Dans les années 90, confronté à des difficultés multiformes, le Mali, à l’instar d’autres pays de la sous-région, s’ouvrit à des conditionnalités draconiennes des Institutions de Brettons Wood afin de bénéficier de ressources financières nécessaires à la relance économique pour plus de croissance. Il s’agit des Programmes d’Ajustement Structurel (P.A.S.). À cause de la crise conjoncturelle qui devint structurelle, les salaires pouvaient se payer au rythme inconstant d’un seul mois sur trois mois travaillés. Des corporations de travailleurs, surtout celles éloignées des secteurs financiers, ont été vouées à l’humiliation sociale ; situation insoutenable qui a justifié en 1991 et 1992, le départ massif des fonctionnaires à la retraite anticipée : enseignants, agents de santé, magistrats, ingénieurs agronomes, agents techniques, militaires …tous très utiles cependant à notre développement. Ils ont bénéficié de la prime d’incitation la plus minorée dans la sous-région en attendant qu’au plus tard, dans les six mois qui suivent, leur soit payé le fonds nécessaire à leur réinsertion dans le secteur privé afin de devenir des opérateurs économiques susceptibles de créer des emplois pour la Jeunesse. Ils ont été empêchés de réussir leurs projets de réinsertion, de reconversion ou de nouvelle vie. Justement, c’est ce fonds de réinsertion qui est en cause aujourd’hui encore après vingt-sept ou vingt –huit ans.Dans la sous-région, le Mali est le seul pays qui traine encore ce problème en boulet à ses pieds. Le départ volontaire, plus que les humiliations des années 90 de la « Dictature », a réduit les partants volontaires en véritables rebuts sociaux attendant encore le financement de leurs projets que les bureaux d’études ont montés à grands frais issus des fonds du programme.Leur espoir résidait dans les dernières négociations de l’UNTM en leur nom, qui a désormais pris faits et causes pour eux dans le sens de rétablir leurs droits de travailleurs dont le sacrifice a permis aujourd’hui l’ augmentation des salaires au-delà du paiement régulier. Du reste, y a-t-il lieu de négocier encore des droits bien établis et entièrement pris en charge par la Banque Mondiale, comme le soutient l’UNTM ? Une grève s’impose-t-elle réellement contre une telle évidence ?
Où est parti le fonds de garantie de leurs projets ? Qui, et en vertu de quoi, s’oppose à la résolution du problème des partants volontaires du Mali, nos parents, nos frères, mères ou sœurs de nous tous, mais qui mendient tous les jours jusqu’ à leur pitance? Il convient de désamorcer rapidement cette autre, mais sempiternelle bombe sociale qui interpelle les autorités, la Banque Mondiale, Le Fonds Monétaire Internationale, les partenaires, l’opinion nationale et nécessite l’arbitrage urgent du Président de la République sur la base de la vérité.
La présente lettre adressée au Président IBK est un vrai cri de cœur pour leur délivrance. Elle éclaire le peuple sur le bien-fondé de leurs droits, sur leur condition inacceptable en démocratie et dans l’État de droit.
[Excellence Monsieur le Président de la République,
Dans notre pays, il est malheureux de constater que des couches sociales des plus démunies et surtout des mieux indiquées restent quasiment oubliées dans votre Programme Présidentielle d’Urgence Sociale (PPUS). Donner de l’eau et de l’électricité aux populations, cela porte bien sûr au plan politique et reste à votre honneur et en celui de votre Gouvernement. Mais, aujourd’hui, plus qu’il ya vingt-huit (28) ans,plus de cinq mille vingt-trois (5.023)« maliens », membres de notre association, doutent bien de leur appartenance à la République, de leur citoyenneté, parce qu’ils sont privés du minimum vital alimentaire à « cuire à l’eau », du logement « à éclairer » ; leurs enfants n’ont pu étudier et toutes leurs familles sont désormais vouées sur plusieurs générations à la souffrance et au sentiment de frustration générés et entretenus par des indélicatesses de l’État.
Monsieur le Président de la République, comme il s’impose de le rappeler au Peuple tout entier, à l’opinion nationale et internationale, à partir de 1990, la Banque Mondiale a entièrement versé à l’État du Mali tous les fonds nécessaires pour octroyer aux déflatés de la Fonction Publique du Programme 1991-1992 la pension et, pour tous, un fonds de réinsertion dans le secteur privé. Nous nous référons à un extrait (ci-joint) de l’Accord-cadre (signé avec la Banque Mondiale) ressortant du Rapport de la Mission Résidente de l’institution au Mali de janvier 1993 qui reflète le montant chiffré à 310 milliards, qui précise les bénéficiaires, les conditionnalités de son utilisation et la composition des membres de la Commission Administrative ou de mise en œuvre dudit programme. De ces membres vivent encore en témoins de la situation et de tous les faits. Il s’agit de Messieurs, Bassary TOURE (Président), Daba DIAWARA (membre), feuOumar KASSOGUE (membre) et de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) en qualité de Membre Consultatif qui, elle, joue bien son rôle aujourd’hui. L’État lui-même n’avait qu’un rôle de superviseur vite outrepassé au cours de l’exécution du programme.
Monsieur le Président de la République,
Depuis 1991, nonobstant la réception des fonds par l’Etat et tous ses engagements auprès de la Banque Mondiale, les partants volontaires attendent encore leur réinsertion dans la vie active et la jouissance, sans aucune discrimination, de leurs droits à la pension. Le Premier Gouvernement de la Troisième République, donc de notre ère « démocratique », a répondu à l’ATVR qu’ au nom de la raison d’État, la Transition de 1991 est plutôt comptable de nos malheurs et alors les autres gouvernements successifs ont vite fait, en toute mauvaise foi, d’accuser nos militants d’être de mauvais payeurs pour des financements de « projets -mort-nés » quand en réalité les banques recevaient du Trésor les fonds à compte-gouttes et prélevaient leurs intérêts sur la durée du prêt sans attendre que lesdits projets se mettent en œuvre et génèrent de la ressource pour rembourser, s’il ya lieu .Vous savez qu’en fin de compte le gouvernement devait raisonnablement bloquer les financements en interrompant le dépôt mensuel de cinq cents millions (500.000.000) FCFA dans les banques. Du reste, tous les prêts étaient garantis à 100% (avec la participation de la Caisse Nationale d’Assurance et de Réassurance –CNAR- pour la moitié 50%). Ainsi les 367 projets financés au total sur plus de 5000 demandes ne pouvaient prospérer puisque la CNAR ne pouvait en réalité tenir le coup sans disparaître elle-même. L’État se serait juste donné le prétexte de restructurer la CNAR, mais plus nettement de recapitaliser des Banques de la place dont la BDM (comme l’UNTM l’a déclaré) avec les fonds du Programme. Pourquoi alors jeter l’opprobre sur nos militants qui ne pouvaient rien réussir et donc rien rembourser , du fait de la garantie elle-même à 100% et surtout à cause des mauvaises pratiques des banques (réduction du coût initial du financement des projets montés à grands frais par les Bureaux d’Études, précompte de la totalité de l’intérêt au décaissement, simple redistribution de petits montants de l’argent reçu du Trésor public, non-mobilisation de leurs fonds propres) ? Or les fonds de la Banque Mondiale n’étaient pas du tout « budgétisables», ne devraient donc pas concerner le Trésor Public. Mieux, les financements s’effectuaient sans la participation ou la caution du Bureau ATVR. C’est l’État qui a perçu et conçu le financement de projets comme la seule issue de notre réinsertion. C’est lui qui, délibérément, a empêché les déflatés de la Fonction Publique (du volet Banque Mondiale et FMI) de réussir leurs projets de nouvelle vie pour les livrer ensuite à la risée populaire. Quatre mille six cent cinquante-six (4.656) projets n’ont jamais été financés dans le cadre de la réinsertion de leurs porteurs. Aucun autre chiffre ne pourrait s’opposer au nombre vérifiable de 367 projets financés dont les intitulés, les bénéficiaires, les montants et les banques sont bien identifiés auprès de l’ATVR.
À quel destin voulait-on vouer les partants volontaires, surtout ceux injustement privés de pension, n’ayant pas non plus bénéficié de ce financement ou de leur fonds de réinsertion et qui constituent la frange jeune dont le dynamisme s’est émoussé avec le temps et l’âge ?
Monsieur le Président de la République, vous avez été acteur de la mise en œuvre de ce Programme et avez compris vous-même, en votre qualité de Premier Ministre d’antan, la diabolisation des partants volontaires innocents par l’État. On se rappelle aussi qui était le chef de la Sécurité d’État. En désespoir de cause, n’ayant aucun interlocuteur en face alors que ses militants sont spoliés de leurs droits, l’ATVR a cru à la force de la Justice malienne. Ceci justifie les procès gagnés auprès de nos impartiales juridictions, mais dont l’Etat a constamment refusé de subir les décisions qui le condamnent.
Lorsque l’État fut assigné jusqu’au niveau de la Cour Suprême du Mali, celle-ci lui ordonna de produire l’Accord-cadre entre lui et la banque Mondiale qui devint introuvable en conséquence et paraît désormais classé « Top Secret».
Même l’épisodique fonds de solidarité présidentielle 2008 de trois cent soixante-huit cinq cents francs CFA (368.500) pour chaque déflaté (totalisant 2.5milliards) au lieu des cinq cent mille francs CFA initialement annoncés , a été considéré par la suite comme un fonds de règlement de droit pour les causes d’amalgame et du déni de droits. Combien d’intrus de l’administration sans être élus au programme ont, du reste, joui de ce fonds ? Mais, en plus, un fonds de solidarité, surtout d’un montant si dérisoire, ne peut aucunement éteindre nos droits bien établis, dont principalement celui à la réinsertion qui constitue l’essence du Programme et qui a motivé les départs de la fonction publique.
Monsieur le Président de la République, cependant Madame la Ministre du Travail et de la Fonction Publique, Chargée des Relations avec les Institutions, au cours du débat radiodiffusé le 21 juin 2018 sur KLEDU a, sans aucune ambigüité, assuré l’opinion que les dossiers relatifs aux compressés et aux partants Volontaires sont tous assortis de « décision de justice condamnant l’État à leur verser de l’argent ». C’est pourquoi, Monsieur le Président, la question du règlement définitif et responsable des droits des partants volontaires du deuxième Programme financé par la Banque Mondiale procède exclusivement de votre propre volonté politique. Alors, vouloir inscrire cette question dans l’agenda d’un Forum National dont les participants ne disposeraient point de l’Accord-cadre -Etat-Banque Mondiale pour éclairer leur opinion, ceci prolongerait délibérément le mal-vivre de nos militants, leur exclusion sociale et jouerait bien le dilatoire de la part du Gouvernement.
Monsieur le Président de la République, des « concitoyens », ayant commis des forfaitures inqualifiables dans notre pays, ont été graciés et placés ensuite dans des privilèges autant coûteux qu’enviables. Pour moins que des peccadilles (comme la marche de revendication, la quête d’informations sur leur dossier et les débats de studios de radios privées), les Partants Volontaires à la retraite anticipée ont connu la prison, le martyre et l’humiliation. Beaucoup ont perdu l’esprit, la vie, las d’attendre la satisfaction de leurs droits bien garantis cependant par la Banque Mondiale et dans la hantise d’un lendemain meilleur pour leurs « ayant droits». Les militants de l’Association des Travailleurs Volontaires à la Retraite (ATVR), fonctionnaires civils et militaires, se sont sacrifiés depuis 1991 pour qu’aujourd’hui on parle aisément, au-delà du paiement régulier des salaires, de leur augmentation en termes de prouesse politique. La transparence dans la gestion et votre engagement personnel à lutter contre le détournement et la corruption exigent désormais d’établir la traçabilité de l’utilisation faite des 310 milliards du programme de départ volontaire. Les militants de l’ATVR ne réclament aucune médaille qu’ils mériteraient bien d’ailleurs, mais sollicitent plutôt votre sens profondément religieux et votre devoir élevé d’assistance aux concitoyens frustrés de leurs droits. Il s’agit plus aujourd’hui d’accorder la jouissance de la pension pleine et le bénéfice du fonds de réinsertion à tous les fonctionnaires ou déflatés comme cela est assuré par la Banque Mondiale.
Monsieur le Président de la République,
En outre, ayant traversé plus de vingt-sept ans de géhenne et de résilience, sans aucun esprit de revanche contre les auteurs de la gabegie d’État qui sont leurs bourreaux, les Partants Volontaires se satisferont de l’organisation, sous votre autorité, d’un Audit de la Mise en Œuvre du Programme de Départ Volontaire pour traquer les nombreux agents de l’État véreux qui se sont illicitement enrichis dans l’opération. En matière de gestion de notre dossier, ces derniers, déjà à la retraite ou toujours en activité, commandent encore sous la complicité d’autres agents de l’État en vertu d’une fausse solidarité autour du « statut de fonctionnaires ou de l’influence de leur positionnement administratif d’antan». Ils œuvrent contre la résolution de notre problème susceptible de dévoiler, à n’en pas douter, beaucoup d’impairs et de détournements. À ce titre, Monsieur le Président de la République, nous ne parlerons pas du cas de partants volontaires ayant réintégré la fonction publique par laxisme et mercantilisme administratifs et qui attendent de bénéficier encore de nos droits, ni des agents infiltrés au Programme qui se sont octroyés des pensions de retraite ou encore d’autres fonctionnaires qui ont participé au décaissement et à la distribution indélicate de fonds destinés aux Partants volontaires. En conséquence, Monsieur le Président de la République, l’ATVR seule est à même de détenir et de communiquer un effectif réel en lieu et place des estimations fantaisistes de l’Administration qui afficheraient en termes d’argent des montants faramineux, inquiétants et insoutenables pour un État si fragilisé. Ainsi, les taupes sont nombreuses dans l’Administration et au sein même des Syndicats ; et la conspiration contre les partants volontaires est multiforme. L’Accord-cadre, ce document de la discorde, mérite d’être « déclassifié » et porté à la connaissance du peuple pour établir, d’une part, le bien-fondé de l’action des partants volontaires et bien légitimer, d’autre part, votre haute décision sollicitée en faveur des victimes ou « héros » du Programme d’Ajustement Structurel (P.A.S.).
Monsieur le Président de la République, à la lumière du contenu de la présente lettre ouverte , l’ATVR compte sur votre bonne compréhension et sait que vous êtes son recours ultime pour délivrer rapidement ses militants de l’attente incompréhensible de la satisfaction de leurs droits à pension et l’octroi de leur fonds de réinsertion même sous la forme d’un fonds de solidarité parce qu’aucun membre, après vingt-huit ans, ne recèle encore de la vigueur d’entreprendre une activité de réinsertion dans le secteur privé productif. Les opérations de constitution de dossiers de pension et l’établissement de la liste des bénéficiaires de la réinsertion constitueront un bon contrôle physique pour assainir la Fonction Publique du Mali, châtier les indélicatesses constatées et ouvrir de l’emploi pour la Jeunesse à laquelle vous dédiez vivement votre mandat. Inch-Allah !
Monsieur le Président de la République, au nom du droit et surtout de la vérité que l’administration ,le politique et même certaines tendances syndicales ne vous révèlent pas , ni à vous ni au peuple, sur la situation faite délibérément aux partants volontaires, nous vous prions d’intervenir en notre faveur pour que la seule « vraie poche de misère, d’injustice notoire et de frustration» qui reste au Mali et dans laquelle nous logeons depuis vingt-huit longues années se crève enfin, en l’honneur de notre démocratie respectueuse de la dignité de la personne humaine et en votre propre honneur d’homme d’État solidaire de son peuple , n’acceptant point la vie infrahumaine même pour une frange ou une minorité de son peuple qui a raison.
Monsieur le Président de la République La Banque Mondiale a versé au titre de la pension pour chaque déflaté cinq millions (5.000.000) de FCFA comme le témoigne l’UNTM. La majorité des fonctionnaires et des conventionnaires demandent simplement la révision du niveau de la pension proportionnelle dont ils jouissent déjà. La pension est entièrement confisquée pour une catégorie de fonctionnaires minoritaire dont la majorité n’a pas non plus bénéficié d’un financement du projet qui, en dépit de tout, aurait assuré leur vie ou survie.
Le Problème et les solutions réparatrices des préjudices sont à présent bien connus :
1-la pension est garantie par les cotisations versées par la Banque mondiale ;
2-le fonds de réinsertion a été utilisé par l’État pour recapitaliser la BDM qui alors est devenue une Société Anonyme dont les Partants Volontaires sont désormais les actionnaires majoritaires en droit d’exiger la restitution de leur capital et tous les bénéfices réalisés depuis plus de vingt ans.
Monsieur le Président de la République, les faits endurés injustement par les partants volontaires et la stagnation dans le dénuement, au vu et au su du peuple malien, au mépris souverain de nos droits légitimes par l’État que vous présidez, expliquent la longueur de la présente lettre dont nous nous excusons volontiers. Nous attendons et réclamons toujours notre fonds de réinsertion qui constitue notre droit tout en étant la substantifique moelle du programme de départ volontaire.
Autrement, nous sommes des victimes au seuil d’un génocide d’État, le summum de la violation des droits dans une démocratie. En vrai Messie qui assume bien sa
Mission, vous sauverez des vies humaines.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments de gratitude]
Bamako, le 21 février 2019
Pour le collectif de déflatés
DJIGUI KONE dit KASS
Ancien Secrétaire Général de L’ATVR