Après 100 jours de grève totalement suivie, les Magistrats ont repris le travail le lundi 5 novembre dernier dans tout le pays. C’est à la suite d’une décision unanime au sortir d’une Assemblée Générale de la magistrature. Une longue durée de cessation de travail qui s’est soldée aussi par des révélations fracassantes parmi lesquelles l’affaire des 3,5 FCFA milliards détournés à l’Hôtel des finances. Et par qui ?
Ici au Mali, chaque fois qu’il y a un détournement de milliards et de biens publics, il y a eu des révélations. Cela, soit à l’issue des enquêtes du Bureau du Vérificateur Général ou par la presse privée grâce à l’œil vigilant des cadres intègres bien informés sur les grands dossiers de la nation. Mais ces révélations, pourtant toujours fondées, produisent malheureusement moins d’effets escomptés. En tout cas, jamais un présumé auteur et ses supposés complices n’ont été inquiétés. Ce, parce qu’ils sont tous, soit des Barons du Régime du Prince du jour ou soit de la chaine de complicité qui s’étend jusqu’au dernier poste subalterne du pouvoir judiciaire. Ce qui fait qu’il n’y a jamais eu des poursuites judiciaires ni même un dossier ouvert. De nombreux Rapports du Bureau du Vérificateur Général (payé à coût des milliards) restent ainsi sans aucune suite. C’est d’ailleurs là le germe principal de la crise de confiance entre les Gouvernants et les Gouvernés. Conséquences: les impôts et les taxes ne sont pas payés régulièrement par la majorité des populations. Car, chacun se dit «Sanfè Mogow bè ka dun» (ce sont les Gouvernants qui vont bouffer sans crainte).
L’on se rappelle bien que le BIPREM avait porté plainte contre l’actuel Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga et trois autres membres du Gouvernement de l’actuel Régime pour détournement des fonds publics dans le cadre de l’achat d’équipements militaires passés en 2013. Mais jusqu’à présent aucune suite de la part de la justice.
Les trois anciens Ministres visés par la plainte sont Mme Boiré Fily Sissoko, ex- Ministre des Finances ; Moustapha Ben Barka, actuel Secrétaire Général de la Présidence de la République ; Mahamadou Camara, ex-Ministre de la Communication et porte-parole du candidat IBK lors des dernières élections présidentielles et Sidi Mohamed Kagnassy, ex-Conseiller du Président de la République.
Le BIPREM accuse les intéressés de la disparition de 153 milliards FCFA pointés par le Rapport 2013-2014 du Bureau du Vérificateur Général. De leur plainte déposée sur la table du Procureur près le Tribunal de Grande Instance de la Commune III de Bamako avec ampliation une copie au Président de la Cour Suprême, une copie au Procureur Général de la Cour Suprême et une copie Procureur Général près Cour d’Appel de Bamako. Mais jusqu’à ce jour, ni le PM encore moins ses coaccusés n’ont été saisis.
N’est-ce pas que c’est le même sort qui est réservé à cette affaire des 3,5 milliards FCFA?
Ces inquiétudes paraissent quasiment ahurissantes et stupéfiantes dans un pays dit de Droit comme le nôtre prétend l’être. Car, tout Malien devrait avoir l’assurance de la poursuite dudit dossier avec l’ouverture de l’enquête afin de situer les responsabilités. Mais, tel semble loin le sort qu’aura cette affaire ; car, le Gouvernement aussi bien que nos chers Magistrats observent un silence total là-dessus depuis l’annonce de la suspension de leur mot d’ordre de grève. Or, ce sont eux-mêmes qui en ont fait la révélation publiquement.
Pour rappel, tout était parti suite à la décision du Ministre des Finances Dr Boubou Cissé de suspendre les salaires du mois de septembre des Magistrats grévistes. C’est au cours de ce déballage que les Magistrats épris de colère ont, à leur tour, fait sortir leur hache de guerre en dévoilant dans leur communiqué du 24 septembre dernier le détournement de cette somme colossale de 3.500.000.000 par un seul Ministre de la République. Une somme destinée au dédommagement d’un opérateur économique.
Le temps donnera-t-il raison à ces gens qui affirmaient que la révélation faite par les Magistrats de cette bagatelle somme détournée au Ministère de l’Économie et des Finances ira jusqu’au bout? En tout cas, faut-il rappeler qu’aucune mesure n’a été envisagée du côté du Chef de l’Etat pour confirmer ou informer l’accusation scandaleuse.
En tout état de cause, le Chef de l’État, Ibrahim Boubacar Kéïta, son Gouvernement et les actuels Responsables du pouvoir judiciaire malien doivent rendre compte aux Maliens le moment venu.
Seydou Konaté : LE COMBAT