Créé en 2010 Mme Sirebara Fatoumata Diallo est la Présidente de la Coopérative «Femme en action», Fondatrice et Directrice du Centre de formation multifonctionnelle pour un développement durable. Abandonner les Bureaux au profit du monde rural, Fatoumata Diallo n’a qu’une seule option, partager son savoir-faire avec les femmes et jeunes dans le domaine rural. Elle forme les gens à faire le maraichage et la pisciculture hors sol. C’est-à-dire sur des tables et dans des bacs. Une pratique dont elle est la première à amener au Mali. En plus de cela, elle fait aussi l’agroalimentaire, la transformation des produits. Suivez plutôt son interview ci-dessous.
LE COMBAT : Pourquoi avoir créé ce centre ?
Mme Sirebara Fatoumata Diallo: C’est un centre de formation que j’ai créé pour faire profiter les gens, particulièrement les femmes et les jeunes, surtout en milieu rural. Cela à partir des quelques expériences que j’ai eu à travers des échanges et de mes voyages. C‘est ça l’objet même de la création de ce centre, partager mes connaissances avec les autres.
Quelles sont les activités pratiquées dans le centre ?
Je forme les femmes et les jeunes. Mais, mon objectif principal est axé sur les femmes. Nous avons comme activités principales les cultures en maraichage hors sol et la pisciculture hors sol. Pour dire qu’ici nous faisons tous sans avoir à faire à la terre obligatoirement. Vu qu’à Bamako le sol est un facteur qui limite beaucoup d’activités en matière d’agriculture. Ç’a été une innovation que j’ai pu amener lors de mes voyages. J’ai vu dans certains pays qu’on peut bel et bien cultiver sans la terre ; ils font le maraichage dans toutes sortes de matériels de récupération. J’ai voulu exploiter la même chose ici au Mali pour aider les femmes qui subissent les multiples déguerpissements. Je suis la Présidente des femmes rurales de Bamako, je sais ce que veut dire faire déguerpir des femmes. Juste à quelques jours de la maturité de leurs plantes, elles sommées de déguerpir alors qu’elles n’ont nulle part où aller et ça fait très mal. Voilà ce qui m’a incité à amener cette idée de culture hors sol. On fait le maraichage sur des tables et ça donne le même rendement sinon plus que celui fait par terre. En plus, ça limite le temps de travail et ça donne également à la femme le temps de faire autre chose. Parce que tout se fait à domicile ; on n’a pas besoin de faire de longues distances pour aller, par exemple, chercher de l’eau.
Suite au maraichage hors sol, on a aussi eu l’initiative d’élever les poissons dans des bacs que nous confectionnons nous même. C’est-à-dire faire de la pisciculture hors sol. Vous savez déjà que la ressource du poisson se raréfie chez nous à cause des nombreux gens qui s’adonnent à l’activité. Pour sauvegarder le peu qui nous reste, le gouvernement a eu l’initiative d’amener des programmes de pisciculture. Le constat dans cette activité est que ce sont les femmes et les jeunes les plus marginalisés parce qu’ils n’ont ni l’espace ni les moyens financiers pour l’exercer. C’est ce qui m’a amené à faire des bacs hors sol avec l’aide du Directeur de la pêche à l’époque Erick Coulibaly que je salue à tous les passages. Ça permet à tous ceux qui le désirent et qui n’ont pas les moyens de le faire à la maison. L’activité constitue une revenue génératrice pour ceux qui le pratiquent.
Faites-vous autre chose à part la formation ?
Nous faisons également l’agroalimentaire, la transformation des produits agricoles et surtout l’élevage de poissons. Nos activités sont centrées sur la filière poissons, la production, la transformation jusqu’à la commercialisation des produits locaux. Dans le domaine du poisson, on ne jette rien ; tout est monnayable chez nous. Des écailles aux arrêts.
Vous avez eu à former combien de personnes qui sont aujourd’hui indépendantes ?
La formation que nous faisons est différente de la formation classique. C’est-à-dire, réunir de 30 à 40 personnes dans une salle. Pour nous, cette formation classique n’a pas d’impact. Parce que ça donne le temps aux apprenants d’oublier ce qu’ils ont appris dans l’attente d’équipements. Vu que la pisciculture intéresse beaucoup de gens, sur demande, nous formons directement les personnes sur leurs propres bacs. De fin 2015 à aujourd’hui, nous avons installé plus de 40 bacs. Et c’est autant de bacs autant de familles formées. Après l’installation, on fait deux mois de suivi pour se rassurer de la bonne pratique.
Avez-vous des difficultés auxquelles vous faites face ?
Bien sûr ! Comme dans tout travail, il y a toujours des défis à relever, des difficultés à surmonter. Donc, comme premier problème, je suis dans un centre qui n’est pas à la hauteur de mes aspirations. Je veux construire un centre qui peut accueillir tant d’élèves qui peuvent être formés sur place. Je suis très ambitieuse, je veux un centre au vrai sens du mot. Le deuxième problème c’est qu’on essaie de faire avec des moyens propres à part qu’on a eu deux projets qui nous ont aidé à installer des bacs. Il nous manque beaucoup de logistiques. Par exemple, après avoir fini de confectionner les bacs, il y a les moyens de transport qui posent problème. Alors que ce sont des choses qui peuvent aider à rendre les bacs moins chers. Parce que nous voulons que l’accès soit facile à toute personne qui désire s’aventurer dans cette activité rentable. On est limité à cause des équipements réels qui puissent nous permettre de faire ce travail comme il le faut.
Comment parvenez-vous à gérer autant d’activités et la famille en même temps ?
Travailler et la famille, on peut bien concilier les deux. Il suffit d’associer la famille à ce que vous faites. Ne jamais travailler seul, il faut faire aimer à votre famille ce que vous exercez comme métier ou profession. Ça leur permet de se sentir important. Aujourd’hui, mes enfants peuvent faire tout ce que je fais quand je ne suis pas là ; mon mari c’est la même chose, il m’aide lui aussi dans tous. Donc, sur ce point, je n’ai aucun problème.
Avant d’ouvrir ce centre, qu’est-ce que vous faisiez?
J’ai débuté d’abord dans l’immobilier où j’ai fait près de dix ans comme agent comptable, de recouvrement et Directrice. J’étais l’unique femme de l’entreprise et j’avais vraiment la confiance et le respect des hommes. Et, pendant que je faisais ce travail, j’étais dans la mouvance du monde rural. J’étais dans l’organisation des pêcheurs dont j’ai été membre fondateur. C’est à cause de mon amour pour le monde rural que j’ai abandonné les Bureaux. Et, après avoir fait cela, j’ai galéré pendant deux ans. Mais, ça ne m’a pas empêché de suivre mon objectif.
Propos recueillis par Adama A. Haïdara