 si rien n’est fait toutes nos sociétés s’effondreront. Cela veut tout simplement dire que nous allons prendre les armes et provoquer une guerre civile. De plus en plus l’argent est concentré entre les, mais de quelques personnes. Or, nous n’avons que ce pays, nous ne disposons de rien ni en France, ni aux États-Unis, ni ailleurs. Ceux qui ont acheté des appartements, des maisons hors du pays déguerpiront en nous laissant ici », déplora-t-il.
Finalement, la séance a été levée dans une ambiance de convivialité après que quelques participants aient pris la parole pour tout d’abord dénoncer la corruption et ensuite donner leur point de vue sur la façon dont ils doivent s’organiser les jours à venir pour bien attaquer «le démon».
NNC